Yacouba Doumbia

Opinion

Damana Pickas : Le dernier acte d’un soldat perdu 

Yacouba Doumbia
© Ph DREn 2010, Pickas a déchiré des PV devant le monde entier parce que son mentor, mauvais perdant, était en difficulté.
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C’était en 2010. Sous les flashes des caméras du monde entier, un homme à la mise approximative, le verbe haut et la main prompte, s’illustrait par un geste resté dans les annales de la honte politique : Damana Adia Pickas, en direct à la télévision, déchirant rageusement les procès-verbaux de proclamation des résultats de la présidentielle.

Un geste théâtral, grotesque, mais symbolique : celui d’un régime aux abois, qui refusait de reconnaître sa défaite. Ce jour-là, le monde entier a découvert la face obscure d’un pouvoir agonisant, répressif, sanguinaire et sanguinolent. La suite ?

Annulation de 520 000 voix du candidat Alassane Ouattara. Inversion des résultats. Répression barbare et mortelle. Plus de 3 000 morts. La Côte d’Ivoire en larmes, pendant que certains, à l’abri, jubilaient.

L’homme, après la débâcle, prend le chemin du Ghana, comme d’autres compagnons d’infortune. L’exil des vaincus. Mais même en terre étrangère, Pickas ne désarme pas. Avec ses amis d’hier, il fomente, rumine, et rêve de revanche. Commissariats attaqués, brigades incendiées, soldats de l’ONU tués dans l’Ouest… L’ombre d’un “commando binguiste” flotte alors dans les esprits (un mythe pour les uns, une menace réelle pour les autres). Leur rébellion fut matée...avec rigueur et sévérité.

Lida Kouassi cueilli au Togo, Jean-Noël Abéhi arrêté au Ghana… et toujours, dans les confidences des uns et les aveux des autres, le nom de Pickas revient, tel un refrain lugubre.

Puis vient le temps du pardon. Celui du retour au pays, de la réconciliation. Le moment d’enterrer les rancunes, croyait-on. Mais chassez le naturel, il revient au galop avec fracas. À peine revenu, Damana reprend du service : le tribun de l’absurde refait surface, bavard, belliqueux, fidèle à lui-même.

L’homme parle fort, gesticule, tonne, menace. Toujours au nom du peuple, jamais au nom de la raison. Puis le couperet tombe : implication dans une attaque, jugement, condamnation… et camouflage. Il s’évanouit, comme à son habitude, dans les brumes de la lâcheté.

Et le voilà qui ressurgit, cette nuit du 16 octobre 2025, à une heure où seuls les fantômes s’agitent. Le visage gonflé de haine, le verbe trempé dans le fiel. Pickas croit rejouer sa dernière carte, son baroud d’honneur. Il appelle, harangue, invective… mais sa voix ne porte plus. Elle se perd dans les échos d’une époque révolue. Ses mots résonnent dans le vide, comme une vieille cassette rayée des années 2010.

Pickas a joué. Pickas a perdu.

Il s’enfonce désormais dans les limbes de sa propre rancune, sans boussole ni salut. Du soldat du désordre, il ne reste qu’un agitateur en quête d’audience, un ancien combattant de causes perdues, recyclé en influenceur du chaos.

Triste épilogue pour celui qui croyait incarner la résistance, et qui finit par symboliser la dérision.

La justice, elle, doit faire son œuvre. Sans passion, mais sans faiblesse. Car là où Pickas et les siens ont échoué en 2010, en 2020, ils ne réussiront pas davantage en 2025. L’histoire ne bégaie pas éternellement : elle sanctionne.

Aléa jacta est. Le sort est jeté.

Pickas boira le calice de la justice jusqu’à la lie.

Et pendant ce temps, la Côte d’Ivoire avance loin des clameurs des naufragés de l’histoire.

Yacouba DOUMBIA 

Journaliste