
Radié de la liste électorale le 4 juin 2025, Thiam se rabat donc sur l'ONU dans l'espoir d'obtenir un soutien international. Sauf qu'il ignore le mode de fonctionnement du comité des droits de l'Homme de l'ONU. Mais cette initiative, aussi symbolique soit-elle, risque de n’être qu’un geste de protestation sans réel effet immédiat.
Un organe international… mais à la temporalité redoutable
Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, créé suite à l’adoption du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1966 (entré en vigueur en 1976), est chargé de veiller au respect des droits civils et politiques garantis par ce Pacte. Il se compose de 18 experts indépendants, élus par les États-parties pour des mandats de quatre ans et compte en son sein quatre membres africains, dont l’Égyptienne Wafaa Ashraf Moharram Bassim, Vice-Présidente du comité.
La Côte d’Ivoire, devenue partie au Pacte en 1992, a également ratifié le Protocole facultatif n°1 en 1997, autorisant ainsi ses ressortissants à saisir le Comité. Mais les procédures sont longues : l’examen d’une communication individuelle débute seulement après un délai de six mois, temps accordé à l’État concerné pour fournir ses observations. Autant dire que dans le cas Thiam, le Comité ne se penchera pas sur le fond du dossier avant, au mieux, la fin de l’année 2025 — soit après la présidentielle.
Une action plus politique que juridique ?
Cette saisine du Comité pourrait apparaître comme une ultime carte jouée par le PDCI-RDA. Mais dans les faits, il s’agit d’un recours non contraignant, émis devant une instance non juridictionnelle. Le Comité n’a ni pouvoir de sanction ni effet suspensif. Il peut seulement constater les violations et adresser des recommandations aux États-parties. L’affaire évoque d’ailleurs un cas précédent d’un Ivoirien : celui de M. Zébié Aka Bi, qui, en 2000, avait saisi le Comité, après avoir été exclu des élections. Sa plainte fut déclarée irrecevable pour défaut de démonstration de sa qualité de victime. Un rappel que la recevabilité d’une requête devant le Comité est soumise à des conditions strictes, notamment l’épuisement des recours internes et la démonstration claire d’un préjudice personnel.
Une stratégie aux limites connues
En agissant ainsi, le PDCIRDA tente de se victimiser en vue de mobiliser la communauté internationale. Pourtant, les chancelleries internationales, déjà présentes en territoire ivoirien, sont bien informées des turpitudes de Tidjane Thiam, qui a renoncé tardivement à sa nationalité française, alors que rien ne l'empêchait de le faire plus tôt.
Mais en choisissant un canal diplomatique aux effets différés et limités, le parti prend le risque de se heurter à l’indifférence pragmatique du calendrier électoral. Pire, l’opinion pourrait y voir une posture sans suite concrète. Le dépôt de cette requête ne suspend aucune décision administrative ou judiciaire en Côte d’Ivoire et n’ouvre aucune voie de réintégration immédiate dans le processus électoral.
Une bataille d’image avant tout ?
À quelques mois d’une élection majeure, la démarche de Tidjane Thiam s’inscrit dans une logique de mobilisation symbolique. Il s’agit moins d’un véritable recours juridique que d’un acte politique destiné à marquer l’opinion nationale et internationale. Mais au regard du fonctionnement du Comité, le pari ressemble fort à un coup d’épée dans l’eau : le PDCI-RDA dénonce une injustice, mais sans outil effectif pour la corriger dans les délais impartis. À défaut de peser sur l’élection d’octobre, cette démarche servira peut-être à faire diversion pour berner les militants du PDCI-RDA sur une supposée capacité de son président à mettre la pression sur le président Alassane Ouattara. En attendant, le chronomètre tourne, et les règles du jeu demeurent inchangées.
Yacouba DOUMBIA