L’affluence est impressionnante. Les nuages ombrageux, signes que la pluie s’annonce, n’ont pas faibli l’ardeur des fidèles chrétiens à être les témoins directs du successeur de Bishop Benjamin Bony, à la tête de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire, depuis juin 2005.
Je déclare devant Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, n’être ni adepte d’une confrérie de sorcier
Pour l’occasion, tous les temples méthodistes sur l’ensemble du territoire national sont restés fermés.« Je déclare devant Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, n’être ni adepte d’une confrérie de sorcier, ni adepte d’une secte, rose croix, franc maçonnerie, vaudou et autres organisations mystiques, ésotériques ; déclare n’appartenir à aucune communauté LGBT ; déclare avoir librement et volontairement accepté d’assumer la charge de Bishop pour laquelle j’ai été élu par l’église méthodiste de Côte d’Ivoire ; m’engage à assumer en toute responsabilité, la charge de Bishop de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire ; m’engage à respecter strictement et à faire appliquer les statuts et les règlements généraux de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire ; m’engage à respecter et à faire respecter la doctrine et la discipline de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire et à ne rien faire qui entrave sa bonne marche », telles sont les premières paroles prononcées par son Éminence Séraphin Anoh Moudé, désormais premier responsable de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire. Ces propos, en signe de prestation de serment, ont été dits lors du dialogue liturgique, la main gauche sur le cœur, devant près de 25000 personnes, selon le comité d’organisation.
Élu le 15 mars 2025, comme président de l’Église méthodiste de Côte d’Ivoire, lors des assises de la Conférence extraordinaire élective, tenues au temple du Jubilé de Cocody, Bishop Séraphin Anoh Moudé a reçu des mains de son prédécesseur, les attributs de son ministère. Ils sont composés d’un exemplaire de la Bible, d’une écharpe rouge, signe distinctif entre lui et les autres pasteurs dont l’écharpe est bleue. À cela, s’ajoute un exemplaire des statuts, signe de la discipline dans l’église.
Séraphin Moudé, un modèle d’espérance
Bishop Séraphin Anoh Moudé a été consacré pasteur de l’église méthodiste de Côte d’Ivoire en novembre 2003. Le cheminement pastoral de cet ancien du lycée classique d’Abidjan, n’a pas été un cours d’eau tranquille. Père d’un garçon de moins 10 ans, avec son épouse, le couple Séraphin Anoh Moudé a vécu le martyr dans le district d’Abengourou où il a été pasteur pendant une vingtaine d’années.
D’abord, pasteur du temple « Cité de grâces », avant d’être nommé comme le surintendant du district d’Abengourou, il n’a pas eu la tâche aisée, selon des témoignages de certains fidèles. Le couple a été confronté pendant des années, à l’infécondité. Il leur était quasiment impossible d’avoir un enfant, confie une fidèle du temple « Cité de grâces ». Selon cette dernière, le couple était à la recherche d’un enfant, mais la femme ne parvenait pas à concevoir. Cette situation faisait d’elle et son époux, un couple objet de toutes sortes d’injures et de critiques par certains fidèles. L’épouse du pasteur n’avait pas la parole dans les assemblées de prière. Elle était aussitôt rappelée à l’ordre par certaines femmes, la traitant de stérile. Réputé pour son esprit de justice et très opposé à la formation des clans dans les associations de l’église ou les assemblées de prière, Bishop Séraphin Moudé était traité de tous les noms. Même ses réformes pour assurer le meilleur fonctionnement de l’église, étaient vues d’un mauvais œil par des fidèles. Certains évoquaient, en son absence, son infertilité que d’autres qualifiaient comme une sanction divine.
Tous les examens médicaux ont été réalisés avec un suivi médical sans succès. À l'époque, le couple a vécu des perturbations relatives au problème d'infécondité. Le guide religieux qui prêchait l'espérance dans les difficultés à ses fidèles, était soumis à une équation sans solution. Comment ses prédications et exhortations pouvaient trouver un écho favorable auprès des fidèles ? Des médisances, le couple en a connu à profusion, provoquant souvent des prises de position tranchées entre les fidèles, surtout dans la gent féminine. Certains n’appréciaient pas le traitement réservé au couple. Finalement, cette situation a fini par créer des blocs entre les femmes, essentiellement.
Comme si cela ne suffisait pas, des serpents visitaient régulièrement la résidence de ce couple chrétien. C'était encore l'objet d'un autre combat spirituel auquel il fallait faire face, fait savoir l'entourage du Bishop. En fait, pendant que le pasteur Moudé et son épouse, soutenus par des fidèles, étaient engagés dans des prières pour espérer avoir un enfant, après les limites de la médecine moderne, ils étaient régulièrement confrontés aux serpents. À chaque fois, c'était en l'absence de l'époux. « Chaque fois qu'un serpent venait dans la maison, son mari n'était pas là. Sa femme qui était seule dans la maison, paniquait et sollicitait chaque fois le voisinage pour venir à sa rescousse », témoigne cette fidèle de la communauté chrétienne.
Ce qui a milité en faveur du Bishop Moudé à la tête de l’église méthodiste
En 1986-1987, le Très Révérend Séraphin Moudé décroche son baccalauréat série D au lycée classique d’Abidjan, après un premier échec au lycée moderne 1 de Dabou. Il est orienté au département de mathématiques à l’école normale supérieure d’Abidjan (ENS). Il fera, par la suite, un tour au département de sociologie à l’université de Cocody de 2007 à 2008. Dans les années 1997-1998, très porté pour le service de la vie pastorale, il ira au Cameroun pour des études théologiques et reviendra en Côte d’Ivoire avec une maîtrise obtenue à la Faculté de théologie de Yaoundé. Après avoir servi dans plusieurs localités de la Côte d’Ivoire en tant que pasteur, il va déposer ses valises à Abengourou dans les années 2009-2010, après un passage à Aboisso. Dans l’Indénié-Djuablin, il a laissé un bon témoignage de vie avec son épouse et surtout pour avoir réussi à opérer de grandes réformes pour l’unité de l’église, contre vents et marées. Son travail remarquable à Abengourou, va le conduire à prendre la tête du district de Yopougon, dernier poste qu’il a occupé jusqu’à son élection en tant que président de l’Église méthodiste de Côte d’Ivoire.
Bishop Moudé, grand amateur de lecture et de musique chrétienne, est connu dans toutes les villes où il a servi pour être un homme très large. Des fidèles retiennent de lui, son sens élevé de l’union, de la résilience dans les épreuves et son dédain pour l’injustice. C’est pour ses qualités de générosité qu’il a, d’ailleurs, été distingué par l’ONG Les Amis d’Israël lors de la 19e journée internationale des pasteurs. C’était le 6 avril 2024 à l’Hôtel Belle-Côte, à Abidjan. Autant de qualités qui ont mérité en sa faveur pour son élection.
Ernest Famin
