
Du président du comité d’organisation, l'ancien général de la rue, aux différents leaders des micros partis qui composent cette coalition, tous ont parlé et ont dit ce qu'ils pensaient. La réaction la plus attendue, reste celle du président du PDCI-RDA qui fait office de chef de file de cette coalition. Dans son pseudo exil volontaire, c'est via visioconférence que Tidjane Thiam, qui veut s'asseoir dans le fauteuil présidentiel dans 5 petits mois, s'est adressé à la ville et au monde. Ce n'est, certes, pas la première fois qu'un acteur politique s'adresse à ses militants par le canal des technologies de l'information et de la communication, mais dans la plupart des cas, cette situation se pose quand le leader en question fait l'objet de poursuites ou est menacé dans son pays. Dans le cas d'espèce, un leader d’un parti politique s'est levé un matin, s'est payé un billet d'avion en première classe pour aller régulariser une situation juridique qui risquait de lui être préjudiciable dans sa volonté de briguer la magistrature suprême dans son pays, si ce ne l’était déjà.
Depuis lors, Tidjane Thiam, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a pris l'option de s'installer hors de son pays, pour obtenir sa participation et sa victoire alléguée au soir du scrutin présidentiel du 25 octobre 2025. C'est donc depuis l’extérieur que tout se décide désormais pour le plus vieux parti du continent africain, après l’ANC. Pour commencer, c’est depuis la France qu'il a annoncé avec un triomphalisme démesuré, qu'il s'est libéré de sa nationalité française acquise en 1987. Acculé devant les juridictions par une militante de son parti, c'est encore depuis la France qu'il a démissionné avec fracas de son poste de président du PDCI-RDA. C'est aussi en France qu'il a nommé un président intérimaire et convoqué le premier bureau politique de son parti auquel il n'a pas participé. C'est encore et depuis la France qu'il a été (re)élu in absentia, président du PDCI-RDA au cours du congrès le plus rapide de l'histoire de la politique ivoirienne. C'est toujours depuis la France qu'il a été désigné candidat de son parti à la présidentielle d'octobre 2025 en Côte d'Ivoire et encore et toujours in absentia. Le dernier fait en date remonte à ce week-end où il s'est adressé aux partisans de la CAP-CI depuis un pays européen.
Le moins qu'on puisse dire à la suite de tous ces faits, est que Tidjane Thiam fait face à l'implacable réalité du terrain politique. Produit de la finance internationale, il s'est laissé persuader par une vieille garde nostalgique de la sombre parenthèse de l'ivoirité qu'il est le deus ex machina qui pourra faire revenir le PDCI-RDA au pouvoir d'État. Lui aussi obnubilé par cette promesse quasi messianique, Tidjane Thiam s'est drapé de la toge de l'arrogance politique, en espérant se forger un parcours jupitérien à l’image de son ami (?) Emmanuel Macron. Mais depuis l’ouverture du brûlant dossier de sa double nationalité, l'homme s'est rendu compte qu'il était face à un vrai miroir aux alouettes. S'étant taillé lui-même une réputation surfaite avec une forte inclination pour la maladie des premiers, il pensait que le fait d'appartenir à la famille du père fondateur et le parcours qui a été le sien à Polytechnique Paris suffiraient pour faire de lui, le sixième président de la République de Côte d'Ivoire. Aujourd'hui, il se rend compte que la réalité est tout autre. Étant victime de ses propres turpitudes et désormais dans le dur, il n'a pas d'autres choix que de rester hors du pays pour donner l'impression d'un opposant que l'on empêche de rentrer dans son pays. Mais cette désuète stratégie de victimisation ne peut prospérer, dans la mesure où le pot aux roses de vouloir s’asseoir sur le fauteuil présidentiel sans coup férir a été découvert. Les dés étant jetés, si Thiam veut être ce leader qui compte pour aujourd'hui et demain, il doit cesser de pratiquer la politique in absentia où tout est donné sur un plateau d'or et sans effort. Et cela commence par la leçon apprise du miroir aux alouettes de la scène politique ivoirienne.
Bernard KRA