
Dans l'attente de la décision du gendarme des lois en Côte d'Ivoire, le 10 septembre apparaît donc comme le jour le plus long de ces cinq dernières années. Dans le langage courant, le jour le plus long renvoie à une épreuve comme une maladie ou une guerre. Dans l'histoire, le jour le plus long est employé pour qualifier l'angoissante attente du débarquement de Normandie, le 6 juin 1944. Symboliquement, le jour le plus long est donc une expression qui désigne une journée marquante et éprouvante, vécue comme interminable.
Voilà ce que veut créer une certaine opinion en Côte d'Ivoire dans l'attente du 10 septembre, date à laquelle le Conseil constitutionnel s'exprimera sur les candidatures à la présidentielle du 25 octobre. Pendant ce temps, l'on fait courir le bruit selon lequel le pays sera mélangé à partir de ce jour. Plus grave, il se susurre que le pays risque de replonger et l'on commence déjà à désigner la présidente du Conseil constitutionnel comme celle par qui le malheur arrivera. Dans le même laps de temps, l'on demande aux populations de faire des provisions, d'éviter d'aller au boulot, ce jour-là, ou de limiter strictement leurs déplacements.
«Le 10 septembre 2025 sera un jour comme tous les autres, parce que la Côte d’Ivoire est au-dessus de tout»
Les citoyens les plus alarmistes ont commencé à entrevoir un autre exil au Ghana. Mais à l'analyse, ce semblant de jour le plus long n'est que pure illusion. La décision que doit rendre le Conseil constitutionnel n'est qu'une activité routinière du fonctionnement normal des institutions dans une République. Pourquoi veut-on faire passer une décision du fonctionnement normal d'une institution comme un casus belli pour un pays ? Il ne faut pas se voiler la face. Cette chappe de plomb que certains veulent faire peser sur la Côte d'Ivoire est la suite logique de la stratégie macabre de l'opposition qui veut imposer des candidats à une élection, au mépris des lois de la République. Sur les 60 citoyens qui ont déposé leurs dossiers de candidature à la Commission électorale indépendante, l'on sait très bien qu'il y a plusieurs dizaines de farceurs qui ont accompli cet acte juste pour se faire connaître.
Il y a aussi des figures politiques très bien connues qui savent pertinemment que leurs dossiers seront rejetés et qui ont fait acte de candidature envers et contre tous. Et ce sont les officines de ces derniers qui développent les thèses complotistes, qui crient déjà au loup, faisant croire qu'une éventuelle invalidation de ces candidatures serait une cabale contre ces acteurs politiques. Ainsi, dans les quartiers, les groupes de discussion et sur les réseaux sociaux, l’on agite le chiffon rouge de l'exclusion. Il est vrai que la politique est la science des impossibles, mais les Ivoiriens ne doivent pas avoir une mémoire amputée. Depuis 1990, donc en l'espace d'une génération, on aura tout vu dans ce pays. Après le multipartisme, l'on a connu l'ivoirité, le boycott actif, avant de toucher le fond avec le coup d'État de 1999. Comme des hommes qui marchent sans regarder dans le rétroviseur, en 2002, on débouche sur une rébellion qui a divisé le pays en deux, pendant près de dix ans. En 2010, l'horreur !
Ce qui devait être un simple jeu électoral, comme on en voit autour de nous, a été le théâtre de la crise la plus meurtrière de l’histoire du pays. Après cela, l'on a connu des mutineries, des attaques de camps militaires, des tentatives de coup d’État, une désobéissance civile, etc. Des gens ont été brûlés vifs, l'on a joué au ballon avec un crâne humain, des femmes enceintes ont été violées et éventrées, des gens ont tout perdu dans la vie. Malgré tout, il y a encore des oiseaux de mauvais augure qui continuent de prêcher l'apocalypse. C'est là que le bon sens et la lucidité doivent habiter chaque habitant de ce pays. Après tout ce qui a été énuméré ci-haut, comment peut-on souhaiter et prévoir des jours sombres pour son pays ? Comment peuton avancer que, si les candidatures de deux citoyens qui ne remplissent, au demeurant, pas les conditions à une élection, ne sont pas validées, ce sera le chaos dans le pays ? En toute chose, la raison doit prévaloir sur tout.
Quand on regarde le trou duquel le pays est sorti en 2011 et là où il est positionné aujourd'hui, nous devons tous réfléchir sur nos postures personnelles, relativement à la paix dans le pays. La Côte d’Ivoire est en attente de la décision de sa juridiction suprême. Après le 10 septembre 2025, le pays continuera d'exister et d'avancer. Le 10 septembre 2025 et même après, le soleil n'arrêtera pas sa course et le temps ne suspendra pas son vol. Le 10 septembre 2025 sera un jour comme tous les autres, parce que la Côte d’Ivoire est au-dessus de tout.