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Relations tendues au sommet de l'Etat : Le tandem Faye-Sonko à l'épreuve du pourvoir

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À un peu plus d'un an après leur accession commune au pouvoir (2 avril 2024), les premiers signes de tensions au sommet de l’État sénégalais commencent à s’exposer au grand jour.

Le retour discret du président Bassirou Diomaye Faye des États-Unis, sans l’accueil traditionnel de son Premier ministre Ousmane Sonko, a ravivé les spéculations sur une mésentente croissante entre les deux figures emblématiques du parti Pastef. Et cette fois, les divergences semblent plus profondes qu’un simple malentendu protocolaire.

Un retour sous silence… et sous tension Vendredi 11 juillet, à son arrivée à l’aéroport de Dakar après une visite officielle aux États-Unis, le chef de l’État sénégalais a été accueilli non par son Premier ministre, mais par le gouverneur du Palais. Une absence notable, d’autant plus inhabituelle que depuis leur prise de fonction, Ousmane Sonko n’avait jamais manqué de se tenir aux côtés du président lors de ses déplacements officiels.

Ce changement de ton, relayé par plusieurs médias locaux dont Seneb TV, Les Échos et Wal Fadjri Quotidien, n’a pas manqué de relancer les débats sur l’état réel des relations entre les deux anciens compagnons de lutte. La sobriété de cet accueil, dans un contexte où les symboles ont toute leur importance, laisse planer l’ombre d’un désaccord politique devenu difficile à dissimuler.

Un discours frontal et sans équivoque

La veille, Ousmane Sonko, lors de l’installation du Conseil national de Pastef, n’a pas mâché ses mots. Devant un auditoire conquis, il a livré un discours offensif, dénonçant un « problème d’autorité » au sein de l’appareil d’État. « Ce dont souffre le pays, ce n’est pas d’une crise politique classique, mais d’un déficit criant d’autorité », a-t-il martelé. Des propos perçus par de nombreux observateurs comme une critique directe de la posture présidentielle de Diomaye Faye, accusé en filigrane de passivité face aux blocages internes.

Plus grave encore, Sonko a affirmé avoir rencontré en privé le président pour tirer la sonnette d’alarme : « Je suis allé le voir, car il a le pouvoir d’arrêter cela s’il le souhaite. La vraie question est : pourquoi n’a-t-il pas encore pris de décision ? » Un ton grave, presque solennel, qui en dit long sur l’ampleur des divergences qui minent désormais la relation entre les deux hommes.

Entre fraternité affichée et frustration croissante

Malgré les critiques, Sonko a tenu à nuancer son propos : « Diomaye est mon frère, mon ami. Je ne convoite pas sa place. » Une déclaration qui vise à couper court aux rumeurs d’ambitions cachées ou de rivalité personnelle. Mais cette tentative d’apaisement n’a pas suffi à masquer le sentiment de frustration qui transparaît dans ses propos.

« Qu’on me laisse gouverner ! », a-t-il lancé, visiblement irrité par les freins qu’il estime subir dans l’exercice de ses fonctions. Derrière ce cri du cœur, se cache une guerre d’influence autour de la gouvernance, de la communication politique et du partage du pouvoir entre les sphères de l’État et les structures du parti. Car Ousmane Sonko ne s’en cache pas : pour lui, Pastef doit rester au centre du jeu. « Le parti doit être informé de l’essentiel des actions de l’État. Nous sommes au pouvoir. Il faut que les décisions se prennent de façon collégiale. »

Un président en mode diplomatique, mais silencieux

Pendant que son Premier ministre enflamme la scène politique locale, le président Diomaye Faye cultive un ton mesuré et résolument tourné vers l’international. Le 9 juillet, sur son compte X, il a publié : « Je remercie chaleureusement le Président Donald Trump pour son invitation et son accueil convivial à la Maison Blanche. Nos échanges riches et constructifs ouvrent la voie à un nouveau partenariat solide et ambitieux entre le Sénégal et les États-Unis. ».

Une publication sans allusion au climat politique interne ni à la sortie remarquée de Sonko. Une posture présidentielle qui tranche avec la véhémence du Premier ministre, mais qui alimente aussi les accusations de « silence » et de « manque d’autorité » lancées par son allié de la première heure.

Un duo au bord de la rupture ?

La cohabitation entre Diomaye Faye et Ousmane Sonko, longtemps présentée comme un modèle d’harmonie entre l’idéalisme militant et la responsabilité étatique, semble aujourd’hui se heurter à la réalité du pouvoir. Ce duo inédit, né dans les geôles du régime précédent et porté par un même projet de rupture, voit aujourd’hui ses contradictions internes exposées au grand jour.

L’un, président de la République, affiche une approche prudente et diplomatique, soucieux de rassurer partenaires économiques et institutions internationales. L’autre, Premier ministre, incarne encore la radicalité contestataire, exigeant des réformes rapides, visibles et assumées. Une dynamique qui, si elle n’est pas rapidement canalisée, pourrait se transformer en bras de fer politique nuisible à la stabilité du jeune régime.

Vers un recadrage ou un éclatement ?

Le peuple sénégalais, qui a massivement voté pour une alternance incarnée par le tandem Diomaye-Sonko, observe aujourd’hui avec inquiétude ces signes de tensions. Leurs divergences sont-elles surmontables ? Un dialogue politique sincère permettra-t-il de rétablir la cohésion au sommet de l’État ?

Une chose est sûre : l’acte II de leur gouvernance s’annonce déterminant. Entre recomposition du pouvoir, clarification des rôles, et affirmation de leadership, les semaines à venir pourraient bien redessiner les contours du pouvoir au Sénégal — et, peut-être, son équilibre fragile.

 

 

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