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Opinion

Jean Bonin : l'arrestation de Pulcherie Gbalet n'est pas illégale

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Jean Bonin
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La presse nationale et internationale nous informe de ce que Mme Gbalet a été arrêtée suite à une invitation à elle faite d’aller récupérer ses effet personnels à la préfecture de police d’Abidjan.

Invités à venir assister leur cliente lors de son audition par la police, ceux-ci ont brillé par leur absence, prétextant que l’absence de convocation en bonne et dû forme de Mme Gbalet rendait son interpellation illégale.

1 - La convocation préalable d’un suspect est-elle une procédure obligatoire en vue de son audition puis à sa garde à vue ?

Pour les avocats de Mme Gbalet, la convocation de leur cliente est un acte préalable à son éventuelle garde à vue. En d’autres termes, leur cliente ne peut pas être appréhendée et gardée à vue avant d’avoir été préalablement convoquée par la police.

Cette approche ne semble pas conforme aux dispositions du Code de procédure pénale (CPP) pris en son article 61. En effet, dans le cadre de ce qu’on appelle l’enquête de police ou l’enquête préliminaire (art. 60 - 76 cpp) l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) peut agir de sa propre initiative ou sur instructions du procureur (art. 60 cpp) en vue d’entendre toute personne susceptible de lui fournir des renseignements sur les faits et toutes celles qui se prétendent lésées par l'infraction. Il procède aux constatations utiles (art. 61 cpp).

Ce sont les éventuels éléments recueillis au cours de cette étape de l’enquête préliminaire qui éclaireront le procureur sur l'opportunité qu’il a ou non de poursuivre Mme Gbalet pour l’infraction qu’elle aurait commise.

Pour rappel, dans le cadre de cette enquête, sous la supervision du procureur, l’OPJ dispose d’un certain nombre de prérogatives au nombre desquelles les constatations, l'audition de toute personne susceptible de lui fournir des renseignements, les visites domiciliaires, perquisitions et saisies et la garde à vue du suspect.

2 - L’arrestation de Mme Gbalet suite à l’invitation qui lui a été faite de venir récupérer son passeport est-elle illégale ?

En application de l’article 61 du cpp précité, cette arrestation n’a absolument rien d’illégale. Dans la pratique, la police utilise divers moyens, fourbes ou perfides, pour appréhender un suspect en vue de l’entendre ou le garder à vue. Pour autant, ces pratiques sournoises n’en sont pas illégales, du point de vue du droit illégales, dès lors que la procédure est encadrée ou ordonnée par le procureur de la république.

On peut, à la suite de mon très cher Samba David se poser la question de savoir pourquoi la police choisit elle de procéder de façon captieuse pour entendre Mme Gbalet alors qu’elle aurait pu simplement la convoquer en bonne et due forme.

En l’absence d’un accès documenté au dossier, il est difficile de répondre à cette question. On ne peut dès lors que supputer sur les motifs qui ont justifié cette décision. En tout état de cause, le choix des moyens à utiliser en l’espèce pour appréhender Mme Gbalet est une prérogative discrétionnaire du procureur.

Dans le même ordre d’idée, il faut garder à l’esprit que l’art. 88 du cpp donne pouvoir à tout individu dans les cas de crimes flagrants et délits flagrants puni d’une peine d’emprisonnement d’appréhender l’auteur et de le conduire devant l’OPJ le plus proche. Nul n’est besoin ici de le convoquer au préalable.

3 - La décision des avocats de « boycotter » la procédure est-elle de nature à sauvegarder les intérêts juridiques et judiciaires de leur cliente ?

Avant d’être gardée à vue (art. 71 cpp), les avocats de Mme Gbalet ont été invités à venir l’assister lors de son audition. Ils ont refusé de s’y rendre en raison de de que « n𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑐𝑙𝑖𝑒𝑛𝑡𝑒 𝑛'𝑎 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑟𝑒𝑓𝑢𝑠𝑒́ 𝑑𝑒 𝑟𝑒́𝑝𝑜𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑎̀ 𝑢𝑛𝑒 𝑞𝑢𝑒𝑙𝑐𝑜𝑛𝑞𝑢𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑣𝑜𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛. 𝑉𝑜𝑢𝑠 𝑙𝑢𝑖 𝑑𝑒𝑚𝑎𝑛𝑑𝑒𝑧 𝑑𝑒 𝑣𝑒𝑛𝑖𝑟 𝑟𝑒́𝑐𝑢𝑝𝑒́𝑟𝑒𝑟 𝑠𝑒𝑠 𝑒𝑓𝑓𝑒𝑡𝑠 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒𝑙𝑠 𝑒𝑡 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑙𝑎 𝑔𝑎𝑟𝑑𝑒𝑧. 𝑁𝑜𝑢𝑠 𝑛'𝑎𝑙𝑙𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑎𝑠 𝑐𝑎𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛𝑒𝑟 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑝𝑟𝑜𝑐𝑒́𝑑𝑢𝑟𝑒. 𝐿𝑖𝑏𝑒́𝑟𝑒𝑧 𝑙𝑎̀ 𝑖𝑚𝑚𝑒́𝑑𝑖𝑎𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑒𝑡 𝑎𝑑𝑟𝑒𝑠𝑠𝑒𝑧 𝑙𝑢𝑖 𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑣𝑜𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑛 𝑏𝑜𝑛𝑛𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑢𝑒 𝑓𝑜𝑟𝑚𝑒 ».

La présence de l’avocat est un droit, pas une obligation.  L’art. 90 cpp dispose à cet effet que « toute personne contre qui il existe des indices graves et concordants de participation à une infraction, ou qui en a été victime ou qui est appelée à apporter son concours à la manifestation de la vérité, peut, au cours de l'enquête, se faire assister d'un avocat ».

Nous respectons l’option prise par les avocats de Mme Gbalet de ne pas assister leur cliente lors de son audition par la police. Pour autant, nous la regrettons car cette défaillance n’entache pas la procédure d’irrégularité en la viciant. Au final, elle risque d’en payer le prix fort.

Jean Bonin KOUADIO

Juriste