Kalilou Coulibaly-8

Opinion

Laurent Gbagbo, l’écho usé d’un passé sans avenir

Kalilou Coulibaly-8
Trop c’est trop, claque comme un slogan de rue (ph:dr)
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Trop c’est trop, claque comme un slogan de rue. Mais à la lecture, c’est une banderole froissée, brandie par un homme plus en quête d’écho que d’écoute.

Ce cri, lancé comme un manifeste, n’a ni ossature ni cap. Il fulmine dans le vide, tourne en rond, ressasse plus qu’il ne propose. Là où l’on attend une vision, on y trouve une rengaine d’antan, maquillée en promesse de renouveau. 

n’était-ce pas lui qui, hier encore, gouvernait sans jamais atténuer leur détresse ?

Le tout baigné de formules pompeuses pour faire oublier le fond creux. Comme une marmite militante qui bouillonne à vide, sans feu, ni saveur, ni lendemain.
En prime, le paradoxe saute aux yeux. Laurent Gbagbo se pose aujourd’hui en défenseur des laissés-pour-compte. 

Pourtant, n’était-ce pas lui qui, hier encore, gouvernait sans jamais atténuer leur détresse ? 
Les déguerpis qu’il évoque avec émotion ne sont-ils pas, justement, les témoins vivants de l’échec de sa propre gestion ? Une gouvernance aussi désinvolte avec les hommes qu’hasardeuse avec l’argent public ?

Un peuple imaginaire pour masquer une solitude bien réelle

Dans cette lettre ouverte, le mot peuple est invoqué comme une incantation magique. Mais à force de le brandir sans le représenter, il devient un alibi. Car Gbagbo ne parle plus à une majorité. 
Il s’adresse à un cercle restreint, usé, essoufflé. 
Le PPA-CI, loin d’un parti de masse, tient plus du fan club historique que d’une force nationale. Quelques bastions résiduels, un électorat vieilli, et des relais de mobilisation qui tournent en boucle sur la nostalgie.

Que dire de son « mouvement citoyen » ? Présenté comme une initiative transversale. il ressemble davantage à un rassemblement d’anciens combattants politiques qu’à un réveil des consciences. Une insurrection de salon, cousue de slogans recyclés, alimentée par les souvenirs et l’aigreur. Pas un élan populaire, mais un repli de fidèles à bout d’espoir.

Un ressentiment déguisé en appel républicain

Derrière les appels à la paix, à l’unité et à la Constitution, transparaît une mélancolie d’exilé intérieur. 
Le texte de Laurent Gbagbo n’est pas un projet. C’est une supplique. Un testament politique déguisé. En réalité Laurent Gbagbo ne cherche plus à convaincre, il cherche à revenir. Et pour cela, il tente d’effacer ses zones d’ombre : les affaires louches des déchets toxiques, les silences face aux escadrons de la mort, les patriotes devenus bourreaux. Tout cela, doit disparaître sous le vernis de son indignation nouvelle. Mais, non. 

les faits restent têtus

Quand il oppose ceux qui « croient au peuple » à ceux qui « croient aux armes », il espère que la mémoire populaire sera aussi sélective que la sienne. Mais les faits restent têtus, et le passé ne s’efface pas par simple volonté d’effacement.

Une Côte d’Ivoire imaginaire pour un retour rêvé

Dans son discours, la Côte d’Ivoire actuelle est méprisée, ruinée, brisée. Pourtant, les indicateurs bien qu’imparfaits mais réels disent autre chose. La Côte d’Ivoire connaît un recul de la pauvreté, l’amélioration des soins, les infrastructures modernisées, les revenus agricoles en hausse. 
Certes, tout n’est pas réglé, mais le tableau apocalyptique qu’il dresse relève plus de la fiction politique que de l’analyse objective.

En refusant d’admettre les progrès, Laurent Gbagbo s’enferme dans une logique simple : si la Côte d’Ivoire va mieux sans lui, alors c’est qu’elle va mal. Il ne lit la réalité qu’à travers son absence.

Trop c’est trop n’est ni une stratégie ni un espoir

Un slogan contre l’avenir, une nostalgie sans lendemain

Trop c’est trop n’est ni une stratégie ni un espoir. C’est le cri d’un homme qui tambourine aux portes de l’Histoire avec un vieux discours plié sous le bras. Laurent Gbagbo ne propose pas, il réclame. Il ne transforme pas, il ressasse. Il ne mobilise pas, il se rappelle au souvenir.
Laurent Gbagbo ne parle pas d’avenir. Il demande réparation. 
Mais un pays ne se construit ni sur la revanche, ni sur la répétition. Il avance avec courage, lucidité et renouveau.

Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur