
Un mot à Tiken Jah Fakoly. Tu as "zahé".
Par Soumahoro Alfa Yaya. Citoyen ivoirien.
Tiken Jah, tu viens de faire une sortie de route....Il y a de cela plusieurs années, bien avant l’avènement d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire, je t’avais rendu une visite de courtoisie à ton domicile à Bamako, derrière la rive.
Ce jour-là, tu m’as même fait l’honneur d’envoyer ton assistante – une Française – me chercher en voiture jusqu’à chez toi. J’ai vraiment été sensible à ta simplicité, à ton humilité et, surtout, à ton hospitalité.
Nous avons parlé de tout et de rien, refait le monde. Moi, journaliste. Toi, chanteur de reggae engagé. Nous nous sommes quittés avec la promesse de nous revoir très prochainement. Malheureusement, du fait des vicissitudes de la vie, on ne s’est plus revus depuis.
J’avais pour toi un respect scrupuleux. Mais tu viens de faire une déclaration si grave que le doute s’est installé en moi à ton sujet. Toi que je croyais être un chantre de la vérité, même quand elle est difficile à dire. Toi qui, contre vents et marées, défendais le bonheur des peuples africains. Franchement, tu viens de déconner, et je crains que cela ne porte atteinte à ta crédibilité.
Pour faire le buzz – comme c’est souvent le cas chez les artistes – tu n’avais pas besoin de faire une telle déclaration, en disant avec un rire moqueur que tu ne comprends pas pourquoi ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir font exactement ce qu’ils dénonçaient hier.
En clair, tu veux dire que tu ne comprends pas pourquoi Alassane Ouattara, exclu à la présidentielle sous les régimes précédents, pourrait aujourd’hui exclure à son tour d’autres candidats. Tu estimes qu’une élection présidentielle inclusive, le 25 octobre 2025, devrait permettre à tous les leaders de l’opposition ivoirienne – Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Charles Blé Goudé et Tidjane Thiam – d’être candidats.
Mais je me pose une question, Tiken : est-ce que les artistes chanteurs de reggae consomment vraiment des substances euphorisantes pour trouver l’inspiration ? Parce que lorsqu’il n’y a plus de dose dans le sang, certains finissent par faire des sorties de route, comme c’est manifestement ton cas aujourd’hui ?
Une question essentielle mérite d’être posée, et peut-être comprendras-tu alors la portée de ton erreur :Pourquoi Alassane Ouattara a-t-il été empêché d’être candidat à l’élection présidentielle sous Henri Konan Bédié, Robert Guéï et Laurent Gbagbo ?
Prenons simplement l’exemple de l’arrêt farfelu de Tia Koné, en octobre 2000, rendu par la Cour suprême sous le régime du Général Robert Guéï. Cet arrêt a invalidé la candidature d’Alassane Ouattara , Henri Konan Bédié lamine Fadika Etc..
Dans la nouvelle constitution, celle de la deuxième République en 2000, en son article 35; une disposition inique et absurde, une clause avait été introduite à dessin pour l’exclure sciemment Alassane Ouattara. Alors que la Constitution, la loi fondamentale, comme toute loi doit être impersonnelle.
Lors du Forum national de réconciliation, tenu du 9 octobre au 18 décembre 2001, à Abidjan, Laurent Gbagbo a affirmé publiquement cette absurdité en déclarant honteusement que cette disposition avait été prise contre Alassane Ouattara. Mais les opposants actuels, eux, sont exclus de la liste électorale par décision de justice, et non par manipulation politique.
Alassane Ouattara n'a jamais été condamné pour délit de droit commun, ou par une décision de justice quelconque. Ce qui n'est pas le cas de Laurent Gbagbo condamné par itératif défaut à 20 ans de prison pour le braquage de la BCEAO en 2011. Guillaume Soro a été condamné pour tentative d’atteinte à la sûreté de l’État. Charles Blé Goudé a lui aussi été condamné par la justice ivoirienne, malgré son acquittement par la CPI. Quant à Tidjane Thiam, c'est le juge électoral qui l'a exclut de la liste électorale pour fraude à l'inscription alors qu'il était à l'époque français de nationalité, une qualité contraire à la loi électorale ivoirienne. Son cas relève même du pénal, puisque le fait de fraude est avéré.
Comparer une exclusion politique et arbitraire comme celle qu’a subie Alassane Ouattara à des radiations judiciaires liées à des condamnations pénales., c’est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle, ou de mauvaise foi tout court.
Je ne sais pas si tu te considères comme un intellectuel. Mais j’aurais pu être d’accord avec toi si tu t’étais arrêté à la dernière partie de ta déclaration qui sous-entend : si le Président Henri Konan Bédié n’étant plus de ce monde, et vu l’âge avancé de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, le moment est venu de passer le témoin, d’ouvrir une nouvelle ère politique, et de faire place à une nouvelle génération, au nom de l’alternance démocratique.
Et justement, bien que sympathisant d’Alassane Ouattara, je ne suis pas du tout favorable à sa candidature pour la présidentielle d’octobre 2025. Avec des amis, dont des anciens ministres de la République de Côte d’Ivoire, nous avons créé un groupe de réflexion et de propositions : "Alternance", qui se fera de plus en plus entendre en Côte d’Ivoire et en Afrique.
Chaque chose en son temps.
Tiken Jah, tu as vraiment "zahé''.