
Depuis son départ de la Côte d’Ivoire intervenu deux mois avant sa démission de la présidence du PDCI-RDA, Tidjane Thiam mène une féroce bataille aux fins de voir son nom inscrit à nouveau sur la liste électorale, et, partant pour sa participation à la prochaine élection présidentielle. Le problème, c’est que cette débauche d’énergie dont il aurait pu faire l’économie s’il avait été prévoyant et inspiré se fait sur fond de mensonges, d’accusations fantaisistes et de manipulation. De fait, sur la base d’un storytelling dans lequel il joue à fond la carte de la victimisation, l’ancien ministre du Plan de Bédié ne recule devant rien pour rallier à sa cause l’opinion nationale et internationale.
Tout a commencé par sa double nationalité francoivoirienne qu’il a longtemps cachée à ses partisans en laissant croire, dans un premier temps, lorsque les premiers soupçons ont pointé, qu’il ‘’n’avait aucun problème’’ à ce niveau. Une affirmation que ses communicants, notamment, le plus virulent d’entre eux, Bredoumy Soumaila, pour ne pas le nommer, ont reprise en boucle sur les plateaux télé où ils étaient invités. Puis, puisque la vérité finit toujours par éclore, en dépit de tout, l’opinion publique a fini par apprendre que l’ancien patron de Crédit suisse a acquis la nationalité française le 24 février 1987. Contrairement à ce que l’intéressé, qui faisait croire que c’était une nationalité subie (son père étant Français), soutenait et avec lui, ses plus proches lieutenants. Dès lors, a commencé la ‘’descente aux enfers’’ pour cet homme qui a toujours cru que tout lui était dû.
Du coup, l’horizon semblait dégagé pour lui…
Du coup, l’horizon qui semblait dégagé pour lui jusqu’à la prochaine élection présidentielle s’est assombri. D’autant que l’ancienne déléguée PDCI d’Akoupé, Valérie Yapo, sanctionnée pour ‘’indiscipline’’, a esté en justice contre lui, au motif qu’il était Français au moment de son élection, le 23 décembre 2023. Ce faisant, elle demandait sa déchéance de la présidence du vieux parti et la mise sous administration provisoire de cette formation politique. Le temps qu’un président répondant aux critères soit élu en bonne et due forme. Il faut noter que le Code de la nationalité ivoirienne dispose, en son article 48, que ‘’Tout Ivoirien majeur qui acquiert une autre nationalité et qui déclare reconnaitre celle-ci, perd de facto la nationalité ivoirienne’’.
Thiam qui a été naturalisé Français lorsqu’il avait 25 ans, n’est donc plus Ivoirien depuis 1987, année de sa naturalisation. Tirant également les conséquences de cette disposition, un cadre RHDP, N’Zi Kokora Bernard, a attrait le nouveau président du PDCIRDA devant les tribunaux afin qu’il soit radié de la liste électorale, puisqu’il se trouve qu’il s’est fait inscrire sur ladite liste en 2022, alors qu’il jouissait toujours de la nationalité française. Le 22 avril 2024, la présidente du Tribunal de première instance d’Abidjan, la juge Aminata Touré, a déféré à la requête du plaignant en ordonnant la radiation du mis en cause. Il était désormais clair que l’étau commençait à se resserrer autour de l’ancien polytechnicien. C’est dans cette ambiance de ‘’fin de règne’’ qu’il a précipitamment nuitamment rendu sa démission le 12 mai. Cependant, cette démission-surprise illustre jusqu’à la caricature les incohérences qui plombent le cheminement politique de l’ancien Ceo de Crédit suisse depuis son retour en politique en Côte d’Ivoire où il ambitionne de postuler à la magistrature suprême.
La décision qu’il a prise de quitter abruptement ses fonctions
De fait, la décision qu’il a prise de quitter abruptement ses fonctions a été motivée par le risque qu’il encourait de se voir déchoir de ce piédestal par la justice saisie par l’ancienne déléguée PDCI d’Akoupé qui conteste à la fois la légitimité et la légalité de son élection à la tête du PDCI-RDA, au motif qu’il avait la double nationalité franco-ivoirienne en ce temps-là. Plusieurs fois mis en délibéré, le procès qui oppose celle-ci à Thiam devait donc rendre son verdict le 15 mai, lorsque ce dernier, voyant le danger venir, a rendu le tablier depuis son exil (il était déjà hors du pays). Mais, entretemps, il s’était enfin libéré de la nationalité française, devenant ‘’exclusivement’’ Ivoirien. Trop peu, trop tard, pourrait-on dire.
Parce que sa candidature à la prochaine présidentielle reste gravement compromise, même s’il s’est fait réélire président du PDCI au terme du ‘’tour de passe-passe’’ auquel les militants ont eu droit. Puisque n’étant pas électeur, il ne peut être éligible. Mais, plutôt que de s’en vouloir de n’avoir pas pris suffisamment de dispositions pour échapper aux difficultés qui jonchent dorénavant son chemin transformé en parcours du combattant par son imprévoyance, il a pris le parti de se victimiser en rejetant la faute sur le pouvoir et la justice, se faisant passer pour l’innocente victime d’un présumé harcèlement judiciaire. Et comme un raffinement dans le vice, il fait courir le bruit que l’on conteste sa nationalité ivoirienne, lui un ‘’descendant’’ du père de la nation, lui qui a été, tour à tour ‘’directeur général de la DGTX, ancêtre du BNEDT’’, ‘’ministre de la République’’ et, cherry on the cake, lui qui a été à la base de la construction de nombreuses infrastructures qui font aujourd’hui la fierté de ce pays. Notamment, la Centrale d’Azito, la grande Mosquée du Plateau et on en oublie…
Il aurait fait un tour au Comité des droits de l’Homme de l’ONU
Aux dernières nouvelles, il se serait rendu au Parlement européen pour plaider sa cause, mais aussi, il aurait fait un tour au Comité des droits de l’Homme de l’ONU pour y faire entendre aussi sa voix. Dans toutes ces enceintes, il répète, ad libitum, que le pouvoir qui a peur de l’affronter à la loyale, multiplie les artifices en ‘’instrumentalisant la justice’’, entre autre procédés déshonnêtes, pour l’écarter de la course au Graal. Mais que sa détermination reste intacte. C’est ainsi qu’il demande à ses partisans de ‘’tenir bon’’. Visiblement, il n’y a pas de doute, Thiam est le roi de la manipulation. Parce que jamais, au grand jamais, sa nationalité ivoirienne n’a fait l’objet de débat. On lui a simplement opposé son allégeance à la France actée en 1987.
La preuve que sa nationalité ivoirienne ne souffre d’aucune objection, dès qu’il s’est libéré de la nationalité française, il a recouvré sa nationalité d’origine de facto. Il se bat aussi pour que son nom soit inscrit sur la liste électorale afin de lui permettre d’être candidat en octobre prochain. Mais, pour son malheur, cela ne sera pas possible. Non seulement ce n’est pas de la responsabilité du pouvoir, mais, matériellement, une nouvelle RLE avant le scrutin présidentiel ne peut être implémentée. Alors, Thiam devrait comprendre et intégrer une chose, la candidature à la présidence de la République est tributaire de certaines règles dont personne ne peut faire fi. Personne. Lui y compris. Ce n’est donc pas une affaire de pedigree, de background ou d’entregent. Il l’apprend à ses dépens. Tant pis !
Ambroise Tiétié