Ibrahim Lokpo est le nouveau député de la circonscription. Face à lui, un monument du passé, Alphonse Djédjé Mady, briscard de la politique ivoirienne, contraint de quitter la scène par la petite porte, après près de trois décennies d’hégémonie. Cette défaite n’est pas un accident. Elle est la seconde humiliation majeure infligée à Djédjé Mady en moins de deux ans. En septembre 2023 déjà, il avait été sèchement battu lors des élections régionales par Mamadou Touré, actuel président du Conseil régional.
Député de 1980 à 1995, puis de 2011 à 2025, Djédjé Mady aura régné pendant 29 longues années sur la circonscription. Un règne sans partage, mais aussi sans véritable renouvellement, que les électeurs ont fini par sanctionner. Au cœur de cette chute, une ligne politique devenue toxique. Lors des régionales, Djédjé Mady avait choisi de brandir une rhétorique xénophobe et ivoiritaire, présentant Mamadou Touré comme un « envahisseur » et le Haut-Sassandra comme « un espace à protéger ». Une stratégie d’un autre âge, qui a provoqué l’indignation des populations et accéléré sa défaite. Loin de tirer les leçons de cet échec, le désormais ancien député a persisté. Lors de la présidentielle, il a encouragé les appels au boycott actif, sous couvert d’opposition à un quatrième mandat. Un boycott aux conséquences dramatiques, marqué par des décès dans la localité de Nahio, sans que ses instigateurs n’assument réellement leur responsabilité politique.
Mamadou Touré, l’architecte d’une chute annoncée
Pour Mamadou Touré, il fallait agir au plus vite. Il s’est donc personnellement investi pour mettre un terme au règne de Djédjé Mady. Son objectif était clair : envoyer à la retraite politique ceux qui prospèrent sur la division, la peur et le rejet de l’autre. Le triomphe de Ibrahim Lokpo, maire de Saioua, symbolise cette rupture. Coopté politiquement en 2023 par Mamadou Touré, ce cadre du RHDP s’est imposé comme l’homme du consensus et de la proximité, adoubé par les populations locales lassées des discours de haine et des querelles stériles.
Son élection marque la fin d’une époque et l’avènement d’un leadership plus en phase avec les aspirations actuelles : développement, cohésion sociale et renouvellement générationnel.
Yacouba Doumbia
