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Exclusif/ détention des 46 soldats ivoiriens : Comment la junte malienne a torpillé les médiations

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Assimi Goïta a toujours torpillé les méditations
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Jusqu’où ira Assimi Goïta, le chef de la junte militaire au Mali ? La question, en effet, mérite d’être posée, au regard de la tournure des événements.

Le 11 juillet 2022, soit 24h après l’arrestation des soldats ivoiriens, le président de la République, Alassane Ouattara et le chef de la junte malienne s’entretiennent au téléphone. Le Mali semble disposé à libérer les soldats. Assimi promet de faire un retour au chef d’Etat ivoirien. Puis, plus rien….Pressé par son entourage de prendre des mesures de rétorsion, Alassane Ouattara est catégorique : « pas question de faire payer aux millions de Maliens les erreurs d’un groupe de personnes. Les pouvoirs se succèdent, mais les liens de fraternité demeurent ». Le président ivoirien accepte de donner une chance à la médiation. Le Togo prend le dossier en main. Le premier round des négociations échoue. La raison : le Mali réclame des regrets de la part de la Côte d’Ivoire. Abidjan refuse. Au second round, le 3 septembre dernier, il y a une nette évolution. Le Mali libère les trois femmes parmi les soldats et les remet au médiateur togolais. Un communiqué sanctionne la rencontre. Selon une source proche de la médiation, les 46 autres soldats devraient rejoindre Abidjan une semaine après, soit le 10 septembre. Mais le 9 septembre, tout se gâte.

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Le président du Nigeria dépêche son ministre des Affaires étrangères remettre un courrier à Assimi Goïta. Le courrier est clair : « libération sans condition et sans délai des soldats ivoiriens ». Le message est royalement ignoré, puisque quelques heures après, un communiqué de la Présidence malienne vient tout remettre en cause. Le Mali réclame clairement un échange : les soldats ivoiriens contre d’anciens dignitaires du pouvoir malien déchu. Le fils du président Ibrahim Boubakar Keïta, Karim Keïta, en fait partie. La junte malienne venait de dire haut ce qu’elle murmurait tout bas. Abidjan accuse le coup sans véritable surprise, puisque dans la médiation, l’on soupçonnait le Mali de vouloir faire du chantage. « Pendant la médiation au Togo, un émissaire malien ne cessait de demander un geste à la Côte d’Ivoire à la suite de la libération des trois soldates », confie une source proche de la médiation. Au Togo, c’est toujours le statut quo. Le président togolais, qui avait donné l’assurance au président Ouattara du règlement rapide du problème, semble également dépassé. Son ministre des Affaires étrangères, M Dusset est soupçonné de ne pas jouer franc-jeu. « Il est très proche d’Assimi Goïta. Cette proximité aurait pu permettre de faire fléchir le chef de l’Etat malien. Malheureusement, elle profite plus au Mali qu’à la Côte d’Ivoire », se plaint-on à Abidjan. 

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Parallèlement au Togo, plusieurs médiateurs ont tenté une négociation. La Mauritanie, qui n’est plus membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’y est essayée, en vain. Idem pour l’Algérie, qui a exigé la libération des militaires ivoiriens, sans succès. Le président sénégalais s’est lui-même rendu au Mali à cet effet. Un plat de fonio plus tard, Macky Sall repartait confiant, avant d’être désillusionné. Dépêché par la Cedeao, Goodluck Jonathan s’est fait rouler dans la farine. Alors que la junte lui a promis un dénouement rapide avec la non-judiciarisation du dossier, il a apprend, choqué, que les soldats sont mis sous mandat de dépôt. A l’évidence, le Mali n’est pas coopératif.

Le collège des putschistes maliens a des divergences sur pas mal de questions, dont le dossier ivoirien

A Bamako, la situation est toute autre. Après le communiqué de la Présidence malienne, Assimi est aussitôt contacté par un chef d’Etat de la sous-région à qui il confie avoir découvert le communiqué sur le site de la Présidence. Coup de bluff ou réalité ? Rien n'est moins sûr. « C’est clair que la junte malienne est elle-même divisée. Le collège des putschistes maliens a des divergences sur pas mal de questions, dont le dossier ivoirien », confie une source malienne. Le Premier ministre malien est lui-même embarrassé. « Assimi n'est pas le seul à décider », insiste notre source. Le 10 juillet 2022, suite à l’arrestation des soldats ivoiriens, le chef de la junte malienne organise une réunion de crise. A ses côtés, se trouvent des colonels ayant activement participé au coup d’Etat. Le chef d’Etat-major du Mali, Oumar Diarra, fait le récit des arrestations. Assimi Goïta, selon des sources militaires maliennes, ordonne la libération des soldats ivoiriens si rien ne leur est reproché. L’un des colonels s'y oppose de la main et demande qu’on attende un peu. La réunion est suspendue, le temps de mener des réflexions approfondies. Coup de théâtre ! A 20h, la télévision malienne annonce ‘’l’arrestation de mercenaires’’. C’est la confusion au sein de l’armée malienne, qui semble accuser le coup. « Assimi ne décide pas seul. Il est pris entre le marteau des relations avec la Côte d’Ivoire et l’enclume des autres colonels », tente de justifier notre source au Mali. « Dire qu’il ne maîtrise rien, c’est lui aménager une porte de sortie. C’est lui le chef et l’attitude malienne prouve que depuis le début de cette affaire, il y avait des revendications inavouées. Le temps a donné raison au président Alassane Ouattara », relativise un diplomate en poste à Abidjan.

Le leadership de Ouattara

Au Palais présidentiel ivoirien, l’atmosphère est à la sérénité. Le président de la République suit de près le dossier. Il s’est entretenu avec la plupart de ses homologues de la sous-région. Un sommet extraordinaire des chefs d’Etats de la Cedeao est prévu, en marge des Assemblées générales de l’Onu à New York. L’Onu pourrait prendre le dossier en main et contraindre la junte malienne à s’exécuter. Aujourd’hui, quasiment tous les chefs d’Etat de la sous-région soutiennent la Côte d’Ivoire, et sont unanimes sur la sagesse du président Ouattara. « La patience et la vision du président ont permis de découvrir les véritables intentions de la junte malienne. Maintenant que les règles du jeu sont établies, on peut jouer clairement. La Mali s’isole de plus en plus. Les chefs d’Etat de la sous-région sont outrés par l’attitude de la junte malienne », nous a confié un haut fonctionnaire de la Cedeao. Les prochains jours seront décisifs pour la Côte d’Ivoire et le retour des soldats ivoiriens pourrait s’accélérer.

Yacouba DOUMBIA

 

 

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