
Il est courant de voir dans notre environnement, des habitations construites en totale violation des règles établies en matière de planification du domaine urbain : des villas basses transformées du jour au lendemain en duplex ou immeubles ; des logements obstruant des voies de canalisation ou encore des immeubles en construction qui finissent par s’effondrer. À cela, s’ajoute cette propension des populations à faire pousser des quartiers entiers dans de vastes parcelles dont le lotissement n’est pas encore approuvé.
Le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, dit avoir dénombré 270 lotissements non approuvés dont une vingtaine urbanisée à plus de 50%. « Il s’agit d’une source majeure de précarité foncière, de risques sociaux et de désordre urbain demain », alerte le premier responsable de ce département, Bruno Koné. Autant de situations qui contribuent à donner à de nombre de nos villes, une image de ghetto. À Aboisso, le 16 mai 2025, le ministre de la Construction a déploré ces « constructions disharmonieuses ». Quelques jours plus tard, soit le 17 juin 2025, il faisait remarquer aux députés à l’Assemblée nationale que « notre système urbain porte encore les stigmates d’un passé marqué par l’anarchie… ».
Plus de lotissements sauvages
C’est pour en finir avec ce chaos urbain que le gouvernement, par le bais du ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, a pris des mesures énergiques. Objectif : éradiquer ces manquements que l’on a fini par considérer comme étant la norme. « Nous ne pouvons plus tolérer cette anarchie foncière qui mine le développement de nos villes », a martelé Bruno Koné à Bouaké, à la faveur de la 3e édition de la caravane de sensibilisation sur l’ADU (Attestation de droit d’usage) les 26 et 27 juin 2025. À cet effet, plusieurs mesures à fort impact ont été adoptées par le gouvernement. On peut citer, entre autres, la subordination de toute opération de lotissement à la délivrance préalable d’une autorisation de lotissement.
« Désormais, nul ne peut faire un projet de lotissement sans autorisation préalable de lotir. Cette autorisation est délivrée par le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme quand l’opération a lieu à Abidjan ou par le Préfet quand c’est à l’intérieur du pays », a insisté Kadjo Hubert Yomafou, Directeur de l’Urbanisme et du Développement urbain au ministère de la Construction, à l’occasion de la caravane de l’ADU, qui s’est tenue à Adzopé, les 3 et 4 juillet 2025. Par ailleurs, a assuré Bruno Koné devant les députés, le 17 juin dernier, des sanctions judiciaires sont désormais prévues contre les communautés qui autorisent ou tolèrent des opérations de lotissements en dehors des procédures officielles. Ces mesures devraient mettre un coup d’arrêt aux constructions dans des zones non encore intégrées à un plan directeur d’urbanisme.
Intensification des contrôles et des démolitions
Deuxième mesure choc, le renforcement des contrôles sur les chantiers en construction à travers le bras séculier de l’administration que sont les brigades de contrôle. « Des brigades de contrôle sont déployées à Abidjan et dans les principales villes de l’intérieur du pays avec pour objectif de vérifier l’obtention préalable, par celui qui construit, d’un permis de construire ; de vérifier aussi la conformité des chantiers avec les permis délivrés, de s’assurer du respect des normes techniques de construction, de détecter et de sanctionner les constructions illégales ou dangereuses », a souligné le ministre de la Construction à Aboisso, le 16 mai dernier. À cette même occasion, il a indiqué que les contrôles sont passés de 10 000 en 2021 à 20 000 en 2025.
Ce qui permet d’éviter en amont des effondrements mortifères que rapportent les médias de temps à autre. Effondrements qui sont également prévenus par une autre mesure vigoureuse : la démolition systématique des constructions à risque. C’est la troisième mesure forte. Le ministère de la Construction a procédé, dans la même période, à plusieurs centaines de démolitions, dont les médias sont se sont parfois fait l’écho. Quoiqu’elles suscitent de vives émotions parfois, ces opérations de démolition visent à sanctionner les constructions faites au mépris des normes officielles et surtout à prévenir des effondrements et donc préserver des vies.
ADU et renforcement de la sécurité de l’ACD
Outre la lutte contre les constructions anarchiques, le gouvernement a également engagé le combat pour l’assainissement des transactions foncières avec pour but de mettre un terme à l’arnaque qui y sévit, source de tensions sociales. À cet effet, le ministère de la Construction a notamment instauré, depuis le 8 décembre 2021, l’Attestation de droit d’usage coutumier (ADU) en remplacement de l’Attestation villageoise, à l’origine de conflits fonciers récurrents.
« C’est un outil de sécurisation à la fois pour les communautés villageoises et les acquéreurs. La vocation de l’ADU étant exclusivement de mettre fin à de multiples attributions sur une même parcelle », a souligné Bruno Koné devant les parlementaires le 17 juin dernier, non sans ajouter que « l’ADU est un gage de sécurité foncière, de confiance, d’équité, qui vient contribuer à une meilleure gestion urbaine ». Ce jour-là, il a indiqué que la loi du 6 juin 2024 fait désormais obligation de publier chaque ACD délivrée dans le journal officiel et même de l’afficher dans les mairies, les préfectures et sous-préfectures. « Toutes ces prescriptions ont pour but d’informer plus amplement les populations et ainsi de réduire le risque qu’elles réalisent des transactions litigieuses par ignorance », a-t-il fait savoir.
Assane NIADA