
Parti d’Abidjan le mercredi 30 juillet 2025 aux environs de 10h, nous sommes arrivé dans la cité des Dix-huit montagnes peu après 19h, après quelques escales en chemin. Tout au long du trajet, nous notons que la route qui mène d’Abidjan à Man est impeccable : point de nids de poule, ni de ralentisseurs, communément appelés dos d’âne. Ce qui facilite la traversée et la rend agréable.
Une route lisse ; deux nouveaux postes à péage
Difficilement praticable au plus fort des années de ni paix ni guerre, en raison de nombreux nids de poule dans le bitume, cette voie a été réhabilitée depuis l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir. La remise en état du tronçon allant de Yamoussoukro à Man, en passant par Bouaflé, Daloa, Guessabo, Duékoué, Bangolo, s’est achevée en 2023. Ici, le bitume n’a pas été agressé par les nombreux « dos de chameau » dont plusieurs routes sont parsemées dans d’autres contrées du pays, rendant ainsi pénible la circulation. Autre chose qui retient l’attention sur le trajet, ce sont ces nouvelles infrastructures routières et socioéconomiques qui agrémentent le paysage.
Le voyageur qui n’est pas passé par cette voie depuis 2011, découvre que deux postes à péage ont été érigés et sont officiellement en service depuis le 10 mai 2024 : l’un dans le village de Bozi, entre Yamoussoukro et Bouaflé, et l’autre, à Gonaté, entre Bouaflé et Daloa. Ces postes ont été installés pour financer l’entretien de cette voie après sa réhabilitation. Ils portent à 4, le nombre de péages sur l’axe Abidjan-Man. Quand nous arrivons à 13h50 au premier péage, nous dénombrons une vingtaine de véhicules et presque autant à notre arrivée au deuxième, sur le coup de 15h10.
De nouvelles usines sorties de terre
Outre ces infrastructures routières, le tronçon est bordé d’autres édifices sortis de terre, ces dernières années. Le voyageur peut notamment voir la façade imposante des bâtiments de la Cour d’appel de Daloa, inaugurée en 2016. Des années après, l’édifice a encore fière allure au point de taper immanquablement dans l’œil du visiteur. À l’image de l’impressionnant mur de l’usine Mainland Group Rubber, construite dans le village de Tahably Glodé, à une quinzaine de kilomètres de Duékoué.
Les murs élevés, longs et à la peinture encore fraîche, accrochent le regard. Soumis à la Commission régionale en charge de la validation des terrains industriels en mai 2023, le projet a pris corps entre cette date et l’année 2024. Bâtie sur 25 ha, cette usine de transformation de l’hévéa est assurément un écrin dans le décor de cette partie du pays, défigurée par des violences meurtrières entre 2002 et 2011.
De nouvelles écoles bordent la voie
Autre fait marquant sur l’axe Abidjan-Man : le nombre de groupes scolaires qui défilent sous nos yeux. Dans plusieurs localités traversées, le voyageur voit des écoles primaires se succéder, ce qui témoigne de la forte implantation des infrastructures éducatives dans les régions traversées. À la peinture encore neuve de certaines, on devine qu’elles ont été construites ces dernières années. C’est le cas d’une école primaire dans le village de Baoubly, dans le département de Duékoué, dont la construction a débuté en 2024 ; de deux autres établissements flambant neufs que l’on aperçoit en bordure de route, dans la localité de Guézon, toujours dans le département de Duékoué. Dans le même département, à quelques mètres du corridor d’entrée, le voyageur peut également voir la peinture encore fraîche d’un bel établissement public. Ces écoles neuves, venues renforcer les capacités d’accueil des infrastructures éducatives dans les régions traversées, s’inscrivent dans le cadre de la politique du gouvernement de rapprocher l’école des populations et ainsi leur épargner le calvaire consistant à parcourir de longues distances pour accéder à l’éducation.
Ces localités marquées par un passé douloureux
Sur la route qui nous mène d’Abidjan à Man et de Man à Abidjan, notre regard se pose également sur des sites dont les noms évoquent des souvenirs douloureux de l’histoire récente de notre pays. D’abord, le tristement célèbre corridor de Zatta, du nom d’un village de Yamoussoukro. Il est 13h40 quand notre car, en provenance d’Abidjan, stationne à ce corridor. À cette heure de la journée, des différents corps des forces de sécurité procèdent au contrôle des véhicules ; cette fois, non plus avec le zèle et la brutalité dont faisaient preuve certains soldats au plus fort des années de tension ayant suivi la rébellion de 2002. Le spectacle des vendeuses à la criée et l’ambiance d’apparence détendue qui y prévalent, contrastent avec l’air patibulaire des soldats qui tenaient ce poste de contrôle durant ces années de vive tension. Des années de braise dont le souvenir resurgit en passant par certains territoires dont les noms sont à jamais associés à des temps forts de la décennie de crise qu’a vécue la Côte d’Ivoire.
Sur le chemin du retour (sens Man-Abidjan), nous passons à nouveau par le quartier Carrefour de Duékoué, situé à la sortie de la ville (ou à l’entrée en venant d’Abidjan). Ce samedi matin-là (2 août), nous découvrons un territoire avec un décor de train-train quotidien. Le quartier s’éveille avec ses vendeurs installés en bordure de route. Sous son air en apparence apaisé, se cache une tragédie vécue au plus fort de la guerre post-électorale. Le quartier avait été, en effet, déchiré par des tensions intercommunautaires, ravivées par le choc des chapelles politiques qui se disputaient le fauteuil présidentiel. Quatorze ans après, cette période folle semble loin derrière, même si rien, à notre passage, ne nous permet de mesurer l’état de la cohésion entre les populations du quartier Carrefour. Après le quartier Carrefour, nous passons par le village de Fengolo, situé à 8 km de Duékoué, sur l’axe Duékoué-Bangolo, puis Guitrozon, à près de 200 m après le corridor de sortie de Duékoué ou avant le corridor pour le voyageur en provenance d’Abidjan. Ces deux noms évoquent des pages sombres de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Durant les années de rébellion, précisément en 2005, ces villages ont été secoués par des violences sur fond de conflits fonciers à relents identitaires. À notre passage ce samedi 2 août, aux alentours de 9h15, les populations vaquent à leurs activités en bordure de route. Au corridor, les forces de l’ordre procèdent au contrôle des motos, notamment. Rien, dans le paysage, ne laisse transparaître les balafres de ces années de folie qui ont endeuillé cette partie du pays.