
C’est une confession. Celle d’un pouvoir mal à l’aise, inquiet, presque paniqué face à la parole libre. Ces propos, d’une violence inouïe, sont du chef de l’État burkinabè lui-même. Et ils ne sont pas une première. Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d’État, il y a plus de trois ans, Ibrahim Traoré – surnommé IB Cacao – a fait de la presse son ennemi intime. Une obsession. Une fixation maladive. Chez lui, le journaliste n’est pas un contre-pouvoir, mais un adversaire à abattre. Pour IB Cacao, la critique est une trahison. La contestation, un complot. L’enquête journalistique, une entreprise de déstabilisation.
Dès lors, tous les moyens deviennent bons pour museler la presse : arrestations arbitraires, fermetures de médias, intimidations, enrôlements forcés sur le front. Une stratégie de la peur, systématique et assumée, destinée à briser le moral de celles et ceux qui refusent de se taire. Le plus inquiétant, c’est que cette guerre est profondément personnelle. L’actuel homme fort de Ouagadougou vit la moindre critique comme une attaque contre sa personne. À l’image de Don Quichotte combattant des moulins à vent, Ibrahim Traoré s’invente des ennemis imaginaires, qu’il pourchasse avec l’acharnement de ceux que la contradiction empêche de dormir.
Derrière cette croisade contre les journalistes se cache un rêve mal assumé : celui de marcher dans les pas de Thomas Sankara. Mais l’imitation vire à la caricature. Le capitaine se trompe d’époque, se trompe de méthode et, surtout, se trompe d’adversaire. Le temps des tribuns autocrates portés par des discours populistes est révolu. Nous ne sommes plus au XXᵉ siècle. En s’attaquant à la presse, Ibrahim Traoré ne combat pas des journalistes. Il combat le peuple que ces journalistes informent, défendent et éclairent.
Et l’Histoire est formelle : aucune dictature n’a jamais triomphé durablement de la liberté de la presse. Aucune. Quel que soit le temps que cela prend, ce combat est perdu d’avance.
Abraham Lincoln l’avait résumé avec une lucidité intemporelle : « On peut tromper tout le peuple une partie du temps. On peut tromper une partie du peuple tout le temps. Mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. »
Tôt ou tard, Ibrahim Traoré découvrira, comme tant d’autres avant lui, que l’on peut bâillonner des voix, mais jamais étouffer la vérité. Dieu est fidèle.
Jean-Claude Coulibaly
Président de l'Union des journalistes de Côte d'Ivoire



