
À l’image de cet aveugle qui, dans un rêve nocturne, recouvre la vue… avant d’être brutalement rattrapé, au lever du soleil, par la cruauté de son handicap. Une métaphore parfaite pour qualifier l’état d’esprit actuel de certains opposants ivoiriens, notamment les thuriféraires de Tidjane Thiam.
Depuis des mois, ils vendent aux Ivoiriens le mythe d’une proximité secrète, presque mystique, entre leur champion et Emmanuel Macron. Une relation privilégiée, chuchotent-ils, au point de pouvoir infléchir la diplomatie française et même redessiner l’ordre politique en Côte d’Ivoire. Seulement voilà : en trois ans, aucune audience publique entre Thiam et le président français n’a été recensée. Pas une poignée de main, pas une photo volée, pas même un discret aparté dans les couloirs de l’Élysée. Et pourtant, ils y croient encore. À croire qu’on leur a promis la lune avec un télescope bouché.
Il est utile de rappeler un fait embarrassant, soigneusement évité dans les récits enjolivés des « Thiamistes » : en 2020, l’homme providentiel n’a pas intégré le gouvernement français, alors qu’il était pressenti pour un poste stratégique : Secrétaire d'Etat chargé de la Cour des comptes (je suis très précis). Motif ? Des ennuis avec le fisc français. En tout cas jusqu'en 2020. Pas des ragots, mais des éléments assez solides pour que l’entourage d’Emmanuel Macron raye son nom pour éviter une autre affaire Cahuzac. Depuis, à Paris comme à Bruxelles, la diplomatie européenne regarde ce « super-héros » d’un œil suspicieux. Et ses contorsions autour de la nationalité française supposée de son père n’ont pas arrangé son image. Le capital de crédibilité, déjà mince, s’est évaporé dans le brouillard des demi-vérités et les nombreux scandales judiciaires qui le pourchassent inlassablement.
Mais certains persistent à penser qu’une quelconque pression étrangère viendrait plier l’État ivoirien à leurs fantasmes. Quelle naïveté ! Aucun État sérieux ne viole ses textes constitutionnels pour satisfaire les caprices d’un candidat sans assise. Croire cela, c’est méconnaître les rouages de la géopolitique moderne. Que peuvent offrir aujourd’hui Thiam ou Gbagbo à la France ? Ni influence, ni réseau, ni levier stratégique. Rien. Le désert.
Au moins, Laurent Gbagbo a le mérite d’avoir compris qu’il ne faut rien attendre d’un quelconque sauveur venu d’ailleurs. L’ex-président, en vieux briscard, connaît le rapport de force. Il ne s’illusionne plus : la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples a scellé son destin politique. Il n’a plus que la nostalgie du 4ᵉ mandat à agiter comme étendard fané. Même dans son parti, une fronde souterraine commence à le déstabiliser.
Mais le grand perdant dans cette comédie, c’est bien le PDCI-RDA. Le vieux parti, jadis machine redoutable, s’est laissé berner par des mirages parisiens. Octobre 2025 risque de s’abattre sur ses militants comme une comète inattendue, laissant derrière elle un cratère de désillusions. Mais qu’importe : tant qu’on peut rêver, pourquoi se réveiller ?
Yacouba DOUMBIA
Journaliste