
Né le 31 mai 1945 à Gagnoa, Laurent Gbagbo fut très tôt animé par le désir ardent de justice et de liberté. Docteur en histoire, enseignant, puis syndicaliste, il s’imposa dès les années 1970 comme une voix dissonante dans un paysage politique dominé par le parti unique du président Félix Houphouët-Boigny. Fondateur du Front Populaire Ivoirien (FPI) en 1982, alors qu’il vivait en exil en France, Gbagbo devint l’un des principaux artisans de l’avènement du multipartisme en Côte d’Ivoire, acquis en 1990 au terme d’un long combat politique. Élu président de la République en octobre 2000, après des années d’opposition courageuse, il incarnait alors l’espoir d’un renouveau démocratique.
Son accession au pouvoir fut celle d’un homme du peuple, d’un intellectuel qui croyait profondément à la souveraineté nationale et à la dignité africaine. Cependant, son mandat fut marqué par de profondes crises politico-militaires, attisées par des ingérences extérieures. Refusant de céder à la pression internationale, Laurent Gbagbo s’affirma comme un défenseur acharné de l’indépendance africaine, convaincu que l’Afrique devait être actrice de son destin.
Mais l’histoire fut implacable. En avril 2011, après une guerre post-électorale tragique, il fut arrêté à Abidjan puis transféré à la Cour pénale internationale de La Haye, où il resta détenu pendant près de huit années. Malgré les accusations, il demeura fidèle à sa ligne : celle d’un homme qui préfère la vérité à la compromission. Son acquittement en janvier 2019, confirmé définitivement en mars 2021, fut ressenti comme une victoire morale, non seulement pour lui, mais pour tous ceux qui croyaient encore à la justice et à la dignité africaine.
De retour à Abidjan en juin 2021, Laurent Gbagbo retrouva un pays meurtri, mais ne porta ni haine ni revanche. Il appela à la réconciliation nationale et à la reconstruction morale du pays. Même écarté de la liste électorale en 2025, il garda ce ton serein et patriote qui le caractérise, déclarant récemment qu’il souhaitait désormais « laisser la place aux plus jeunes » tout en continuant d’encourager les Ivoiriens à l’unité, à la paix et à l’amour de la patrie.
Laurent Gbagbo, le père du multipartisme ivoirien, le résistant face aux puissances étrangères, le penseur d’une Afrique souveraine, quitte la scène politique, mais non les cœurs de ceux qu’il a inspirés. Sa trajectoire, faite d’épreuves et de grandeur, restera une source d’inspiration pour des générations entières. Son héritage est clair : aimer l’Afrique, la défendre, la construire et la faire respecter dans le concert des nations.
Merci, Président Laurent Gbagbo, pour avoir montré, par votre courage et votre constance, qu’un Africain peut tenir tête aux puissances, rester debout dans l’adversité et croire, envers et contre tout, en la dignité de son peuple. Votre départ politique ne marque pas la fin d’un combat, mais la continuité d’un idéal. Celui d’une Afrique fière, debout et souveraine qui fera certainement de Mama, son nouveau lieu de "pèlerinage" pour profiter encore de votre précieuse présence.
Chérile Owêléo
Ex-journaliste rédactrice au Magazine Amina.
Gérante à Best of Africa le mag
Présidente du Forum des journalistes africains FJA



