
Voici un savoureux florilège des préoccupations soulevées par le message que Laurent Gbagbo a adressé au « peuple de Côte d’Ivoire », en réalité, à ses partisans. « Depuis près de 15 ans, les populations vivent sous un pouvoir marqué par des dérives autocratiques, où les aspirations sociales et démocratiques sont souvent ignorées. Les conséquences sont palpables : pauvreté croissante, exclusion, montée des inégalités, frustrations et désenchantement », a situé l’auteur. Selon lui, « il fallait un outil citoyen, ouvert, transversal, capable de rassembler au-delà des clivages partisans pour dire ensemble : Trop, c’est trop ! ».
Plus loin, il a fait savoir que ce mouvement s’appuie sur deux revendications prioritaires. Ce sont : « Des revendications sociales fortes : lutter contre la vie chère, les déguerpissements sauvages, l’exclusion sociale, la précarité, l’instrumentalisation de la justice, l’emprisonnement des leaders d’opinions et politiques ». Et « Le respect de la Constitution : s’opposer à toute tentative de 4e mandat qui viole la Loi fondamentale et fragilise la démocratie ivoirienne ». Et afin que nul n’en ignore, ce combat supposé serait « pour notre liberté, pour nos droits, pour l’avenir de notre nation ». Rien que ça.
Un homme qui oublie et qui s’oublie
« Pauvre Gbagbo ! », pourraiton soupirer après lecture de son courrier. Un homme qui oublie et qui s’oublie. Un amnésique indécrottable. De fait, est-ce bien Laurent Gbagbo qui dénonce ce qu’il appelle, avec une délectation non feinte, « des dérives autocratiques » ? Est-ce bien lui qui se plaint de « l’emprisonnement des leaders d’opinions et politiques » ? Estce, enfin, Gbagbo qui déplore le fait que « les aspirations sociales et démocratiques sont souvent ignorées » ? Des questions qui font sens lorsqu’on se souvient des années Gbagbo qui marquèrent un grave recul de la démocratie ivoirienne. Et c’est peu dire. N’est-ce pas sous lui que la presse nationale fut bâillonnée comme jamais ? Avec des journalistes menacés, d’autres assassinés, des sièges de rédactions incendiés, des journaux déchirés.
Il convient de mettre le curseur sur la marche de mars 2004
Et sur le plan strict de la liberté de manifester, il convient sans doute de mettre le curseur sur la marche (annoncée) par l’opposition d’alors, le 24 mars 2004. Ce jour-là, les opposants furent pris en chasse par les forces de l’ordre soutenues par de « jeunes patriotes » zélés, constitués en « forces supplétives ». Ce fut la curée jusqu’au 26 mars. Preuve de la barbarie du défunt régime Gbagbo, la commune du Plateau fut déclarée « zone rouge ». Et ça veut dire ce que ça veut dire : quiconque prenait le risque de s’aventurer dans cette partie du District d’Abidjan en aurait payé le prix de sa vie. C’était cela la marque distinctive de l’ex Refondation, la vie humaine n’avait aucune valeur.
Et c’est le même Gbagbo qui ose s’offusquer d’un supposé recul de la démocratie sous Ouattara. C’est le chameau qui se moque du dromadaire ! À la vérité, Laurent Gbagbo a initié le mouvement « Trop, c’est trop », juste pour cacher le cuisant échec de l’appel qu’il a lancé à Bonoua, le 14 juillet 2024. Il se tourne donc vers la société civile. Le « Trop, c’est trop » n’est donc qu’un « attrape-nigaud » qui vise à rallier à sa cause le plus grand nombre. Et afin d’attirer le chaland aux fins de faire du nombre, il laisse accroire que c’est un mouvement apolitique. C’est sans doute la plus grosse arnaque de l’année. Mais, les Ivoiriens ne sont pas dupes. Il est donc douteux que ce mouvement ait plus de succès que son fameux appel qui a fait flop.
Ambroise Tiétié