Ces informations sont, hélas, fondées, puisque dès son arrivée, le président du groupe parlementaire du PDCI-RDA, Simon Doho, sollicite une rencontre, au nom des députés de son parti, avec Adama Bictogo, avant l'ouverture de la séance. Celui-ci les reçoit à la rotonde de l'Assemblée nationale, dans une ambiance tendue. Les échanges prennent rapidement une tournure révélatrice d’un malaise bien plus profond.
Guikahué, la voix de la modération institutionnelle
Premier à prendre la parole, le député Maurice Kakou Guikahué exprime sa gêne quant à la démarche unilatérale du groupe, regrettant que le PDCI ait choisi de boycotter la séance sans une concertation élargie. « Nous avons une manière de vivre à l’hémicycle, une certaine éthique institutionnelle.
En tant que membres du bureau, nous participons à l’organisation des plénières. Je suis gêné que cette décision de retrait se fasse sans en discuter formellement », regrette-t-il, rappelant les précédents efforts de conciliation entrepris auprès du président Bictogo. L’ancien ministre, attaché à la logique institutionnelle, affirme qu’il siégerait en séance plénière, au nom de la cohérence et des responsabilités qui lui incombent.
Blessy Chrysostome, la ligne dure du parti
Mais la réplique ne s’est pas fait attendre. Me Blessy Chrysostome, sur un ton ferme, expose le désarroi croissant d’une frange du PDCI face au blocage du dialogue politique. « Cela fait longtemps que tout est fermé, tout est bloqué. Les institutions, censées être démocratiques, ne fonctionnent plus réellement comme telles », at-il lancé. Revenant sur le sens du boycott, le député est sans équivoque : « Ce que nous faisons n’est pas contre vous, Monsieur le président. C’est un acte politique fort pour signifier que ça ne va pas. Celui qui est encore loyal au PDCI sortira. Celui dont la loyauté chancelle restera».
Un parti fracturé, un leadership en difficulté
Un député, plus jeune, prend la parole et sollicite un temps de concertation du groupe parlementaire. Adama Bictogo fait observer que le groupe parlementaire aurait pu le prévenir afin qu'il prenne des dispositions, d'autant plus que l'institution reçoit le président de l'Assemblée nationale du CongoBrazzaville. Il sort de la salle et laisse les députés du PDCI en tête-à-tête. Sur la trentaine de députés ayant participé à la réunion, six ont refusé de s'associer à l'initiative de Simon Doho, parmi lesquels Maurice Kakou Guikahué, Alphonse Djédjé Mady. Une dizaine choisit de quitter l'Assemblée nationale, s'abstenant de s'associer à la déclaration lue par le président de leur groupe parlementaire. N'étant ni d'accord, ni contre, ils adoptent une posture d'observation.
Une vingtaine de députés n'a même pas daigné venir à l'Assemblée nationale ce jour-là. Il s'agit notamment de Yasmina Ouegnin et de plusieurs autres députés, notamment des jeunes, qui n'apprécient plus la façon dont leur parti est géré. Ayant appris que Simon Doho ferait "ce coup" auquel ils n'ont pas été associés, ils optent de rester chez eux. Cette situation traduit, en filigrane, un sentiment d'exaspération, voire un début de révolte contre le leadership de Tidjane Thiam, à qui il est reproché une gestion calamiteuse du vieux parti. À l’approche des joutes électorales d'octobre, ce remue-ménage parlementaire confirme que le PDCI-RDA est à un tournant fatidique de sa vie devenue tumultueuse depuis que l’ex-polytechnicien en a pris les commandes. Une chose est sûre : au sein du plus vieux parti de Côte d’Ivoire, les jours à venir seront déterminants.
Yacouba DOUMBIA
