
Au Sénégal, le Pastef, parti fondé et dirigé par Ousmane Sonko, a démontré une maturité politique rare. Bien que Sonko ait été écarté de la présidentielle en raison de ses démêlés judiciaires, le parti n’a pas vacillé. Il a désigné un candidat de substitution, jusque-là inconnu du grand public, qui a remporté l’élection. Aujourd’hui, ce tandem atypique gouverne le pays : Sonko, leader du parti, est numéro deux de l’État, tandis que son ancien bras droit est devenu président. Une démonstration éclatante de discipline politique et de vision collective.
À l’inverse, en Côte d’Ivoire, les partis semblent prisonniers des ambitions de leurs leaders. Le PPA-CI, dirigé par Laurent Gbagbo, n’a pas pu présenter de candidat à la présidentielle. Radié de la liste électorale, Gbagbo a tenté en vain de se faire réintégrer. Et lorsque l’un des cadres du parti a proposé une alternative, il a été immédiatement exclu. Le message est clair : sans Gbagbo, pas de plan B.
Même scénario au PDCI. Tidjane Thiam, choisi comme candidat, n’a pas rempli les conditions d’éligibilité à temps. Pourtant, face à la suggestion d’un remplaçant, il a opposé un refus catégorique : « c’est lui ou personne ». Résultat : aucun candidat pour le PDCI non plus.
Ainsi, tandis qu’au Sénégal un parti a su transcender les individualités pour atteindre le pouvoir, en Côte d’Ivoire, ce sont les hommes qui cherchent à s’imposer à travers leurs partis. Comme le souligne Venance Konan : « Laurent Gbagbo a créé le FPI pour devenir président. Il y est parvenu, a perdu ce pouvoir, et veut le reconquérir. Aujourd’hui, il n’envisage pas que le PPA-CI serve un autre candidat que lui. »
De son côté, Tidjane Thiam, fort d’une carrière internationale, a choisi le PDCI comme tremplin pour ses ambitions présidentielles. Mais là encore, aucune concession : « Lui non plus n’acceptera jamais un plan B. »
En somme, ni Gbagbo ni Thiam ne soutiendront un autre candidat issu de leurs partis. Parce que pour eux, comme le résume Vénance Konan avec acuité : « C’est eux ou personne. »
Et pendant que la Côte d’Ivoire s’enlise dans des querelles d’égos, le Sénégal avance. Là-bas, le Pastef est au pouvoir. Son leader est vice-président, et son ancien numéro deux est devenu chef de l’État.
C’est peut-être là-bas, conclut Konan, « que l’on reconnaît les véritables hommes d’État ».