Il y a de l’eau dans le gaz, serait-on tenté de dire, au regard de l’état des relations entre le président du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, et son homologue du PPA-CI, Laurent Gbagbo. En témoigne le fait que le communiqué final, ayant sanctionné le Comité central du PPA-CI, ait passé sous licence, la décision de justice qui pourrait priver le président du PDCI-RDA de la participation à la prochaine élection présidentielle. En effet, le texte n’en fait guère cas explicitement. Aucun mot sur cette affaire judiciaire ; nulle part, n’est cité le nom de Tidjane Thiam.
Pas un mot, non plus, pour exprimer une quelconque indignation. Le PPA-CI s’est tout juste contenté d’exprimer, du bout des lèvres, sa solidarité au PDCI-RDA. « Le Président Laurent Gbagbo a particulièrement dénoncé et condamné avec vigueur l’instrumentalisation de l’institution judiciaire par le régime RHDP. C’est pourquoi, le Président Laurent Gbagbo a exprimé sa solidarité au PDCI-RDA », mentionne le communiqué final.
Le communiqué muet sur les déboires judiciaires de Thiam
Plutôt que de se préoccuper du sort de Tidjane Thiam, Gbagbo et le PPA-CI mettent en avant le devenir du PDCI-RDA en tant que personne morale. À l’évidence, ils ne « chargent » pas l’affaire, comme on dit en argot ivoirien, pour dire qu’ils ne prennent pas fait et cause pour lui. Et comme pour souligner que le PPA-CI ne se préoccupe pas spécifiquement du sort du PDCI-RDA, ce parti étend sa compassion aux autres partis de l’opposition. « Il (Gbagbo) a également demandé que l’on se montre aussi solidaire avec les autres partis politiques persécutés par le pouvoir », est-il encore indiqué dans le communiqué. Le parti de Gbagbo voudrait-il banaliser sa solidarité avec le PDCI-RDA qu’il ne s’y prendrait autrement.
Selon un cadre du parti septuagénaire, c’est une façon pour l’ancien chef de l’État de dire qu’il faut sauver le PDCI-RDA et laisser se noyer Tidjane Thiam, lui qui a osé clamer qu’un sondage le place en tête de la prochaine présidentielle, loin devant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. C’est sans doute cette outrecuidance que le PPA-CI et son président semblent vouloir lui faire payer, en faisant peu de cas de ses ennuis judiciaires.
Pour des observateurs avertis de la scène politique ivoirienne, cette attitude du parti de Gbagbo, à l’égard de Tidjane Thiam, n’est pas fortuite. Elle s’inscrit dans le prolongement d’un chapelet de piques lancées par Gbagbo contre le successeur d’Henri Konan Bédié à la tête du PDCI-RDA.
Piques et philippiques contre le président du PDCI
On se souvient, en effet, qu’il avait osé un commentaire jugé désobligeant à l’égard de Tidjane Thiam, quand le débat sur la double nationalité de celui-ci avait commencé à enfler. « On ne peut pas être un peu Français, un peu Ivoirien, un peu Danois, un peu Finlandais. On ne peut pas être un peu de tout. On est ou on n’est pas. Que ce soit clair ! », avait-il lâché au cours d’une cérémonie publique. Bien avant, il avait proféré un autre propos, qui avait été perçu comme une flèche décochée contre l’ancien patron du Crédit Suisse : « Ici, on cherche un chef d’État, c’est-à-dire quelqu’un qui va prendre des décisions qui vont orienter la politique de développement. On ne cherche pas un ancien banquier ». Dans la même veine, l’ancien chef de l’État avait encore taclé Tidjane Thiam, en s’amusant de sa propension à faire croire qu’il a un relationnel qui ferait pâlir de jalousie les autres acteurs politiques nationaux. « Il y en a qui disent : Oui, moi je connais un tel, je connais un tel. Mais, on les connaît tous. Je les connaissait avant eux », avait-il répliqué par ces paroles sibyllines. Qui a été témoin de ces piques lancées contre Tidjane Thiam par Gbagbo, sans jamais le citer, ne saurait être surpris que les déboires judiciaires de celui-ci soient passés sous silence par le PPA-CI au cours de son Comité central de samedi dernier.
Assane Niada
