Depuis la radiation de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, de la liste électorale, le vieux parti ne cesse de manifester son agitation. Depuis le 22 avril 2025, date de cette mesure, plusieurs conférences de presse ont été organisées par des cadres du parti pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une "décision injuste". L’on pouvait comprendre cette colère et cette fronde des hagiographes du PDCI-RDA, si et seulement si, ces propos restaient dans le cadre du jeu politique et dans les limites de la loi. Que nenni ! Il est alarmant de constater que des dérives graves, notamment sur le plan identitaire, commencent à se manifester. Le parti fondé par feu Félix Houphouët-Boigny, homme de paix et de dialogue, semble s’engager sur une voie périlleuse, celle de la xénophobie et de la promotion de la haine.
Le week-end dernier, lors d’une rencontre entre la direction du PDCI-RDA et des militants de base, des propos gravissimes ont été tenus. « Ceux qui sont au pouvoir sont des Maliens, des Guinéens et des Burkinabè », ou encore « Il faut vérifier la nationalité d’Alassane Ouattara (président de la République, Ndlr), c’est un Burkinabé », ont été déclarés devant des hauts responsables, qui n’ont pas réagi. Il y a quelques semaines, c’est Aka Véronique, élue et présidente des femmes du parti, qui traitait Jean-Louis Billon, autre cadre du PDCI-RDA, de Touareg. Le vieux parti qui a été à la base de beaucoup de dérives identitaires dans ce pays, semble ainsi retrouver ses anciennes habitudes. Le concept de l’ivoirité, naguère élaboré et promu par certains idéologues du PDCI-RDA, refait ainsi surface de la façon la plus lamentable. Ce concept, qui a conduit à un coup d’État et à une rébellion armée, a durablement fragmenté la Côte d’Ivoire durant dix bonnes années. Ignorant les leçons du passé, le PDCI-RDA renaît peu à peu de ses cendres, avec à sa tête, ceux qui prônent encore cette idéologie. Les responsables de cette régression idéologique sont à nouveau en mouvement.
Accusé à tort ou à raison de vouloir raviver un concept que l’on croyait mort, Soumaila Brindoumi Traoré, porte-parole du PDCI-RDA, a tenu des propos extrêmement graves : « On s’en fout de l’ivoirité », a-t-il lâché, avec un certain agacement. Le parti doit impérativement revoir sa communication. La décision de radier Thiam de la liste électorale résulte de la négligence du PDCI-RDA dans le choix de son candidat. La majorité des cadres étaient au courant que celui-ci rencontrait des difficultés, notamment en raison de sa nationalité française. Thiam luimême, avait révélé avoir informé ses camarades de cette situation. Toutefois, plutôt que de renoncer à sa nationalité française après son élection à la tête du parti, il l’a conservée pendant plus d’un an. La conséquence n’a pas tardé à se faire sentir : Thiam se trouve aujourd’hui rattrapé par ses propres incohérences. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Le PDCI-RDA doit à tout prix éviter de sombrer dans la haine tribale pour masquer son inorganisation et son inefficacité. La voie de la discrimination et de la xénophobie ne peut constituer une solution viable à ses difficultés internes.
Yacouba DOUMBIA
