La maladie est découverte chez elle à l’âge de 6 mois. Les parents, installés à Bouaké à l’époque, étaient loin de s’imaginer que la constance des enflures des pieds et des mains auxquelles s’ajoute le jaunissement prononcé des yeux du bébé Précilia Dosseh, étaient les symptômes de la drépanocytose. Plusieurs examens médicaux n’ont pas suffi à révéler la nature du mal. C’est des mois plus tard, qu’un proche des parents leur conseille l’examen de la drépanocytose. Le résultat est positif. Dans sa trentième année de vie aujourd’hui, Précilia Dosseh, consultante en communication et marketing, est présidente de l’ONG drepa_NO. « Je suis une personne qui aime beaucoup bouger, être à la tâche, être émancipé, mais la maladie a réduit mon rythme de vie », se confie Précilia, dont l’engagement pour la sensibilisation sur la drépanocytose est sans réserve.
J’ai été plusieurs fois remerciée
C’est d’ailleurs, l’origine de la création de l’ONG, soutient-elle. Car, pour elle, « cette maladie de la pauvreté », est un véritable destructeur de vie, tant sur le plan social, professionnel et surtout l’émancipation de la femme : « J’ai été plusieurs fois remerciée dans des entreprises où je travaillais à cause de la maladie », révèle la jeune consultante en communication. Ces renvois, selon ses explications, sont consécutifs à la crise drépanocytaire. Faire la crise de la maladie, à l’en croire, suscite immédiatement un repos médical prolongé qu’impose le traitement.
J’ai utilisé les béquilles pendant une année
Parfois même, elle vous contraint à l’usage des béquilles : « J’ai utilisé les béquilles pendant une année quand j’étais en classe de Terminale, parce que j’ai fait une crise grave », affirme-t-elle. Pis, être drépanocytaire fait perdre parfois des contrats, déplore la jeune dame. « Les gens estiment que vous pouvez faire la crise à tout moment ». Il y a des personnes dont les expertises dans des domaines d’activités sont unanimement reconnues.
C’est intenable
Cependant, elles ne peuvent pas être sollicitées par des organisations pour animer une conférence ou un panel. Cela se justifie, selon la consultante en communication, par crainte pour ces dernières que l’expert sollicité ne fasse une crise à quelques heures de l’événement. Ce qui l’empêchera de répondre présent à l’invitation. La perte d’un emploi, du fait des complications de la maladie, l’atrocité des douleurs, le défaut d’attention de son entourage, sont autant de situations difficiles qui amènent parfois certains drépanocytaires à nourrir des idées de suicide, avoue Precilia Dosseh : « Les douleurs dues à la crise de la maladie sont équivalentes à une tonne de décharge que l’organisme reçoit. Vous n’imaginez pas. On ne peut pas l’expliquer. Imaginez le cas d’enfant déjà affaibli par la maladie qui, en plus, va faire la crise. C’est intenable. Voici pourquoi il vient à l’idée pour certains de vouloir se suicider pour se libérer ».
Malgré tout, avec une espérance de vie connue d’avance, Précilia Dosseh ne désespère pas de l’existence. Elle a l’espoir chevillé au corps et s’est engagée pour le temps de vie qui lui reste, à le mettre à profit pour la cause d’autrui. « J’ai vécu difficilement avec l’idée que mon espérance de vie était limitée. J’aurai bien aimé vivre comme les autres, sans me mettre en tête que mon espérance de vie est limitée. Mais aujourd’hui, je me suis remise », soutient-elle. Et d’ajouter :
« Même s’il me reste deux jours à vivre, je le mettrai à profit pour aider les autres. C’est vrai que cela fait mal, mais tout est une question de la volonté de Dieu. Je suis chrétienne et s’il a voulu que je quitte vite ce monde, c’est sa volonté. S’il a voulu que je dure longtemps, c’est aussi sa volonté. Mais le peu de temps qui me reste à vivre doit être profitable aux autres à travers des actions que je mène ».
Ernest Famin