Société

Emmanuel Amegnito : « Je garde de la Côte d’Ivoire des souvenirs de résilience, d’espoir et de fraternité »

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Entré en fonction en janvier 2017, en tant que Directeur régional de l’Adventist Development and Relief Agency (ADRA) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, à Abidjan en Côte d’Ivoire, la mission d’Emmanuel Kossi Dodzi Amegnito, s’est achevée le 31 juillet 2025. Dans cet entretien, il fait un tour d’horizon de ses activités en terre ivoirienne, et affirme qu’il garde de ce pays de bons souvenirs.

En quoi a consisté votre mission ? 

Cette direction qui couvre 22 pays, dont 13 pays avec des programmes opérationnels actifs, m’a permis non seulement de coordonner les interventions régionales et de piloter la mise en œuvre de projets multisectoriels, mais aussi de jouer un rôle clé dans le renforcement des capacités organisationnelles au niveau des bureaux-pays. J’ai également été activement impliqué dans les mécanismes de coordination humanitaire inter-agence, en représentant l’ADRA dans des forums internationaux, auprès de bailleurs de fonds, et dans les espaces de plaidoyer politique.

Quelles sont les principales actions que vous y avez menées ?

Mes principales actions ont porté sur l’appui au secteur de la santé, notamment à travers l’équipement de plusieurs établissements hospitaliers en matériel médical de pointe et la mise à niveau de services de soins communautaires en zone rurale. Également sur le soutien au secteur économique formel et informel, par des initiatives de relance économique locale, la formation d’entrepreneurs vulnérables (notamment des femmes et des jeunes), et des programmes de microcrédit ciblés pour renforcer la résilience des ménages et surtout sur le renforcement du secteur éducatif, à travers la réhabilitation d’infrastructures scolaires, la dotation en kits pédagogiques, le plaidoyer pour la scolarisation des filles, et la mise en œuvre de projets d’éducation inclusive en lien avec les autorités locales. Ces initiatives ont été réalisées en étroite collaboration avec des acteurs gouvernementaux, des ONG partenaires, les communautés bénéficiaires et plusieurs agences des Nations Unies. Elles ont permis de repositionner l’ADRA comme un partenaire stratégique dans le développement socio-économique de la Côte d’Ivoire.

Quel était l’état des lieux au moment de votre prise de fonction ?

L’organisation souffrait d’un manque de visibilité opérationnelle, les orientations stratégiques régionales étaient floues, et il n’existait pratiquement aucun cadre cohérent de suivi, de redevabilité et d’assurance qualité. En termes de gouvernance, plusieurs processus n’étaient pas formalisés, ce qui compromettait la transparence, l'efficacité des interventions, et le dialogue avec les partenaires. En outre, le niveau de confiance des partenaires techniques et financiers était affaibli, notamment en raison de dysfonctionnements passés et d’un manque de communication institutionnelle proactive. Il devenait impératif de repenser les fondations du bureau régional, en le dotant d’une structure de gouvernance conforme aux standards internationaux, tout en misant sur une approche de proximité, de transparence et d’impact mesurable.

Comment avez-vous réagi ? 

J’ai abordé cette mission avec la conviction qu’il était possible de rebâtir une dynamique de confiance, de repositionner l’ADRA comme acteur clé du développement durable et de la réponse humanitaire, et de restaurer la crédibilité régionale auprès des gouvernements, des partenaires onusiens, des ONG et des bailleurs.

Quels souvenirs en gardez-vous de la Côte d’Ivoire ?

Je garde de la Côte d’Ivoire des souvenirs profonds, empreints de résilience, d’espoir et de fraternité. Ce pays m’a accueilli comme l’un des siens, et j’y ai bâti non seulement des projets, mais aussi des relations humaines durables. Je me souviens des villages reculés où l’accès à l’eau ou à la lumière changeait radicalement la vie d’une communauté. Je me souviens des jeunes entrepreneurs relancés, des enfants retournant à l’école, des mères réconfortées par un accès aux soins. Au-delà des indicateurs de résultats, ce sont les visages, les histoires, et l'engagement des communautés qui me marquent le plus. Je quitte la Côte d’Ivoire avec un sentiment profond de gratitude, une reconnaissance sincère envers toutes les personnes-collègues, partenaires, volontaires-avec qui j’ai eu le privilège de travailler.

Quels conseils prodiguez-vous à celui qui va vous succéder ?  

Ma première recommandation serait d’écouter activement les équipes, les partenaires, mais surtout les communautés que nous servons. Le terrain est la meilleure école. Il faut être proche des réalités locales, comprendre les dynamiques culturelles et institutionnelles, et bâtir la confiance avec les parties prenantes. Je conseille également de cultiver la transparence et la redevabilité à tous les niveaux. Dans un environnement humanitaire où la confiance est une ressource stratégique, la rigueur dans la gestion des ressources, le respect des engagements, et l'intégrité personnelle sont des leviers essentiels de crédibilité. Enfin, je dirais que le ou la futur(e) directeur(trice) devra faire preuve d’agilité stratégique : il ou elle devra jongler entre urgences, contextes fragiles, exigences des bailleurs, attentes communautaires et responsabilités institutionnelles. C’est un rôle de vision, d’équilibre et de leadership éthique.

Que faites-vous après votre mission en Côte d’Ivoire ? Avez-vous été déployé dans un autre pays ? Si oui, lequel ?

À la suite de ma mission, j’ai pris un temps de recul stratégique, notamment pour répondre à certains enjeux sécuritaires et institutionnels liés à des situations sensibles vécues en fin de mandat. Je suis actuellement engagé dans des démarches de repositionnement professionnel au niveau international, avec un accent sur la gouvernance humanitaire, la diplomatie du développement, et le renforcement de la redevabilité dans les structures d’aide. Je continue également à fournir des conseils techniques à certaines agences de coopération et à des réseaux humanitaires sur des questions liées à la transition humanitaire-développement, à la structuration des systèmes de redevabilité, et à l’intégration du genre dans les programmes.

Quels sont vos projets ?

Mes projets incluent la contribution à des initiatives panafricaines sur la gouvernance du secteur humanitaire, la protection des lanceurs d’alerte, et la diplomatie du développement. Je travaille également à la mise en place d’un centre de leadership humanitaire et de transformation sociale, qui aura pour vocation de former une nouvelle génération de cadres africains engagés, intègres et compétents. Ce centre visera à créer des ponts entre valeurs éthiques, efficacité opérationnelle et enracinement communautaire. Enfin, je reste ouvert à toute mission de haute responsabilité qui me permettrait de continuer à servir les plus vulnérables, tout en promouvant des systèmes plus justes, transparents et inclusifs.

Aristide Otré