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Reportage/À la découverte d’un « Resto du cœur » à l’ivoirienne: Ils nourrissent gratis orphelins, veuves et vieillards abandonnés

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L’avocat Kignama Soro, fondateur de la Banque alimentaire de Côte d’Ivoire. (Photo : AN)
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Il n’est pas rare d’être accosté dans les rues par des personnes quémandant des sous pour acheter à manger. Sans doute, le nombre de ces crève-la-faim aurait explosé si des associations caritatives comme la Banque alimentaire de Côte d’Ivoire ne venaient pas à leur secours, à l’image des Restos du cœur en France. Immersion dans cette organisation qui donne gratuitement à manger aux laissés-pour-compte. 

Les orphelins et enfants abandonnés dont s’occupe l’ONG Bethel Food Internationale, ont le bonheur d’avoir à manger, en partie, grâce aux vivres que la Banque alimentaire de Côte d’Ivoire offre gracieusement à cette ONG, créée depuis 2009 et dirigée par la chantre Céline Adou. Ces tout-petits peuvent, en effet, être reconnaissants à cette sorte de Resto du cœur à l’ivoirienne qui, depuis plusieurs années, vient en aide à cette association de bienfaisance. Le mercredi 14 juin 2023, elle a encore reçu des kits alimentaires, contenus dans des cartons, entreposés dans une salle, au siège de l’ONG, sis à la cité Feh Kessé à Bingerville. « Ce que nous avons reçu hier peut être estimé à plus d’un million », nous confie Céline Adou, à notre passage, jeudi 15 juin 2023, au siège de Bethel Food Internationale. « Ce don nous aide beaucoup. Grâce à eux, nous arrivons à économiser l’argent qui aurait pu servir à l’achat de ces vivres et ainsi faire face à d’autres besoins », poursuit-elle. Le don est constitué de jus de fruit, de bouteilles d’huile, de boîtes de lait, de sucre, de paquets de biscuit, etc.

Un soulagement pour orphelins et enfants abandonnés…

Au dire de Mme Adou, le partenariat avec la Banque alimentaire est parti d’une rencontre fortuite. « On a entendu parler d’eux et un jour, ils sont venus à notre rencontre. On était tellement heureux ! Ils m’ont demandé de lancer un appel aux donateurs qui approvisionnent la Banque alimentaire en produits. Ce que j’ai fait et cela a eu un certain écho. Depuis, ils sont accrochés à nous et nous à eux », se souvient-elle. Pour s’assurer du bon usage du don, assure-t-elle, « ils viennent ici pour voir ». À l’instar des enfants dont s’occupe l’ONG Bethel Food Internationale, ceux vivant dans la pouponnière gérée par Koné Fidèle, bénéficient également de l’assistance de la Banque alimentaire de Côte d’Ivoire.  

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Créée en décembre 2005, Mission d’amour a en charge des enfants dont les mères sont décédées en couche. Ils sont, à ce jour, au nombre de 44. Le plus petit est âgé de seulement 8 jours. Ce sont ces bouts de chou qui sont, en partie, nourris grâce au don de kits alimentaires que la Banque alimentaire fait à l’ONG Mission d’amour. « Notre partenariat remonte à trois ans. Quand ils ont été informés de l’existence de notre structure, ils sont venus nous visiter pour vérifier que nous existons bel et bien légalement. C’est après cela que nous avons signé une convention qui lie la Banque alimentaire à notre structure », confie Mme Koné. « Quand ils ont des produits alimentaires qui vont arriver à expiration dans 3 ou 2 mois ou même sont arrivés à expiration mais sont encore comestibles, ils nous les donnent pour éviter le gaspillage alimentaire. Ce qu’ils donnent nous permet d’augmenter notre provision, d’accroître le contenu de notre grenier. Ces produits nous permettent de nourrir des personnes qui sont dans le besoin », explique-t-elle. Et de renchérir : « Quand le personnel de Mission d’amour part chercher les kits, il leur est demandé de décharger. Mieux, ils font, par moments, des visites dans les locaux de l’ONG pour s’assurer que le don arrive bien aux destinataires finals ».

Des veuves et personnes âgées aussi

Des veuves aussi se nourrissent grâce à la main secourable des nouveaux vagabonds de la charité que sont les responsables de la Banque alimentaire. Ils font, en effet, des dons à l’ONG Espoir des Veuves et Orphelins Démunis, dirigée par Haïdara Ami. Selon elle, la collaboration avec ce « Resto du cœur » dure depuis trois ans. « Les débuts de mon ONG étaient très difficiles, mais depuis que la première responsable de la Banque alimentaire de l’époque, Mme Doumbia, m’a contactée et qu’on a signé le partenariat, les mamans sont un peu épanouies. Chaque fois qu’on adresse une demande à la Banque alimentaire, elle répond favorablement », témoigne Mme Haïdara. Qui dit transmettre une liste de 50 veuves à la Banque alimentaire chaque fois que celle-ci la contacte. « Nous avons près de 200 mamans et donc on le fait à tour de rôle : la liste qu’on dépose pour la fête de Noël n’est pas la même qu’on dépose pour la fête des mères et ainsi de suite », explique-t-elle.

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Outre les veuves, la Banque alimentaire porte également assistance aux orphelins dont l’ONG de Mme Haïdara a la charge. « Il y a une maman qui a fait des jumeaux mais qui, malheureusement, est décédée en couche. Quand j’ai été informée, j’ai pris contact automatiquement avec M. Aka, qui m’a donné les kits qu’il faut : les couches, le lait, tout ce qu’il fallait pour les enfants. On est allés remettre ça à la grand-mère qui devait s’occuper de ces bébés orphelins », rapporte encore la présidente de l’ONG Espoir des Veuves et Orphelins Démunis. Selon elle, la Banque alimentaire veille à ce que les vivres parviennent aux véritables bénéficiaires. « Quand ils nous font les dons, un de leurs bénévoles vient s’assurer que ces dons arrivent effectivement aux bénéficiaires, parce qu’il ne faudrait pas prendre ces vivres et non-vivres pour aller les donner à sa famille. Le bénévole suit donc tout ça. Quand on appelle chaque maman pour recevoir son kit, elle signe la liste des bénéficiaires, qui est transmise au bénévole venu superviser l’opération pour le compte de la Banque alimentaire. Quand c’est comme ça, tout est clair », soutient Mme Haïdara. Et d’ajouter : « À chaque action, on remplit une fiche : la personne qu’on va soutenir, renseigne, signe et met son contact. Et on retourne la fiche à la Banque alimentaire ».

C’est à la même procédure qu’est soumise l’ONG Help Helders, qui s’occupe de la prise en charge des personnes âgées livrées à elles-mêmes. Fondée par Suzanne Mentenon, elle vise à apporter un peu de bonheur à ces villards laissés-pour-compte. À cet effet, elle a approché la Banque alimentaire avec laquelle elle a signé une convention. « Ces kits alimentaires vont nous aider à nourrir ces personnes âgées abandonnées et leur apporter du baume au cœur », confie-t-elle.

Pourquoi une banque alimentaire en Côte d’Ivoire ?

Qui est donc ce vagabond de la charité nommé Banque alimentaire de Côte d’Ivoire ? D’où tire-t-elle ces produits alimentaires qu’elle donne gracieusement à toutes ces associations de bienfaisance ? C’est au siège de cette association que nous trouvons des réponses à ces interrogations. Ce matin-là, nous y rencontrons son président, Kignaman Soro. Quand nous mettons les pieds dans le bâtiment, logé dans une cité à la Riviera 3, il règne un calme intrigant. Le décor que croise le regard du visiteur dès la terrasse, en dit long sur la mission de l’organisation. Dans le hall, dans les allées, partout, des piles de cartons d’huile, de boîtes de lait, de pâtes alimentaires, de sacs de riz, etc. « Nous avons été choqué par le gaspillage croissant de denrées alimentaires en Côte d’Ivoire et nous avons voulu faire quelque chose. C’est ainsi qu’a été créée la Banque alimentaire en septembre 2019, mais elle a démarré ses activités en mars 2020, il y a donc 3 ans. Elle a été créée sous le modèle de toutes les banques alimentaires qui existent à travers le monde pour, d’une part, lutter contre le gaspillage alimentaire et, d’autre part, contre la faim et la malnutrition », explique son initiateur, Kignaman Soro. « Nous avons dû faire du benchmarking notamment aux États-Unis où on trouve Food Bank et en France où existe la Fédération française des banques alimentaires. Mais il y en a très peu en Afrique. Nous sommes le premier pays francophone qui a une banque alimentaire », renchérit-il.

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Selon lui, les banques alimentaires sont quelque peu différentes des restos du cœur. « Le Resto du cœur a été fondé par Coluche (Comédien et humoriste, Michel Colucci dit Coluche, a fondé Les Restos du cœur en 1985, peu de temps avant sa mort accidentelle en 1986, NDLR) et vise à donner des repas aux personnes démunies.  Le modèle de la banque alimentaire est différent : elle ne va pas directement distribuer des denrées alimentaires aux personnes ; elle le fait à travers des associations ou des centres comme un orphelinat. En tant que banque alimentaire, ce n’est pas nous qui donnons directement les denrées à chaque pensionnaire de l’orphelinat », explique-t-il.

Puis, de s’étendre sur l’origine des produits alimentaires dont la Banque alimentaire fait don aux nécessiteux : « Pour la collecte des denrées, nous avons signé des conventions de partenariat avec des grandes surfaces comme Carrefour, Auchan et avec des coopératives de producteurs. Ils savent par exemple qu’une quantité des boîtes de yaourt dont ils disposent va expirer à telle date si tout le stock n’est pas écoulé à temps. Nous les approchons pour leur demander de nous mettre à disposition cette quantité qui ne sera pas écoulée avant la date de péremption, au lieu d’attendre pour constater, après coup, qu’une bonne partie n’a pas été vendue avant la date d’expiration et qu’il faille s’en débarrasser en les détruisant ». Encore faut-il donner à ces donateurs des gages de crédibilité pour qu’ils consentent à fournir ces produits alimentaires, quand bien même ils seraient sensibles à la cause.

 

Assane Niada

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