L’usage du gbaka, véhicule de transports en commun intercommunaux, par certains Abidjanais, est bien fréquent ; le prix du transport étant moins coûteux que ceux du taxi-compteur et de la Voiture de transport avec assistance (VTC). On peut alors comprendre les raisons pour lesquelles plusieurs opérateurs économiques investissent d’importants moyens financiers dans ce domaine d’activité. Seulement voilà ! Il est rare de ne pas être de mauvaise humeur, une fois qu’on emprunte le gbaka à Abidjan.
Ce lundi 28 octobre 2024, de bonne heure, nous embarquons pour la commune de Cocody, carrefour nouveau goudron. AK, résidant dans la commune de Yopougon, a regretté de prendre place dans l’une de ces voitures pour pouvoir rallier Cocody où il exerce le métier de plomberie.
Tout a commencé dès son arrivée à la gare de gbaka de Yopougon Koweït. Voulant savoir lequel des véhicules stationnés, est programmé pour le départ, l’un des apprentis gbaka avec qui il échange, sans procédure aucune, répond : « Vieux père, je ne suis pas apprenti hein… Je ne suis pas chauffeur ». Des propos qui donnent de comprendre déjà, un début de journée difficile que nous allons vivre, installés dans ce moyen de déplacement en commun.
Manque de respect envers les passagers
Une fois à bord du véhicule qui nous amène à Cocody, AK pensait avoir fini avec les soucis et que sa mauvaise humeur allait être dissipée avant sa descente du gbaka. Que nenni ! Au démarrage de l’engin, l’apprenti, excité, comme s’il était sous l’emprise d’une boisson énergétique qu’il venait à peine de consommer et visiblement en conflit avec le bain et surtout avec la lessive, tellement son habit et son corps dégageaient des odeurs qui coupaient la respiration, alluma une cigarette. Après avoir tiré des bouffées de fumée qu’il inhala, avant de les évaporer dans le véhicule, se mit à crier : « Bingerville 1000 F ; coup de route 700 F, 200 F sur les billets hein. 5000, 10 000, je n’ai pas monnaie ». Quelques minutes plus tard, la fumée de la cigarette, sous l’effet du vent qui soufflait, se propagea dans le minicar. Gênés par cette fumée inopportune de ce matin, nous nous mîmes à manifester des sentiments de mécontentement.
L’un d’entre nous, assis près du jeune apprenti, ne tarda pas à l’inviter à éteindre sa tige dont le paquet était dans sa poche. « Apprenti, s’il te plaît, il faut arrêter de fumer ; ça me dérange », demande-t-il tout poliment. Comme s’il avait de mauvais antécédents avec ce dernier, ce passager reçoit une réponse des plus particulières : « Vieux môgô (Ndlr : mot nouchi qui signifie grand frère ; cher aîné), si tu es trop fâché, il faut prendre un Yango hein. Avec vous les passagers là, on peut pas se mettre à l’aise dans son propre camion », réplique-t-il sèchement. Stupéfait, l’homme resta muet comme une carpe, au moment où nous continuâmes d’extérioriser notre ras-le-bol. On entendit certains hommes lancer ces propos, avec une certaine colère qu’on lisait sur leurs visages : « Apprenti, tu es malpoli. Quelle est cette manière de répondre au monsieur ? » ; « Ce n’est pas ta faute. C’est la situation du moment qui fait ça ». Une dame, la quarantaine, qui ne disait aucun mot depuis que le gbaka a quitté la gare, se leva tout d’un coup, comme si elle voulait en découdre avec l’apprenti : « Impoli, qui est ton camarade ici ? Je ne monterai plus jamais dans ton sale gbaka là ! ».
Vu l’atmosphère peu agréable qui commença à s’installer dans le véhicule, lancé à vive allure par le conducteur sur l’autoroute, un autre homme, tiré à quatre épingles, s’adressa à celui-ci. Une manière de l’amener à interpeller son apprenti, afin qu’il revienne à la raison. « Chauffeur, pardon, il faut parler à ton apprenti pour qu’il arrête de nous traiter de cette manière », invite-t-il. Sûr d’entendre des propos responsables de la part de ce conducteur qui peut avoir un certain âge, il a été plus que choqué : « Monsieur, ne gâte pas ma journée. Je viens de commencer. Vous aimez trop ça ! ».
Associer les passagers pour gérer les questions de monnaie
C’est dans ce contexte agité que l’apprenti se mit à encaisser le transport. Une dame, qui n’avait pu avoir 200 F pour ajouter à son billet de 2000 F, a compris ce jour, la définition du terme « association » que les apprentis gbaka ne cessent de répéter tout le temps. Après lui avoir tendu un billet de 1000 F dans le véhicule, l’apprenti lui remet, à sa descente, au niveau de Cocody carrefour de la vie, 600 F. « Madame, je t’ai dit de monter avec monnaie. Voilà ça, je n’ai pas monnaie hein… Débrouillez-vous là-bas ! », s’adresse-t-il à la femme, comme pour se débarrasser d’elle, sans ménagement. Elle ne finit pas de récupérer la somme d’argent, que le chauffeur démarre le véhicule, en trombe. La dame, étonnée et sous les nerfs, ramassa les pièces de 500 F et de 100 F qui étaient tombées. Elle doit se débrouiller seule pour pouvoir avoir 300 F et les remettre à un autre passager qui a aussi donné 2000 F à l’apprenti.
Destination annoncée au départ mais non respectée à l’arrivée
Ce jour-là, AK avait un rendez-vous de travail avec un promoteur immobilier qui l’attendait à la Riviera Faya, précisément au carrefour où l’échangeur est en train d’être construit. Malheureusement, sa mésaventure ne prendra pas fin sitôt. Avant d’occuper une place dans le gbaka, à Yopougon Koweït, il a bien informé l’apprenti que sa course se terminait au Carrefour Faya. Pour éviter les histoires, il a même acheté une bouteille d’eau pour avoir la monnaie, exigée par l’apprenti. Que de la peine pour rien ! AK a payé le prix de la mauvaise foi de certains conducteurs de gbaka. Au lieu de le conduire à sa destination finale où il devait honorer son rendez-vous du jour, il a été obligé de descendre à Cocody Palmeraie après barrage, le carrefour qui se trouve juste après celui de neuf kilos, en venant de la Riviera 2. « Terminus, tout le monde descend ici ! Chauffeur, faut garer. On s’en va à Yopougon », l’apprenti a ainsi mis fin au trajet, au grand dam de certains passagers, encore assis dans le gbaka.
Ne voulant pas s’emmerder avec ce dernier, surtout qu’il est déjà en retard, AK emprunta un autre véhicule.
Raymond Yao