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Présidentielle 2025 : Depuis la prison, un détenu dépose sa candidature

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C’est une scène rarissime dans l’histoire politique du Cameroun et même du monde : Bertin Kisob, leader du Cameroon Party for Social Justice (CPSJ), a officiellement déposé sa candidature à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025… depuis la prison centrale de Kondengui, où il est incarcéré depuis 2017.

Samedi matin, escorté sous haute surveillance mais déterminé, Kisob a signé et fait enregistrer son dossier auprès de la direction générale d’Elecam à Yaoundé. Ses partisans jubilent : « Il est le premier à avoir déposé son dossier cette année. » Une revanche symbolique pour cet ancien candidat recalé en 2018, qui revendique cette fois une posture de pionnier et une candidature « irréversible ».

Pour le CPSJ, ce dépôt marque « un tournant historique ». Kisob, emprisonné pour sa participation à la contestation liée à la crise anglophone, entend ainsi briser le plafond de verre imposé aux prisonniers politiques. Il se présente comme « la voix des opprimés » et lance un message clair au pouvoir de Yaoundé : même la prison ne saurait réduire au silence les ambitions démocratiques.

« C’est la première fois qu’un candidat emprisonné dépose officiellement un dossier pour la magistrature suprême au Cameroun », confirme une source au sein d’Elecam, qui évoque un dossier « juridiquement complexe », mais « techniquement recevable » tant qu’aucune disposition constitutionnelle ne l’en empêche explicitement. Cette démarche inédite soulève donc des questions de droit : un détenu peut-il se présenter ? Peut-il faire campagne ? Peut-il prêter serment s’il est élu ? Les débats juridiques sont déjà lancés dans les milieux universitaires et politiques.

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Entre les murs de Kondengui, la candidature de Kisob a provoqué une véritable effervescence. Les codétenus l’ont déjà surnommé « le Nelson Mandela du Cameroun », en référence au célèbre prisonnier devenu président en Afrique du Sud. « Pour les ngatamen (les prisonniers), c’est leur champion. Ils affirment qu’aucune autorité, même Ngoh Ngoh (le directeur de cabinet civil du président Biya), ne pourra l’arrêter », raconte un gardien sous couvert d’anonymat.

 

Kondengui s’est ainsi transformée en QG de campagne officieux. Les partisans organisent des « meetings » improvisés dans la cour de promenade. Le message est clair : « Nous voulons que la voix des prisonniers, des laissés-pour-compte, soit entendue jusque dans les urnes. »

Cette candidature semble également embarrasser le pouvoir en place depuis plus de quatre décennies. Et pour mettre fin aux débats, le président sortant Paul Biya vient ainsi d'officialiser sa candidature. Il briguera donc, s'il est réélu, un huitième mandat à la tête du pays. 

Pour l’opposition, l’initiative de Kisob est doublement stratégique : dénoncer les conditions carcérales des prisonniers politiques et faire vaciller l’image d’un système verrouillé. Mais au-delà de la symbolique, beaucoup s’interrogent : cette candidature peut-elle vraiment renverser l’ordre établi ? Kisob pourra-t-il faire campagne au-delà des murs de sa cellule ? Quel crédit Elecam et la Cour constitutionnelle accorderont-ils à ce dossier ?

Une chose est sûre : en déposant sa candidature depuis la prison, Bertin Kisob a déjà marqué l’histoire. Et bousculé, au moins pour un temps, les certitudes d’un pouvoir longtemps réputé inamovible.

 

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