
Les faits dévoilent une opération extérieure structurée pour renverser un État stable et démocratique qui ne traversait aucune crise interne. Le coup d’État manqué du 07 décembre 2025 au Bénin apparaît aujourd’hui comme un projet mûri, structuré et financé à l’extérieur du pays. Loin d’être une mutinerie improvisée, l’opération révèle une mécanique de déstabilisation pensée au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), avec un rôle central attribué au Niger du général Abdourahamane Tiani.
Il faut également rappeler que le capitaine Ibrahim Traoré est impliqué dans le complot, ce que ses propres activistes ne cherchent pas réellement à dissimuler. Les éléments réunis par l’enquête béninoise, confirmés par des documents obtenus par Ouest-Afrik, exposent une architecture complexe combinant financement extérieur, relais idéologiques, mobilisation numérique et infiltration opérationnelle. L’aspect financier constitue l’un des indices les plus déterminants.
Selon les sources sécuritaires, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, identifié comme le coordinateur principal du volet béninois, a reçu en amont, plusieurs transferts directement liés à Niamey. Le premier, d’environ 100 millions de francs CFA, aurait servi à structurer les premiers réseaux et à financer des déplacements. Le second, d’un montant de 400 millions de francs CFA, marque l’entrée dans une phase active de préparation. Les interlocuteurs de Tigri lui auraient assuré la mise à disposition de cinq milliards de francs CFA supplémentaires, une fois le coup d’État réussi. Aucun de ces flux n’a pu être justifié légalement. Tous concordent avec les échanges cryptés et les déplacements identifiés par les services de renseignement.
Circuit opaque, mêlant acheminements de liquidités en espèces
Ces flux financiers, mis au jour à la suite de réquisitions adressées aux établissements bancaires, révèlent que plusieurs acteurs impliqués - y compris certains mutins interpellés - ont perçu, ces derniers mois, des montants sans commune mesure avec leurs revenus habituels. Les enquêteurs décrivent un circuit opaque, mêlant acheminements de liquidités en espèces par les frontières terrestres et dépôts sur des comptes bancaires, afin de compliquer la traçabilité des fonds. L’ensemble de ces éléments concordants atteste d’un financement extérieur structuré, d’une chaîne de commandement identifiable et d’une stratégie conçue à l’échelle régionale.
Parallèlement, l’enquête confirme la présence d’une courroie de transmission idéologique. Kemi Seba, en communication régulière avec Tigri via un numéro non enregistré, a multiplié ces dernières semaines, les discours catastrophistes annonçant le chaos au Bénin, alors que la situation politique et sociale du pays ne présentait aucune fragilité particulière.
De son côté, Ibrahim Maïga, figure médiatique de la mouvance pro-AES, était en relation avec des mercenaires nigériens et burkinabè présents sur le sol béninois pendant les préparatifs. Ces deux acteurs ont servi de relais entre les planificateurs sahéliens et les exécutants opérationnels, tout en préparant l’opinion numérique à accepter la narration d’une « libération » plutôt qu’un renversement violent d’un gouvernement démocratiquement élu.
Implication du Burkina Faso
L’implication du Burkina Faso est également mise en évidence. Selon Ouest-Afrik, la mission confiée à Ouagadougou portait principalement sur le volet numérique de l’opération : organisation d’une offensive de désinformation massive dès l’annonce supposée de la prise de pouvoir, mobilisation d’influenceurs francophones et anglophones, activation de réseaux pro-AES chargés de produire des images, des vidéos manipulées et des faux communiqués. L’objectif était clair : saturer l’espace public pour imposer la perception d’un pouvoir renversé et empêcher la mobilisation populaire contre les mutins.
La veille du coup, plusieurs axes routiers reliant le Niger au Bénin ont été rouverts, après des mois de fermeture décidés par Niamey. Ce geste, passé inaperçu pour le grand public, aurait facilité la circulation d’hommes chargés de renforcer le dispositif dans les premières heures. L’arrestation, après le coup, de plusieurs ressortissants burkinabè interpelle : elle corrobore la piste d’une opération pensée hors du Bénin et exécutée avec des renforts venus d’États membres de l’AES.
Propagande sahélienne immédiatement déployée
Lorsque l’opération a échoué, la propagande sahélienne s’est immédiatement déployée. Des influenceurs proches des juntes du Mali, du Niger et du Burkina Faso ont diffusé un flot continu de rumeurs, de faux communiqués et de vidéos affirmant que le président Talon avait fui, que l’armée avait rallié les mutins ou que les institutions étaient tombées. L’un des idéologues proches du pouvoir burkinabè, le sinistre personnage Koné Gbagbo, déjà auteur de la fausse alerte d’un coup d’État au Bénin le 16 janvier 2025, a publiquement expliqué que les mutins auraient dû pousser les populations dans la rue pour empêcher l’intervention de l’aviation nigériane venue en soutien à Cotonou. La vie de citoyens béninois devenait, dans cette analyse, un simple levier tactique. Quant à Ibrahim Maïga, il a publiquement salué la tentative de coup d’État, confirmant la complaisance d’un réseau pour lequel la force prime sur le droit et l’idéologie sur la souveraineté des États.
Faiblesse conceptuelle d’un pseudo-panafricanisme
Cet épisode révèle aussi la faiblesse conceptuelle d’un pseudo-panafricanisme devenu outil de déstabilisation. Ceux qui prétendent parler « au nom de l’Afrique » n’ont aucune légitimité continentale : ni au Mozambique, ni en Tanzanie, ni au Kenya, ni en Afrique australe, leurs discours n’existent. Leur influence se limite à un archipel numérique francophone artificiellement amplifié. Aucun d’entre eux ne vit dans son pays d’origine. Aucun n’assume les risques de ce qu’il promeut. Leur silence sur des régimes ultra-autoritaires comme celui du Cameroun contraste avec leur virulence sélective contre les États démocratiques en progrès. Ce double standard n’a plus rien d’un engagement politique : c’est une stratégie coordonnée. Sur le terrain, les forces béninoises ont tenu.
Le commandant de la Garde républicaine, Dieudonné Djimon Tévoédjrè, raconte comment, à 2h10, deux généraux ont été attaqués simultanément à leur domicile. À 5h, la résidence présidentielle était prise pour cible. La riposte rapide a mis en déroute les mutins, pris de court. Après cet échec, les auteurs de la tentative de coup d’État ont cherché à obtenir un appui aérien auprès d’un pays voisin du Bénin afin de renverser le rapport de force. Cette démarche a été mise au jour grâce à l’interception d’une conversation téléphonique, qui a confirmé l’ampleur et la gravité du complot. Informés de la situation, les partenaires et alliés du régime béninois ont rapidement décidé d’apporter leur soutien aux autorités légales. Cette mobilisation a permis une riposte coordonnée et efficace, conduisant à la neutralisation rapide des mutins.
Un élément continue de susciter des interrogations : le silence du Togo, où Pascal Tigri s’est réfugié après l’échec du coup. Plus de cinq jours après les événements, Lomé n’avait toujours pas réagi. Selon les informations d’Ouest-Afrik, Tigri y bénéficierait même d’une protection discrète. L’enquête en cours devra éclairer ce pan encore opaque.