
L’abrogation de la charte encadrant le fonctionnement des partis politiques, le 30 avril dernier, est interprétée par des juristes comme une étape vers leur dissolution.
Un peuple marginalisé, piétiné et pris en otage s’est levé ce samedi comme un seul homme pour exiger sa liberté et appeler à la démocratie.
Selon le confrère d’Anadolu, la police malienne a empêché, samedi, un rassemblement prévu dans la capitale Bamako pour exiger le respect de la Constitution et de la démocratie.
À l'appel de nombreux partis, réunis sous l'Initiative des partis politiques pour la charte (IPAC), de mouvements politiques ainsi que d'organisations de la société civile, la marche de protestation contre la possible dissolution et l'abrogation de la charte des partis politiques devait se tenir dans l’après-midi de samedi.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant le Palais de la Culture de Bamako avant de se voir refuser l'accès par la police nationale, présente en grand nombre.
Des réformes pour confisquer le pouvoir
Cette offensive contre les partis politiques s’inscrit dans un projet plus large de verrouillage du pouvoir. Les recommandations issues des « consultations des Forces vives de la nation », boycottées par la classe politique, révèlent une stratégie assumée d’éradication de toute opposition.
Cela commence par la dissolution de tous les partis politiques existants, la fixation d’une caution exorbitante de 100 millions de FCFA pour créer un nouveau parti, des restrictions d’âge pour les dirigeants (25-75 ans), la fin du financement public des partis, l’interdiction faite aux leaders religieux et chefs traditionnels de s’engager en politique.
Des manifestants scandaient des slogans hostiles à la transition et aux militaires devant un imposant dispositif policier.
La manifestation fait suite aux recommandations des Forces vives de la nation ayant réclamé, mardi, l'élévation du général d’armée Assimi Goïta au rang de Président de la République du Mali avec un mandat de cinq ans, renouvelable, sur le modèle des régimes voisins de l’Alliance des États du Sahel (AES), ainsi que la dissolution de tous les partis politiques.
Ces recommandations sont les résultats de la phase nationale de la consultation des Forces vives de la nation sur la relecture de la charte des partis politiques, tenue du 26 au 27 avril 2025 à Bamako.
La peur, l'outil principal de contrôle
La méthodologie de ces consultations consistait à réduire le nombre de partis politiques en appliquant des conditions restrictives de création et de financement.
Ainsi, les participants ont recommandé, à l'issue de deux jours de travaux, de dissoudre tous les partis politiques, de durcir les conditions de création en fixant une caution de cent millions (100 000 000) de francs CFA — soit plus de 170 000 dollars — pour la création d’un parti politique, et de fixer l’âge pour être dirigeant d’un parti politique entre 25 et 75 ans.
Il a également été recommandé d'obliger les partis à avoir des représentations significatives dans les régions, les cercles et le district de Bamako, d’instaurer plus de rigueur dans le fonctionnement des partis, d'interdire aux chefs de village, de fraction ou de quartier, aux leaders religieux et aux organisations de la société civile d’être candidats à une élection ou de participer à une campagne électorale.
Il est clair que le Mali vit désormais sous un régime militaire qui ne tolère plus aucune voix discordante. La peur devient l'outil principal de contrôle.
Au fond, ce que traverse le Mali, c’est l’échec d’une transition confisquée.
Cinq ans après le soulèvement populaire qui avait chassé Ibrahim Boubacar Keïta, les militaires au pouvoir reproduisent les mêmes schémas autocratiques. En supprimant les contre-pouvoirs, en étouffant la société civile, en instrumentalisant le sentiment anti-français, ils ont réussi à s’ériger en « sauveurs » tout en évitant tout contrôle démocratique.
Mais la colère commence à gronder. Et comme en 2020, elle pourrait bien finir par tout emporter.
Joël DALLY