
Les relations entre Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam ont ceci de particulier qu’elles ressemblent à un chemin tortueux, avec des courbes et des droites qui peuvent dérouter le randonneur non averti. S’ils semblent aujourd’hui être devenus les ‘’meilleurs amis’’ du monde, avec à la clé, une plateforme collaborative qui aurait pu paraitre improbable naguère, il n’empêche, l’ancien chef de l’Etat ne sacquait guère l’ex-patron de Crédit suisse. En cause, les révélations de celui-ci en lien avec le soutien financier qu’il aurait apporté à Laurent Gbagbo au moment où ce dernier était encore dans les liens de la détention à La Haye, précisément, à la prison de Scheveningen.
L’ancien prisonnier de la CPI qui a modérément apprécié cette sortie aurait mis son supposé bienfaiteur sur ‘’liste noire’’. En ce temps-là, bien malin qui aurait pu parier un kopeck sur une future collaboration ou partenariat entre les deux. Mais, ne dit-on pas qu’il ne faut jamais dire jamais. Aussi, depuis le jeudi 19 juin 2025, le PPA-CI de Gbagbo et le PDCI-RDA de Thiam ont conclu une alliance dénommée ‘’Front commun’’ afin de mutualiser leurs intelligences et leurs forces aux fins de trouver solution aux difficultés qu’ils ont en partage et qui se résument, pour l’essentiel, à leur radiation de la liste électorale. Toute chose qui les empêche de prendre part au prochain scrutin présidentiel.
Mutualiser leurs intelligences et leurs forces
Or, ils entendent tous les deux être dans les startingblocks le samedi 25 octobre prochain, tout en étant convaincus, l’un et l’autre, de rafler la mise. Le problème, justement, ce situe à ce niveau. De fait, comment se passera la cohabitation entre ces deux hommes qui se sont donné un destin messianique ? En d’autres termes, comment ces deux ‘’dieux’’ arriveront-ils à s’entendre pour faire avancer leur cause commune, étant entendu que personne ne veut s’en laisser conter ? Cela dit, analysons plus avant la posture de ces deux alliés qui se rejoignent sur bien de points. A la vérité, le ‘’Front commun’’ qu’ils ont mis en place se lisait en filigrane dans leurs approches respectives. Ils ne pouvaient donc que se mettre ensemble, ne seraitce que pour la photo. Qui se ressemblent s’assemblent, dit-on. De quoi s’agitil ?
Voir au-delà de l’écume
Même si, à première vue, Gbagbo et Thiam sont dissemblables, une étude plus poussée de leurs comportements permet de voir audelà de l’écume pour appréhender la réalité dans sa nudité. On voit alors qu’ils ne sont pas si différents que ça. Puisque les deux ont en commun un certain mépris des règles établies. Autrement, comment expliquer qu’ils se fassent investir par leurs partis respectifs alors qu’ils ont des problèmes d’éligibilité ? On notera aussi qu’ils ont un égo surdimensionné qui les pousse à ne voir que leurs intérêts aux dépens de ceux du groupe. Dans leur entendement, le groupe n’existe que pour eux, pour les servir. D’où ce refus obstiné d’un plan B aussi bien du côté de Gbagbo que de celui de Thiam. Les deux ne voient donc aucune alternative à leur candidature, comme si au PPA-CI et au PDCI-RDA, à part eux, personne d’autre ne pouvait porter cette charge.
Mais ce n’est pas tout. Ce sont également deux grands manipulateurs. Pour preuve, ils se font passer pour des victimes qui n’auraient commis aucune faute. D’un, Gbagbo ne se reconnait pas dans le casse de la Bceao qui a conduit à sa condamnation. Bien évidemment, puisqu’il ne reconnait toujours pas sa défaite à la présidentielle de 2010. Or, aussi bien l’Union africaine que le reste de la communauté internationale l’ont donné perdant. Il y a même eu un panel de l’Ua qui a conclu qu’il avait perdu ce scrutin. Mais, il continue à se déclarer vainqueur, alors même que le Conseil constitutionnel qui avait proclamé sa victoire après avoir tordu le cou à la vérité des urnes s’est rétracté par la voix de son ancien président, Pr Paul Yao N’dré, qui a publiquement reconnu s’être trompé. ‘’On a été possédé par le diable’’, a-t-il lancé lors de la cérémonie de prestation de serment du président élu, Alassane Ouattara. Ainsi donc, alors qu’il n’était plus en capacité de le faire, puisqu’il avait perdu le scrutin, Laurent Gbagbo a réquisitionné les banques, notamment, la Bceao dont les caisses ont été vidées. Mais, Gbagbo ne continue pas moins de clamer son ‘’innocence’’.
Gbagbo ne continue pas moins de clamer son innocence
De deux, Thiam fait croire que l’on lui dénie la nationalité ivoirienne, lui, le petitneveu du père de la Nation. Alors qu’il n’en est rien. La justice qui a ordonné sa radiation de la liste électorale, le 22 avril 2025, lui reproche plutôt de s’être fait inscrire sur ladite liste, le 24 février 2022, alors qu’il était de nationalité française. Il n’avait donc pas le droit d’y être. Car, au sens de l’article 48 du Code de la nationalité, ‘’Tout Ivoirien majeur qui acquiert une nationalité étrangère et qui déclare reconnaitre celle-ci perd de facto sa nationalité d’origine’’.
Ainsi, Thiam qui a été naturalisé Français en 1987 alors qu’il avait 25 ans n’était plus Ivoirien au sens où l’entend la loi. Il n’avait donc pas à se faire inscrire, en 2022, sur la liste électorale réservée exclusivement aux Ivoiriens, alors qu’il n’avait pas encore renoncé à la nationalité française. Il ne s’est défait de celle-ci que le 19 mars 2025. Sa radiation est donc à la fois légale et juste. Même si le concerné, voulant abuser l’opinion, laisse entendre que c’est une ‘’injustice’’. Alors qu’il est juste dans une logique de manipulation. Comme son nouveau ‘’binôme’’. Mais là s’arrêtent les similitudes entre les deux hommes. Cependant, nul ne saurait parier le moindre sou sur l’avenir de ce ‘’Front’’ qui n’a qu’un seul mérite, celui d’exister. Mais, trop peu, trop tard !
Ambroise Tiétié