
Car derrière la poignée de main figée pour les caméras et les sourires de circonstance, une vérité crue s’impose : le vieux parti, fondé par Félix Houphouët-Boigny, vient d’être politiquement mis en bière. Et le croquemort n’est autre que son propre président, Tidjane Thiam. Celui-là même qui, après avoir tourné le dos au PPA-CI, a créé la CAP-CI, puis juré être le seul opposant crédible face à Ouattara, vient, dans un spectaculaire retournement de veste, se réfugier sous l’aile de Laurent Gbagbo. Il aura fallu cinq mois d’hésitations, de rancunes ravalées et de calculs d’arrière-boutique pour que le fondateur du PPA-CI accepte de tendre la main à son « rival préféré ». Pas par affection, loin de là. Selon des indiscrétions, Gbagbo n’a jamais digéré certains coups de Thiam : cette prétention à dire avoir assisté Gbagbo à la CPI ; ce sondage fantaisiste dans lequel Thiam le relègue derrière tout le monde (même derrière la météo) ; et, bien sûr, cette alliance contre-nature avec Simone Gbagbo et Blé Goudé, deux noms que le président du PPA-CI n’ose même pas prononcer, de peur d’en perdre l’appétit. Mais l’ex-président a de la mémoire, et surtout, un sens aigu de la stratégie.
Derrière cette main tendue, se profile un dessein beaucoup plus sombre : absorber, puis dissoudre le PDCI-RDA dans un grand bain de revanche. L’opération est en marche, et Noël Akossi Bendjo, l’un des rares cadres encore debout au sein du parti septuagénaire, en a été le messager discret. Akossi Bendjo, qui veut être calife à la place du calife joue son va-tout. Principal acteur du rapprochement entre le PPA-CI et le PDCIRDA, il oscille entre rêve et réalité. Conscient que ses nouveaux alliés sont des boulangers qui veulent le rouler dans la farine, il prie dans son coin, espérant avoir enfin une place au soleil, si d'aventure ce front commun moribond venait à ressusciter. Pour lui et pour le député Dia Houphouët, le nouveau porte-étendard des thiamistes, le réveil risque d'être douloureux à l'heure des comptes avec les authentiques militants du PDCI-RDA en quête de grilles de lecture de la stratégie politique du 1er de la classe.
Tidjane Thiam, quant à lui, pris dans une CAP-CI qui n’a jamais réellement décollé, et en panne de légitimité électorale, partage désormais avec Gbagbo, un point commun : ils sont absents de la liste électorale. Un détail qui rapproche les deux hommes autant que leur passé les divise. Ironie du sort : en voulant sauver sa peau politique, Thiam aura sans doute sacrifié le PDCI-RDA sur l’autel de l’opportunisme. Un geste que certains interprètent déjà comme l’acte de décès d’un parti historique. La création de ce front commun n’est peut-être pas un nouvel élan pour l’opposition. C’est surtout un testament signé à deux mains : celles d’un Gbagbo revanchard et d’un Thiam désespéré. À qui reviendra l’héritage ? On le saura bientôt. Mais une chose est certaine : les fossoyeurs du PDCIRDA se sont eux-mêmes invités à son enterrement.
Yacouba DOUMBIA