
Opposant historique au père de la nation, Félix Houphouët-Boigny dont il fut le seul unique challenger lors d’une élection présidentielle (en octobre 1990), Laurent Gbagbo a acquis, au fil des années, la réputation de grand politicien. Une notoriété qui lui vient aussi, pour partie, de la création du FPI dont il était la figure tutélaire. C’est ainsi qu’il a été élu président de la République en octobre 2000 dans des conditions qu’il a lui-même qualifiées de « calamiteuses ». Sans en tirer toutes les conséquences. Notamment, en permettant qu’un autre scrutin obéissant aux standards internationaux les plus stricts soit organisé.
Il a donc occupé le fauteuil présidentiel de 2000 à 2010. Une période que d’aucuns qualifient de « décennie perdue ». A raison. Puisque pendant ces années qui furent sans doute les plus noires pour la démocratie ivoirienne, la liberté de s’exprimer, de manifester, d’aller et de venir, pour ne citer que ce droit reconnu comme l’un des plus emblématiques, les Ivoiriens, précisément ceux qui n’étaient pas de son bord politique, burent le calice des brimades, des vexations et autres avanies jusqu’à la lie.
L’on avait droit aux pires insanités
En ce temps-là, la FESCI et les « jeunes patriotes », qui agissaient comme des supplétifs des forces régaliennes, dictaient leur loi aux autres citoyens ivoiriens. Et comme si cela ne suffisait pas, c’était mal vu d’être un étranger, ressortissant de la CEDEAO. L’on avait alors droit aux pires insanités, sinon aux atrocités les plus innommables. Bref, c’était la « Gestapo » et la Côte d’Ivoire, qui avait été rangée dans la case des « États infréquentables », était au ban de la communauté internationale. Quant à l’opposition d’alors, elle était muselée, bâillonnée, interdite de manifestation sur tout le territoire national. Au point où un confrère assez hardi n’hésita pas à barrer à sa Une : « Gbagbo, le marcheur qui interdit les marches ».
Dans ce registre, on ne rappellera jamais assez la marche de son opposition regroupée au sein de ce qu’on appelait le G7 (les 7 parties signataires des Accords de Linas Marcoussis). Cette manifestation prévue pour le 24 mars 2004 n’eut jamais lieu. Et pour cause. Le défunt régime de la Refondation qui l’a interdite, déclara, dans le même mouvement, la commune du Plateau « zone rouge ». Et le « jour J », l’on assista à une véritable curée. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) flanquées des « jeunes patriotes » massacrèrent les opposants, aussi bien ceux qui étaient dans la rue que ceux qui étaient à leurs domiciles. Bilan de la répression, 125 morts, selon l’équipe d’enquêteurs onusiens dépêchée à Abidjan, 500, d’après l’ex-opposition. Jamais, Laurent Gbagbo n’a versé une larme pour eux.
Nelson Mandela n’a pas eu une présidence aussi tumultueuse. Il a œuvré à réconcilier les Sud-Africains
Au contraire, il a œuvré à réconcilier les Sud-Africains, aussi bien les Blancs que les Noirs. De même, au rebours de Gbagbo, il n’a pas publiquement humilié son épouse et compagne, Winnie Mandela qui a gardé le patronyme de son ancien époux jusqu’à sa mort. Alors qu’après l’avoir répudiée comme rien, Laurent Gbagbo a interdit l’usage de son nom à Simone Ehivet. Comme si à l’humiliation, il fallait qu’il ajoute le mépris. Mais, ce n’est pas tout, parce l’ancien mentor du FPI qui se targue du titre de « démocrate » refuse de se soumettre à la justice de son pays où il a été condamné à 20 ans de prison ferme par itératif défaut. Ce qui le prive de ses droits civiques et politiques, et subséquemment, d’une participation à la prochaine élection présidentielle.
Mais, le « démocrate » Laurent Gbagbo n’en a visiblement cure, puisqu’il s’est fait investir comme candidat par son parti, le PPA-CI et s’apprêterait à aller déposer ses dossiers à la CEI ce lundi. Or, c’est connu, pour tout démocrate, le respect de la loi est impératif. Qu’elle soit « bonne » ou « mauvaise ». C’est d’ailleurs, pour cette raison que Nelson Mandela s’est battu pour que l’apartheid qui était « légal » soit aboli. Il n’en a pas fait à sa tête jusqu’à ce que tombe cette « muraille » qui stigmatisait les Noirs sud-africains rabaissés au rang de citoyens de seconde zone dans leur propre pays. On ne peut pas en dire autant de celui que ses militants et sympathisants appellent le Woody de Mama. Partisan de la violence, il n’hésite pas, à 80 ans bientôt, à appeler ses « ouailles » à la bagarre, leur promettant, comme Wilson Churchill lors de la seconde guerre mondiale, « des larmes et du sang ». C’est toute la différence avec Madiba connu comme un homme de paix après la fin de l’apartheid.
Ambroise TIETIE