
Après avoir échoué dans sa « désobéissance civile », un mot d’ordre qui n’a désobéi qu’au bon sens, le parti de Laurent Gbagbo s’apprête à débattre d’une question existentielle : faut-il ou non aller aux législatives ?
D’un côté, les cadres, élus sortants pour la plupart, trépignent d’impatience à l’idée de retourner à l’Assemblée nationale. Les fauteuils de députés manquent, visiblement, à certains postérieurs trop habitués au confort républicain. De l’autre, la base militante, meurtrie, grogne. Elle n’a toujours pas digéré d’avoir été envoyée au front sans bouclier, puis abandonnée dans les geôles.
Les militants, eux, parlent de trahison. Comment accepter de « faire campagne » alors que des jeunes croupissent encore en prison ? Comment battre le pavé pour des dirigeants qui n’ont même pas battu le rappel pour leur défense ? Pour eux, participer aux législatives, ce serait « l’humiliation suprême ».
Le réalisme contre la rancune
Mais voilà : le PPA-CI est aujourd’hui face au mur de la réalité. Boycotter les législatives, c’est disparaître du jeu politique. Y participer, c’est reconnaître, implicitement, la légitimité du processus électoral qu’on a voué aux gémonies. Le serpent se mord la queue, et c’est un serpent bien fatigué.
Cette pièce, le public ivoirien l’a déjà vue. Même scénario, mêmes acteurs, mêmes hésitations. On joue la résistance, puis on finit par négocier les strapontins. Pendant que les stratèges d’Attoban polissent les discours et préparent les motions, la base attend toujours l'assistance aux prisonniers et les aides annoncées aux familles des victimes de la « désobéissance ».
Le Comité central de ce jeudi risque donc de ressembler à une grande séance d’auto-flagellation politique : on s’indigne, on se justifie, puis on finit par voter… pour participer. En somme, le PPA-CI s’apprête à faire ce qu’il fait le mieux depuis dix ans : rater la révolution et courir derrière le train du pouvoir, en accusant la locomotive d’avoir démarré trop vite.
Yacouba DOUMBIA