Santé

Interview-Pr Kouamé Assouan, neurologue: « Attention aux rumeurs sur les réseaux sociaux ! »

interview-pr-kouame-assouan-neurologue-rapprochez-vous-des-professionnels-de-la-sante-pour-avoir-la-bonne-information
Le Professeur Kouamé Assouan Ange-Eric, neurologue, recommande aux populations de consulter les médecins pour avoir les bonnes informations sur l’AVC
PARTAGEZ
 Kouamé-Assouan Ange-Eric est professeur titulaire de neurologie à l’Université Alassane Bouaké de Bouaké. Il est par ailleurs le président de la Société ivoirienne de neurologie (SIN). Dans cette interview, il dément les informations sur les réseaux sociaux dont la plus populaire est d’éviter de se laver en commençant par la tête. Et donne par la même occasion des conseils pour éviter la maladie. 

- Vous êtes le président de la Société ivoirienne de neurologie. L’on enregistre beaucoup de décès liés aux AVC.  Quel est le point de la maladie ces deux dernières années ? 

La situation des AVC en Côte d’Ivoire semble stationnaire sur le plan de sa fréquence et de sa sévérité en termes de mortalité ou de handicap. L’AVC reste la principale cause d’hospitalisation en neurologie et la 1ère cause de handicap acquis de l’adulte. Sa place dans les principales causes de décès en Côte d’Ivoire progresse cependant du fait du recul de la mortalité liée aux maladies transmissibles telles que le paludisme, les infections respiratoires ou les pathologies infantiles.

A lire aussiSanté publique : une épidémie de choléra fait plusieurs morts

- Quel est le genre le plus touché et quelle tranche d’âge est la plus atteinte ?

Il y a à peu près autant d’hommes que de femmes qui présentent des AVC en Côte d’ivoire. Les tranches d’âge les plus touchées sont justement les populations actives entre 40 et 60 ans, ce qui représente un drame sur le plan socio-économique pour les familles concernées et pour le pays tout entier.

- À votre avis, quelles en sont les raisons ?

Les AVC sont principalement en rapport avec un certain nombre de maladies ou d’états appelés facteurs de risque vasculaires ou cardio-vasculaires. Ces facteurs de risque lorsqu’ils sont présents augmentent le risque de présenter un AVC. Les principaux sont l’hypertension artérielle (HTA), les hypercholestérolémies, le diabète, le tabac, l’alcool, le manque d’activité physique régulière, un régime alimentaire pauvre en fruits et légumes et le stress psychosocial. 
Ces facteurs sont les mêmes que dans les pays occidentaux, mais en Afrique ils sont non seulement plus précoces (apparaissant chez des sujets jeunes), plus sévères, mais aussi moins bien pris en charge, les populations africaines rechignant à se faire dépister et à se prendre en charge correctement.

A lire aussiSanté mère-enfant/ La Côte d'Ivoire adopte le Plan Mattei

- Il se raconte sur les réseaux sociaux que se doucher en commençant par verser l'eau sur la tête peut provoquer l’AVC. Qu'en est-il?

C’est totalement faux !

- Il en est de même pour le réveil. Il se raconte que se lever brusquement de son lit pour satisfaire un besoin tard la nuit peut être une source d'AVC. Le confirmez-vous? 

Là aussi c’est totalement faux. Il y a une foule de rumeurs sur les réseaux sociaux, mais attention! J’invite les populations à se rapprocher des professionnels de santé pour avoir la bonne information

- Quelles sont les bonnes méthodes pour éviter l’AVC ?    

La prévention consiste essentiellement à lutter contre les facteurs de risque que j’ai cités précédemment: avoir une bonne hygiène alimentaire et pratiquer une activité physique régulière, arrêter de fumer, limiter la consommation d’alcool, chercher à savoir par un bilan de santé si l’on est porteur d’une hypertension artérielle, d’un diabète ou d’un taux élevé de cholestérol, et si c’est le cas se soigner correctement. Il y a à ce propos une peur irraisonnée de nos concitoyens pour les médicaments qui, à tort, sont accusés d’entraîner l’insuffisance rénale. Ces maladies sont dangereuses parce qu’elles n’entrainent pas de symptômes et puisqu’on ne se sent pas malade, on ne voit pas l’intérêt de prendre des médicaments de façon permanente. Eh bien justement, soigner correctement son hypertension artérielle, son hypercholestérolémie ou son diabète permettent d’éviter les AVC et même de protéger le rein contre l’insuffisance rénale.

A lire aussiSanté - La Côte d’Ivoire renforce son réseau de transfusion sanguine avec 32 structures

- Avez-vous observé de nouvelles tendances ou d'autres facteurs de risque émergents ces dernières années ?

Pas vraiment, il y a certes quelques causes qui semblent plus fréquentes sous nos tropiques, en particulier chez les sujets jeunes où l’on peut observer certaines anomalies au niveau des artères allant au cerveau, mais elles restent plutôt rares.

- Quel est l’impact du mode de vie urbain sur la fréquence des AVC ?

Je crois que je l’ai déjà dit : le stress permanent, l’abus d’alcool, le tabagisme, le régime alimentaire pauvre en légumes verts sont des sources d’AVC.

- L’alimentation moderne (fast-food, consommation excessive de sel, sucre et gras) joue-t-elle un rôle dans l’augmentation des cas ?

Bien évidemment ! Elle augmente le risque de voir apparaître une hypertension artérielle et un diabète en particulier, dont on a déjà parlé du rôle nocif. A titre d’exemple, quand on est hypertendu, on a quatre fois plus de risque de présenter un AVC que quand on n’est pas hypertendu.

- Le stress et la pression sociale (travail, chômage, précarité) sont-ils des causes sous-estimées ?

Il est difficile de les évaluer correctement, de mesurer le stress et donc de dire avec précision quelle est leur part dans la survenue des AVC. On sait qu’ils les favorisent mais à quel point ?

A lire aussiSanté Bucco-Dentaire / Les Initiatives louables de l’ONG CASE au profit des enfants

- L’usage croissant des substances comme l’alcool, la drogue ou certains médicaments favorise-t-il l’AVC ?

Oui, les drogues peuvent être impliquées dans certains types d’AVC. L’alcool aussi. Certains médicaments peuvent aussi être incriminés, mais cela reste des cas rares et lorsqu’ils sont prescrits, ils font l’objet d’une surveillance particulière.
     
- Y a-t-il une prédisposition génétique qui expliquerait une augmentation des cas chez certaines populations ?

Pas vraiment. Il y a quelques maladies génétiques qui peuvent conduire à des AVC, mais cela reste exceptionnel. On peut citer à titre d’exemple la drépanocytose qui cause des AVC chez les enfants.

- Le changement climatique et la pollution peuvent-ils être des facteurs aggravants ?

Nous ne disposons pas de suffisamment d’informations sur ces questions. Je ne peux donc pas répondre à cette question avec exactitude. 

Interview réalisée par
 Ernest Famin