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Lutte contre le dérèglement climatique / Coulibaly Davy, expert en environnement : « La protection de l’environnement passe par de petits gestes »

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Coulibaly Davy Wohary est le Directeur Exécutif de l’ONG Actions en faveur de l’Homme et de la Nature (AFHON Côte d’Ivoire). Expert en environnement, qualité et négociateur climat, dans cette interview, il se prononce sur les programmes de lutte contre le dérèglement climatique, évoque les difficultés des ONG et fait des propositions au gouvernement.

Lors de la 7e édition des journées de l'écologie et des changements climatiques (JFAC), le ministre de l'environnement a invité les populations à « faire la paix avec la nature ». Que pensez-vous de cet appel du ministre ?

Le ministre de l’environnement et de la transition écologique a invité, d’une autre manière, les populations à mettre en œuvre l’article 28 de la constitution ivoirienne qui stipule que « la protection de l’environnement et la promotion de la qualité de la vie sont un devoir pour la communauté et chaque personne physique ou moral ». Ce désir de sensibiliser les populations sur les actes écologiques réside dans le fait que notre pays subit de manière visible, les changements climatiques. Nous partageons cette invitation du ministre.

 

Vous êtes une organisation qui intervient sur les questions de changement climatique. À votre avis, qu'est-ce que ces journées ont apporté dans la lutte contre le changement climatique, depuis la première édition ?

Les différents ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de l’environnement ont gardé cette même approche de participation, à savoir véhiculer un message lors des JFAC. Pour nous, ces journées devraient constituer des moments de plaidoyer pour la prise en compte, tant des recommandations de la société civile que des actions concrètes sur le terrain. Il faut que ces journées JFAC sortent du protocole classique. Cependant, nous encourageons les organisateurs avec qui nous avons de bonne approche.

 

Lorsque le ministre dit que les populations doivent faire la paix avec la nature, cela suppose qu'il y a eu un divorce. Quelles sont, selon, vous les raisons de ce divorce ?

C’est en connaissance des dossiers sur les questions de pollution de l’eau et de l’air, de destruction de la forêt, d’insalubrité, des questions d’accaparements de terre que le ministre invite les populations à faire la paix avec la nature. Cette paix est l’équivalent d’avoir des comportements éco-citoyens, tant pour les personnes physiques que pour les entreprises qui, bien souvent, ne respectent pas leur engagement sociétal dans notre pays. Chacun fait ce qu’il veut sans être inquiété par nos lois qui, pour la quasi-totalité, ne sont pas respectées. Nous, acteurs de la société civile, appelons de tout cœur, l’opérationnalisation de la Brigade de la salubrité et des questions environnementales pour passer à une autre étape. Depuis 1990, nous sommes dans la phase de sensibilisation. Elle doit être suivie d’une brigade opérationnelle.

 

« Il faut développer un amour pour la nature et mieux connaître son importance »

 

Concrètement, que fait votre organisation pour lutter contre le dérèglement climatique ?

À ce niveau, il faut noter que seuls, nous ne pouvons pas faire grand- chose. C’est ainsi que nous nous sommes mis ensemble sous la bannière soit d’un réseau, soit d’une plateforme, soit d’une coalition pour que nos actions atteignent une plus grande cible. En termes d’activités, nous pouvons dire qu’il y a des activités de terrain et des activités classiques de plaidoyer.

Au titre des activités de terrain, nous sensibilisons les populations sur la connaissance des codes de l’environnement, de l’eau, de la forêt, pour une meilleure connaissance de l’accord de Paris, une meilleure connaissance des engagements nationaux et internationaux, en ce qui concerne nos contributions nationales déterminées. Aussi partageons-nous notre quotidien avec les agriculteurs en renforçant leurs capacités sur la bonne utilisation des engrais et pesticides qui n’ont pas d’impacts négatifs sur la biodiversité. Sans oublier aussi la sensibilisation des pêcheurs et éleveurs sur l’utilisation des produits liés à leurs activités.

Au titre des activités classiques, nous avons des actions de plaidoyer auprès du ministère de l’Environnement, de la BAD, de la CEDEAO, de la Banque Mondiale, du FCPF, etc. Ces plaidoyers portent sur la prise en compte des recommandations et l’inclusion de la société civile dans les différentes étapes de conception et de mise en œuvre des programmes et plans d’actions nationaux sur les changements climatiques.

« Dans la majorité du temps, ces règles ne sont pas respectées par certaines entreprises »

 

Il y a beaucoup de discours relatifs à la lutte contre le dérèglement climatique, mais dans la pratique, les populations ont l'impression qu'elles ne ressentent pas directement les effets de la lutte. Comment l’expliquez-vous ?

Oui, c’est pour cette raison que depuis plusieurs années, nous avons émis le souhait que le ministère en charge de l’environnement nous incluse dans ses différentes activités, car en réalité, c’est auprès des populations qu’on découvre le quotidien des ONG et associations sur les questions des changements climatiques. Pour cette raison, nous pourrons utiliser la traduction en langue locale pour aborder les éléments clés relatifs aux sujets des communautés. Il nous faut sortir des bureaux climatisés et ressentir les effets des changements climatiques pour prétendre apporter des solutions durables.

 

Comment pouvons-nous, en tant que citoyens, réduire notre impact sur l’environnement dans notre vie quotidienne ? 

Déjà, il faut développer un amour pour la nature et mieux connaître son importance dans le cycle de maintien de la biodiversité offerte à nous par Dieu, le créateur. La protection de l’environnement passe par de petits gestes. Ainsi, il faut avoir toujours le réflexe de jeter nos ordures dans les barques à poubelle, s’il n’en existe pas. Il faut trouver des moyens d’en créer avec du matériel à notre portée. Ensuite, il faut respecter les consignes interdisant de fumer dans les lieux publics, respecter l’interdiction de l’utilisation du gaz butane comme carburant principal, cause de pollution, selon moi. 

 

Quelles actions concrètes avez-vous initiées pour lutter contre les changements climatiques ? 

Il faut dire que notre organisation AFHON Côte d’Ivoire a mis en œuvre plusieurs projets dont la sensibilisation des autorités administratives et coutumières sur l’importance du processus de la REDD+ réduction des émissions de gaz à effet de serre, due à la déforestation et la dégradation des forêts. Nous avons également mis en œuvre un projet national de sensibilisation sur les gestes éco-citoyens en faveur des élèves et lycées et de certaines organisations comme les CV-AV et les Scouts Catholiques.

Comment le gouvernement et les entreprises peuvent-ils collaborer pour "faire la paix avec la nature" ? 

Toutes les entreprises qui s’installent en Côte d’Ivoire passent le test de l’ANDE qui étudie leur impact environnemental sur l’environnement. De ce point de vue, elles ont une responsabilité sociétale à respecter, sans oublier la qualité de vie à mettre en place en interne. Dans la majorité du temps, ces règles ne sont pas respectées par certaines entreprises.  Mieux, d’autres communiquent des chiffres et actions erronés pour passer les étapes de contrôle. Il est important pour les gouvernants d’avoir des agents qui travaillent dans une probité, sans reproche, afin de faire des visites inopinées dans les entreprises pour un suivi régulier. Aussi, nos chefs d’entreprises doivent être sensibilisés et avoir leurs capacités renforcées sur l’engagement écologique dans l’exercice de leurs activités.

 

Quels sont les défis majeurs auxquels vous faites face dans la mise en œuvre des projets écologiques ? 

Dans la mise en œuvre de nos projets écologiques, le problème de financement continue de se poser. Vous pouvez mettre en place un projet durable, un ou deux ans. Mais après, ce projet ne continue plus, par faute de moyens, alors que les populations sont engagées à aller de l’avant avec vous. En plus, il y a le défi majeur de l’accessibilité des autorités locales qui n’interviennent que lorsque surviennent des conflits.

 

Réalisée par Ernest Famin

 

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