Le tabac est la deuxième cause de mortalité dans le monde. Il est actuellement responsable du décès d’un adulte sur 10. L’on compte dans le monde, plus d’un milliard de fumeurs, dont 20% environ sont des femmes. Ce chiffre est en augmentation progressive.
« En Côte d’Ivoire, nous ne disposons pas de données précises, mais le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de 2020, montre que dans les pays à revenu intermédiaire (dont la Côte d’Ivoire fait partie), les maladies cardio-vasculaires, notamment la crise cardiaque et les accidents vasculaires cérébraux (AVC), représentent aujourd’hui, les deux premières causes de mortalité », avait confié à l’AIP, Dr Hermann Yao, cardiologue interventionnel du Service d’Hémodynamique et de cardiologie interventionnelle et aux urgences de l’Institut de cardiologie d’Abidjan.
Le tabac « séduit » les jeunes filles
Avec les jeunes, les femmes sont une cible de choix pour l’industrie du tabac, qui doit recruter de nouveaux consommateurs pour remplacer près de la moitié des consommateurs actuels, car ceux-ci mourront prématurément de maladies liées au tabagisme. L'Afrique est le nouvel Eldorado des cigarettiers, en raison de la « croissance démographique » et du « marketing agressif » de ceux-ci, selon L'Atlas du tabac.
Les pays africains constituent des sites idéaux d’exercice de leurs activités. Les firmes de tabac s’appuient sur ce qui est susceptible de séduire les femmes pour fonder les stratégies de promotion de la cigarette. De nombreuses femmes âgées de 15 à 47 ans, consomment régulièrement du tabac en Côte d’Ivoire. Le tabagisme, en particulier féminin, est en hausse en Côte d’Ivoire. Les filles sont désormais, un peu plus nombreuses que les garçons à fumer. À 15 ans, des filles fument de manière régulière ou occasionnelle.
En théorie, la gente féminine devrait être épargnée de la cigarette. Mais dans la pratique, si l’interdiction de fumer dans les boîtes de nuit est plus ou moins respectée, les cigarettes sont plus que tolérées dans certains lieux publics. « Il est déjà difficile de faire respecter l’interdiction de fumer dans les espaces publics, surtout dans nos caves. Si on interdit aux clients de fumer dans la salle, ce serait l’émeute. Comment faire ?», s’interroge Olivia Aboua, une serveuse. Stéphanie, 18 ans, acquiesce : « Moi, il suffit que l’on m’interdise quelque chose pour que je le fasse », explique cette brune qui fume en moyenne, dix cigarettes par jour, depuis plus de deux ans.
Le tabagisme, un réel problème de société
Les dangers du tabac, Stéphanie les connaît presque par cœur. « Mais quand on fume et qu’on a mon âge, on ne se dit pas qu’on aura un cancer dans vingt ans. C’est trop loin », ajoute cette lycéenne qui a « la vie devant elle ».
Le tabagisme des jeunes constitue un sujet d’inquiétude pour les professionnels de la santé, les sociologues et les militants antitabac. Dans les pays développés, 90 % des fumeurs adultes ont commencé avant l’âge de 20 ans. Du plaisir de la cigarette volée à la dépendance, le pas est vite franchi. Et les fabricants de tabac savent que leurs nouveaux clients ne se recruteront pas parmi les adultes – on commence rarement à fumer à 40 ans – et ciblent désormais, les jeunes générations.
Les deux mesures de coercition de l’État ivoirien
Le Conseil des ministres qui s’est tenu le 26 janvier 2022, a adopté deux décrets en faveur de la lutte contre le tabagisme en Côte d’Ivoire. Le premier porte sur les modalités d’application des avertissements sanitaires, du conditionnement et de l’étiquetage des produits du tabac. Le second concerne l’institution d’un système de suivi et de traçabilité des produits du tabac. Avec un taux de prévalence estimé à 14% en 2021, la Côte d’Ivoire fait des progrès dans la lutte antitabac, ces dernières années.
« Ces décrets interviennent en application de la loi n°2019-676 du 23 juillet 2019 relative à la lutte antitabac et conformément à la Convention-Cadre de l’OMS (CCLAT) et du Protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac. Ces décrets recommandent l’instauration de mesures globales pour réduire la consommation de tous les produits du tabac, afin de prévenir l’incidence des maladies et les décès prématurés associés.
Ces nouvelles mesures introduisent un conditionnement neutre des produits du tabac avec des avertissements sanitaires couvrant presque la totalité des paquets. La Côte d’Ivoire deviendra ainsi, le premier pays d’Afrique à exiger un emballage neutre pour les produits du tabac. Le paquet neutre, accompagné d’un arsenal d’autres mesures (espaces sans tabac, interdiction de la publicité, hausse des taxes, interdiction des arômes, etc.) est un puissant outil de santé publique. Un tel dispositif a pour finalité d’identifier les différents intervenants dans la chaîne de production et d’approvisionnement des produits du tabac fabriqués ou importés en Côte d’Ivoire, pour lutter contre les marchés de contrebande. Par un traçage continu du produit et sous réserve que le dispositif soit mis en place par des tiers extérieurs aux fabricants de tabac, ce dispositif permet de déterminer si un produit saisi est sorti ou pas, du réseau légal », révèle le communiqué du conseil des ministres du 26 janvier 2022.
Lutte contre le tabagisme, un combat de tous
En effet, le tabac est la première cause de mortalité prématurée et évitable dans le monde. « L’épidémie du tabac tue environ 8 millions de personnes chaque année dans le monde et est le premier facteur de risque de cancer, responsable d’un cancer sur cinq et d’un décès sur trois par cancer. Consommer du tabac augmente le risque de 17 localisations différentes de cancer », rappelle Dr Hermann Yao.
Malgré l’interdiction de fumer dans les lieux publics, en 2012, et l’adoption d’une loi, en 2019, le tabac fait près de 5 000 décès chaque année, selon les données du ministère de la santé, de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle. Près de 28 milliards de FCFA sont mobilisés par le gouvernement ivoirien pour le traitement des malades atteints d’infections provoquées par le tabac.
« Il est interdit de faire de la publicité sous toutes ses formes, notamment nous ne devons plus voir des scènes tabagiques à travers des films audiovisuels. Nous ne devons plus vendre, partout, le tabac, à tout hasard, les points de vente devant être agréés », avait souligné Dr. Ernest Zotoua, directeur du Programme national de lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, la toxicomanie et autres addictions (PNLTA).
Pour joindre l’utile à l’agréable, des professionnels de communication se sont constitués en réseau pour porter le message. Il s’agit du Réseau des communicateurs pour la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme en milieu scolaire et universitaire (RECLTASU), présidé par Dimitri Agoutsi. Un concours journalistique dénommé “La plume anti-tabac” a été instauré pour récompenser les meilleurs articles de presse engagés dans la lutte contre le tabagisme. Ce concours démontre l’engagement des médias dans la lutte anti-tabac.
« Ce concours s’inscrit dans la vision de l’OMS, conformément à l’article 12 de la convention-cadre de la loi anti-tabac qui encourage les États à faire des journalistes, des leviers importants dans la lutte anti-tabac. Nous réitérons notre soutien au RECLTASU et notre volonté d’accompagner le concours la Plume anti-tabac », a indiqué Souleymane Koné, représentant du patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Côte d’Ivoire, lors du lancement de la deuxième édition de ce concours.
Joël Dally