Culture

Interview/Tompino Tagbo (Promoteur culturel): « Nous avons fait deux semaines en mer et j’avoue que ce voyage était très difficile »

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Après 33 ans en France, Tompino Tagbo a décidé de s’installer désormais en Côte d’Ivoire pour sensibiliser la jeunesse ivoirienne sur les dangers de l’immigration clandestine. Ph DR.
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Frère aîné de l’actrice-humoriste Claudia Tagbo, Joseph Gnoléba Tagbo dit Tompino a décidé de sacrifier ses 33 ans de vie en France pour s’installer définitivement en Côte d’Ivoire et s’associer pleinement à la lutte contre l’immigration clandestine. A Abidjan depuis quelques jours, cet acteur culturel qui a rejoint l’Europe par la clandestinité veut faire évoluer les mentalités de la jeunesse ivoirienne en lui vantant les mérites et prouesses économiques de la Côte d’Ivoire.

Vous êtes à Abidjan depuis quelques jours pour prendre part à la 4ème édition de Séyéyé Festival qui se tient à Agboville où vous êtes l’invité d’honneur. Qu’est-ce qui selon vous vous a valu une telle invitation ?

Effectivement, je suis à Abidjan pour honorer de ma présence un festival, Séyéyé Festival, dont le thème de la 4ème édition porte sur l’immigration clandestine. J’anime une conférence sur le thème de cette édition. L’immigration clandestine est toute mon histoire parce que 33 ans en arrière, je suis allé en Europe en bateau. Je ne savais même pas ma destination. De Treichville où j’étais, j’ai seulement pris avec moi du gari, de l’eau et du sucre pour faire ce voyage. Nous étions 17 clandestins ce jour-là. Nous avons fait deux semaines en mer et j’avoue que ce voyage était très difficile. Je suis resté deux ans en Espagne avant d’aller en France. Une fois en France, je suis resté avec l’artiste Ziké où j’ai pu sortir son album en 1992. J’ai été son premier manager. Nous étions au Niger en 1992 pour des spectacles et il était tombé gravement malade. On a dû le rapatrier en Côte d’Ivoire pour aller en France. J’ai dû rester une année durant au Niger avant d’aller au Mali d’où j’ai pu travailler avec la cantatrice Amy Koïta. A cette époque, je n’avais pas de document et j’ai dû revenir au pays avant de pouvoir aller en Europe dans les conditions que j’ai expliquées plus haut. Dieu merci, aujourd’hui, je suis gestionnaire de résidences pour les Hlem. J’ai finalement décidé de rentrer au pays pour me consacrer entièrement à ce projet de lutte contre l’immigration clandestine. Je ne veux plus que les ivoiriens meurent pour la traversée.

 

Pourquoi donc 33 ans après, vous vous intéressez à la lutte contre l’immigration clandestine ?

Cela bien évidemment parce que j’ai été moi-même clandestin. Malheureusement aujourd’hui, la démocratie avec son cortège de problèmes politiques fait que beaucoup de jeunes passent par exemple par la Tunisie pour aller mourir en mer. Mon cri de guerre en tant que patriote est que ces jeunes-là laissent tomber cette voie de l’immigration clandestine. C’est pourquoi je m’engage à parler aux jeunes et surtout au ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l'Insertion professionnelle et du Service civique. Je veux bien sûr accompagner le ministre Mamadou Touré sur son projet de faire de la jeunesse ivoirienne, une jeunesse responsable. Pour moi, en 2024, il nous faut zéro mort de jeunes ivoiriens pour la traversée parce que bien sûr ils auraient abandonné cette voie suicidaire de l’immigration clandestine. Il y a 20 ans, les ivoiriens allaient en Tunisie pour étudier et non autre chose, pareil pour ceux qui allaient également au Maroc. En aucun cas, les ivoiriens qui allaient dans ces pays ne partaient avec l’intention d’atteindre l’Europe par la traversée en mer. En clair, je suis venu pour dire aux jeunes que l’eldorado c’est ici et qu’ils abandonnent l’immigration clandestine. La France est très difficile aujourd’hui. Lorsque je partais en France, il n’y avait de visa. Il fallait simplement payer son billet d’avion et y aller mais je n’avais pas les moyens à cette époque. Il nous appartient donc à nous qui sommes les ainés de ces jeunes de leur parler, leur partager nos expériences pour leur dire qu’on peut aller en Europe autrement sans risquer sa vie. Nous mettrons en place des projets pour accompagner ces jeunes afin qu’ils abandonnent cette idée de l’immigration clandestine.

 

Est-il aisé pour vous qui avez connu l’Europe grâce à l’immigration clandestine de sensibiliser ces jeunes sur l’immigration régulière ?

Bien évidemment ! Pour moi, tous les jeunes ivoiriens sont mes frères et donc de par mon expérience je peux leur parler de ces questions. Regardez, vous ne verrez jamais un immigré clandestin mort pendant la traversée avoir de véritables obsèques au pays. Leurs parents ont certes la douleur de perdre un fils mais ont honte de dire qu’il a échoué et qu’il est mort. Moi, je ne demande pas aux gens de ne pas partir en Europe mais que s’ils veulent partir qu’ils passent par la voie normale. Est-il normal qu’un jeune économise jusqu’à plus de deux millions F Cfa et aille mourir en mer alors que cet argent pouvait servir à développer une activité rentable au pays ? Ce n’est pas normal et c’est ce que nous combattons.

 

De façon concrète, quelles seront les actions que vous mènerez pour dissuader tous ces jeunes ?

Nous entrevoyons de grandes campagnes de sensibilisation. Nous passerons aussi par des campagnes médiatiques pour les toucher. Je serai dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire pour aller parler à ces jeunes. Nous leur proposerons des projets que nous financerons. Beaucoup de nos frères ivoiriens meurent pour l’immigration clandestine et c’est notre devoir de freiner ce phénomène.

 

En France, avez-vous eu à sensibiliser des migrants ivoiriens ?

Bien sûr ! Avec les Jeux Olympiques de 2024, la France demande d’enlever tous les clandestins de Paris. Des moyens seront mis par l’Etat français pour les envoyer en province. Je ne cesse de dire à ces frères que l’eldorado c’est véritablement en Côte d’Ivoire que de vivre sous des ponts et autres lieux dévalorisants. Il y a des gens au pays qui s’en sortent très bien financièrement. Le ministre Mamadou Touré fait déjà beaucoup pour la jeunesse et il est de notre devoir de l’accompagner dans ce sens d’où notre combat de sensibiliser contre l’immigration clandestine.

 

Philip KLA

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