
Dans le cadre de ce scrutin, l’opposition ivoirienne a formé des coalitions pour, dit-elle, obtenir la participation des candidats qui n’en remplissent pas les conditions. La plus en vue de ces coalitions, est le Front commun de l’opposition, dirigé conjointement par le PPA-CI et le PDCIRDA. Pour faire entendre sa voix et faire plier le pouvoir, le Front commun a organisé des marches et des meetings au terme desquels deux messages essentiels ressortent : Pas de quatrième mandat et pas d’élection sans Gbagbo et Thiam. Mais au fil du temps, ce qui semblait être des conditions non négociables, s’effrite au profit des intérêts de chaque parti. La première incongruité se situe au niveau des critiques formulées contre la CEI.
Il y a quelques temps, l’opposition avait retiré ses représentants de la commission centrale, sous prétexte que la Côte d’Ivoire ne pouvait pas aller à des élections avec la « CEI de Kuibiert Ibrahime ». Aujourd’hui, sans que rien ne soit changé dans la configuration de la CEI, tous ses pourfendeurs s’alignent comme des élèves studieux pour aller déposer leurs dossiers à la « CEI de Kuibiert Ibrahime ». Et pourtant, hier, beaucoup d’analystes avaient conseillé à cette opposition de revoir sa position et d’éviter la politique de la chaise vide, qui lui serait préjudiciable, si elle décidait plus tard de participer au scrutin. Elle n’a pas voulu entendre raison et s’était inscrite dans une posture radicale sans aucune concession. Aujourd’hui, rien n’a changé et cette même opposition est en rangs serrés pour aller déposer ses dossiers de candidature et ce, à grands renforts de publicité. La deuxième incongruité se situe au niveau des acteurs politiques dont les noms ont été rayés de la liste électorale pour des raisons judiciaires ou administratives. Ici encore, l’on avait conseillé à l’opposition d’entrevoir des plan B, tout en continuant les discussions.
Ce plaidoyer s’est heurté à une cinglante fin de non-recevoir de l’opposition. Au PDCI-RDA et au PPA-CI, l’on soutenait même que les plans de A à Z, ce sont respectivement Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo. Au sein de ces partis, tous les cadres qui ont osé émettre des avis contraires ou ont même fait des propositions constructives, ont été vite ostracisés et bannis. Aujourd’hui, rien n’a changé sur la liste électorale. Les noms de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam n’y sont pas toujours. Rattrapés par leurs turpitudes et leurs mauvais choix stratégiques, ces partis continuent d’entretenir l’illusion de la participation de leurs leaders au scrutin, sachant pertinemment que le préalable pour tout Ivoirien d’être candidat, c’est d’être inscrit sur la liste électorale. Que peut cacher cette propension à aller déposer une candidature, sachant qu’elle sera rejetée sans ménagement ? À y voir de près, l’opposition se rend compte qu’elle a vendu du vent à ses militants en soutenant qu’il ne peut avoir d’élection en Côte d’Ivoire sans Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam. Et pourtant, la présidentielle, telle que lancée, se déroulera sans ces derniers. L’argument qui sous-tend cette stratégie, sera de dire que le pouvoir Ouattara a éliminé des candidats sérieux, alors qu’ils ont été éliminés avant le top départ du processus.
L’objectif, in fine, sera de créer l’incident et de troubler le processus électoral. La dernière incongruité que l’on peut soulever, est l’axe de communication du Front commun de l’opposition. Une grande marche a été organisée le 9 août dernier et un meeting géant le 16 du même mois pour un seul message : pas de quatrième mandat pour Ouattara. Mais au finish, Alassane Ouattara a déclaré sa candidature, il déposera son dossier de candidature et battra campagne pour solliciter les suffrages des Ivoiriens. Pendant ce temps, tous ceux qui veulent faire barrage à ce supposé quatrième mandant, ne seront pas candidats. Comme on le dit de façon triviale en Côte d’Ivoire, l’on peut légitimement se poser la question suivante : Donc, tout ça pour ça ? Voilà ce que l’opposition ivoirienne sert à ses militants à travers des stratégies mal ficelées et un jusqu’auboutisme improductif et suicidaire. Si les choses restent en l’état, dans exactement 60 jours, les Ivoiriens iront aux urnes sans Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, par la faute de ces deux acteurs politiques et il n’y aura rien ! Dommage pour les militants et cadres de ces formations qui veulent pourtant participer à l’animation de la vie politique de leur pays.
Kra Bernard