Éditos

MICHEL GBAGBO : L’HÉRÉSIE DE TROP !

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Il porte un nom très connu en Côte d’Ivoire. Celui d’un ancien président de la République de Côte d’Ivoire. Et ès-qualités, il fait naturellement partie des animateurs de la scène politique en Côte d’Ivoire, puisqu’il s’est engagé lui aussi, à faire de la politique comme son père. Au niveau intellectuel, il fait partie de l’intelligentsia en sa qualité d’enseignant-chercheur. Michel Gbagbo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a donc cette légitimité politique et intellectuelle pour donner de la voix sur les questions qui engagent la vie de la Nation. Seulement voilà. Le dernier sujet sur lequel le Dr Michel Gbagbo est intervenu, mérite que l’on s’y arrête. Dans une correspondance adressée au président de la République, le député de Yopougon s’est offusqué de la présence de certains militaires encore en prison. Au nom du principe de la liberté d’expression, l’honorable Michel Gbagbo est bien fondé, en tant que citoyen de la République, de faire cette requête auprès du premier magistrat du pays. Mais là où le bât blesse, ce sont les arguments développés par le député de Yopougon. Pour lui, si le « donneur d’ordres », Laurent Gbagbo est en liberté, il ne trouve aucune raison que les exécutants soient encore en détention. « Pourquoi, Monsieur le Président de la République, l’épée le cédant à la toge, des militaires de haut rang ayant dignement défendu le drapeau national, sur ordre, resteraient-ils encore en prison, condamnés par une justice ivoirienne sous pression, quand le donneur d’ordres, lui, en l’occurrence Monsieur Laurent Gbagbo, acquitté de toute charge par la justice internationale, serait libre de ses mouvements ? », s’est-il interrogé. Plus grave, là où la plaidoirie de l’élu de la Nation pose problème, c’est le parallélisme qu’il fait sur l’exécution des ordres en parlant de protection discriminée. « Pourquoi proroger l’idée d’une protection discriminée des officiers supérieurs servant la République, quand un ancien Chef d’Etat-Major, en l’occurrence Monsieur Philippe Mangou, bénéficie d’un traitement de faveur de votre part, tandis que les plus rigoureux des soldats, comme l’illustre le cas du Général Dogbo Blé, se voient, eux, punis pour avoir obéi aux ordres et défendu l’État ? », s’est encore interrogé le cadre du PPA-CI. En termes clairs, Michel Gbagbo s’offusque du fait que Philippe Mangou, chef d’état-major à l’époque des faits, soit encore en liberté alors que Dogbo Blé, alors commandant de la garde républicaine soit encore en prison. À y voir de près, le citoyen Michel Gbagbo parle comme si nous n’étions pas tous témoins de cette histoire trop récente du pays. Le général Philippe Mangou dont il parle, n’était que chef d’état-major de nom et a manqué de peu d’être assassiné. Il n’a eu son salut qu’en se réfugiant lui et sa famille, à l’Ambassade d’Afrique du Sud à Abidjan. Mieux, la responsabilité du général Dogbo Blé et de la plupart des militaires dont parle Michel Gbagbo, a été clairement établie dans la commission de certains crimes.

Ceux qui ont assassiné froidement le colonel-major Dosso Adama ont reconnu à la barre, avoir agi sur les ordres de Dogbo Blé. Plus grave, l’ordre d’assassiner les premiers responsables de l’hôtel Novotel en 2011, est directement venu de la cellule mise sur pied par le Général Dogbo Blé. Le nom du même Dogbo Blé a été cité dans le procès de l’assassinat du général Robert Guei. Toutes ces responsabilités directes ont été situées durant le procès des assises en 2017. Passons sous silence les crimes du blocus du Golf Hôtel, les tueries des femmes d’Abobo et l’assassinat des militants au siège du RDR dans l’entre-deux-tours. Michel Gbagbo est-il en harmonie avec sa conscience quand il qualifie de « soldat rigoureux »  et de « militaire de haut rang ayant dignement défendu le drapeau national », celui qui a donné directement l’ordre de tuer le colonel-major Dosso Adama, Yves Lamblin et tous les hauts cadres de la SIFCA qui avaient trouver refuge au Novotel ? Quid des autres militaires comme le capitaine Jean Noël Abehi, Katé Gnatoa et Anselme Séka Séka qui ont été pris sur des faits d’atteinte à la sureté de l’État ? Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est certes, dans une dynamique de réconciliation, mais il faut se garder de remuer le couteau dans la plaie et faire des amalgames et/ou parallélismes qui n’ont pas lieu d’être. Ouattara, Bédié et Gbagbo se sont rencontrés. Ceci est un fait. Et la Nation peut accorder son pardon à certains de ses fils au nom de la réconciliation nationale. Mais dire que comme Philippe Mangou est en liberté, Dogbo Blé doit également être en liberté, est un raccourci qui frise la mauvaise foi. Le colonel major Konan Boniface était le commandement du théâtre des opérations, mais il est aujourd’hui en liberté et connaît même une promotion dans l’armée. Idem pour le général Guiai Bi Poin qui était le commandant du CECOS et aussi feu les généraux Kassaraté et Touvoli Bi Zogbo. Eux aussi, étaient au-devant de la scène. Pourquoi Michel Gbagbo n’évoque pas ces cas ? En rédigeant sa lettre au président de la République, Michel Gbagbo a certainement oublié que son père avait donné un conseil qui continue de faire date dans l’histoire : « Quand on t’envoie, il faut savoir t’envoyer ». Gbagbo Laurent avait envoyé beaucoup de militaires au front, mais c’est le zèle de Dogbo Blé qui a débouché sur des tueries. Et comme la responsabilité pénale est individuelle, il en paie le prix fort tout comme ses codétenus. Il faut donc éviter de faire des amalgames inutiles et des parallélismes qui frisent la politique politicienne. Oui, nous sommes à la veille du 7 août où tous s’accordent à dire que le président de la République va faire d’importantes annonces, y compris une éventuelle grâce présidentielle. Michel Gbagbo, par opportunisme politique, peut avoir jeté un pavé dans la marre, mais il s’y prend de la plus mauvaise des manières. L’Afrique du Sud et le Rwanda ont pu passer l’éponge sur le passé, mais ce n’était pas à n’importe quel prix. Oui, le pardon est possible, mais la foutaise n’est pas admise.

Kra Bernard

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