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Opinion

Clash Didi B-Himra : Heure de gloire pour le Rap Ivoire, mais attention ! 

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Ces dernières années, la musique ivoirienne, particulièrement le Rap Ivoire, est en plein essor, avec en attraction, deux artistes de renom : Didi B et Himra. À travers des clashes dont ils sont les seuls à détenir le secret, nos rappeurs tirent leur style de musique vers le haut. 

Les mélomanes du Rap Ivoire ne chôment pas. Il ne se passe pas une semaine, voire un jour, où ils n’ont pas droit à un clash musical entre Didi B et Himra. Les deux artistes, dans un contexte d’émulation, ne cessent de faire des sorties musicales ou des déclarations publiques pour montrer leurs performances artistiques, chacun tendant à se positionner comme le meilleur. 

« C’est moi le meilleur… »

Répondant à une question d’un animateur au cours d’une émission télé, à savoir s’il valide que Didi B leur met la pression, parce qu’il venait de réussir l’organisation d’un concert au Parc des expositions d’Abidjan Port-Bouët, Himra n’a pas voilé qu’il est le meilleur rappeur. « Vous savez, on est tous des enfants de Dieu (…). C’est son temps. Je connais ma valeur. Ce que je vois, c’est grandiose. Mais je suis un alien. Le jour où je vais mettre mon pied au Palais de la Culture ou ailleurs ; devant tout le monde, Michael Jackson même va se réveiller. Je suis né avec, je suis né avec la scène, avec la rage de ça. Je suis né avec tout ce qui est spectacle (…) Quand je vais débuter, ce sera la dictature… », a-t-il clamé. Une déclaration qui n’a pas laissé les animateurs indifférents, suscitant des cris d’étonnement sur le plateau. Didi B, voulant revendiquer sa place de leader, n’a pas attendu pour répliquer. « On me compare à un rappeur qui est en train de percer, ça veut dire que je suis toujours là. Ils peuvent me piquer pour me dire que je suis tombé. C’est faux, parce que si je suis tombé, on n’allait pas parler de moi », essaie-t-il de convaincre. Dans cette perspective, il s’est montré plus explicite, dans l’une de ses chansons, mettant en avant, sa valeur artistique. « Le total des cachets de tous vos rappeurs à mon poignet », a-t-il clarifié. 

Au-delà du clash, le repositionnement du Rap Ivoire 

Il n’est pas injuste de l’affirmer, le Rap Ivoire se nourrit à la mamelle du clash entre les deux grosses figures de ce genre musical. En effet, comme nous l’avons déjà vécu en Côte d’Ivoire et même ailleurs dans le monde, notamment aux USA dans les années 90, le clash musical est une stratégie de communication qui bénéficie non seulement aux auteurs, mais surtout, contribue efficacement à renforcer la visibilité du pays et de sa musique sur la scène internationale. « À la base, le clash musical est une très bonne chose, parce qu’il permet aux différents artistes de se surpasser. C’est la compétition, dans toute compétition, chaque partie cherche à prendre le dessus. Ce qui pousse ceux qui ne sont pas dans le clash à travailler dur pour se mettre à niveau et se faire connaître. Les artistes qui sont dans le clash ont beaucoup plus de visibilité, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui cherchent à comprendre le clash afin de les suivre », informe Ozone Afrik Bamba, acteur culturel et animateur télé et radio. Cela ne peut étonner personne. 

Aujourd’hui, les rappeurs ivoiriens ne passent plus inaperçus. Bien au contraire, ils parviennent à organiser de grandes prestations sur la scène nationale. C’est le cas des concerts de Didi B des 25 septembre 2023 au Parc des expositions et du 03 mai 2025 au stade Félix Houphouët-Boigny, sans oublier ses autres prestations et celles de Himra les 26 décembre 2023 au stade d’Angré et 18 avril 2025 (Participation au FEMUA 17 à Abidjan). Ces rencontres artistiques, loin d’être de simples événements, ont démontré combien de fois le Rap Ivoire occupe une place de choix chez les Ivoiriens, tant ils ont drainé assez de monde dans les lieux indiqués. 

Rap Ivoire, musique qui brille à l’international 

La conséquence directe de l’émulation musicale entre Didi B et Himra, c’est bel et bien la belle visibilité, le rayonnement, le bond qualitatif que le Rap Ivoire a fait sur la scène internationale. Pour preuve, ce week-end, la qualité de leur musique a été récompensée à sa juste valeur. Pendant que le premier cité recevait un (01) trophée lors des Àràwò Awards 2025 au Bénin et le deuxième en raflait huit (08), à savoir six (06) au cours des Àràwò Awards 2025 au Bénin et deux (02) au Galsen Urbain Awards 2025 –Sénégal. Ce qui fait réagir Ozone Afrik Bamba. « Aujourd’hui, je reçois beaucoup de messages d’acteurs culturels et même des hommes de médias qui sont hors de la Côte d’Ivoire, qui veulent savoir comment ça se passe entre Himra et Didi B. Ça suscite beaucoup de réactions et permet à ces deux protagonistes d’obtenir beaucoup de plus de cœurs. L’avantage de leur clash actuel leur donne beaucoup plus de visibilité hors de la Côte d’Ivoire », s’est-il réjoui. 

Didi B et Himra ont démontré à la face du monde que ce genre de musique compte et avec eux. Alors, l’acteur culturel Frédéric N’Guessan n’a pas tort, « le Rap Ivoire est bien positionné à l’international. » 

Attention, ne tombons pas dans les travers ! 

Le clash musical dans le Rap Ivoire profite aux auteurs. Mais, attention ! « L’excès en tout est un défaut », enseigne l’adage. C’est bien juste, puisque l’histoire en parle et les faits sont évocateurs. On connaît tous la fin du clash entre Tupac Shakur et Notorious B.I.G, deux amis qui sont tombés dans une rivalité mortelle. Tout près de nous, celui entre feu Arafat Dj et Debordo ne s’est pas non plus terminé dans une atmosphère agréable. D’une attaque musicale fondée sur la mise en avant de leurs performances artistiques, ils se sont employés à tenir des propos « ad hominen » (argument qui attaque directement une personne, plutôt que ses propos), portant ainsi atteinte à leur dignité. « C’est une attraction musicale. Mais ils doivent éviter de tomber dans les problèmes de personne, comme c’étaient les cas d’Almighty et Stezo à l’époque et d’Arafat et Debordo. Je souhaite que nos jeunes frères tirent les leçons du passé pour ne pas connaître le sort de ces artistes », conseille Yeelen Keita, président de l’Union nationale des animateurs et présentateurs événementiels professionnels de Côte d'Ivoire (Unapepci). 

Dès lors, il va valoir user de tact pour éviter de payer le prix, parce que le clash se présente comme un couteau à double tranche qu’il faut utiliser avec attention. Les Ivoiriens qui suivent cette scène n’ont pas tort d’en parler et même de s’en inquiéter. « (…) Le clash comporte des risques symboliques : la disqualification d’un artiste aux yeux du public, ou encore la réduction du Rap Ivoire à une simple rivalité, occultant sa richesse esthétique et discursive. À l’échelle internationale, cette perception pourrait renforcer certains stéréotypes sur les artistes africains (violents, immatures, querelleurs) », attire l’attention de Mariame Sogodogo, mélomane du Rap Ivoire. Il n’est pas mauvais de se lancer des clashes, mais attention, l’histoire de cette communication musicale n’est pas toujours belle. Que nos artistes rappeurs prennent de la distance dans ce game ! « C’est un clash, il n’y a pas d’animosité. Que chaque fan supporte son artiste », recommande Ozone Afrik Bamba. 

Dr Raymond YAO

Dr ès Lettres modernes, Spécialité Grammaire et Linguistique du Français, Analyste de Discours, Journaliste