
Dans un message empreint d’émotion et de gravité, le candidat recalé Vincent Toh Bi Irié, ancien préfet d’Abidjan, a exhorté le parti au pouvoir à transformer les discours sur la paix en actions concrètes pour réconcilier les Ivoiriens. « Chères sœurs, chers frères du RHDP, n’entendez-vous pas ces grondements de colère d’une partie de vos compatriotes ? Ne voyez-vous pas ces cœurs meurtris qui attendent désespérément votre compassion ? », a-t-il lancé dans son adresse publique, rappelant les blessures des crises passées et appelant à un geste d’apaisement.
Il invite le pouvoir à actionner tous les leviers…
Pour l’ancien préfet, la réconciliation nationale ne peut se limiter à des campagnes de communication ou des meetings : « Quel est ce pays qui dépense autant d’argent et d’énergie à parler de paix dans des stades, sans que les actes institutionnels de paix ne soient visibles ? » a-t-il interrogé, invitant le pouvoir à « actionner tous les leviers d’une vie nationale paisible ».
A ce stade, il convient d’irriguer la mémoire du président du mouvement Aube Nouvelle. De quelle réconciliation parle-t-il donc ? Sait-il combien de partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo sont rentrés en Côte d’Ivoire après des années d’exil ? Sait-il aussi combien ont repris leurs fonctions et leurs postes avec les avantages y afférents ? Comment s'y prend-il pour être amnésique au point d'oublier l'amnistie collective qui a réhabilité de nombreux cadres de l'ancien regime et permet a Simone Ehivet Gbagbo d'être candidate à la Presidentielle d'octobre ? Concernant Laurent Gbagbo lui-même, faut-il rappeler que c’est son successeur qui a pris la décision, sans la moindre pression, de le faire rentrer en Côte d’Ivoire après sa libération, alors qu’il aurait pu trouver des artifices pour le faire mariner à l’extérieur du pays.
Juridiquement, il n’a pas le droit de créer un parti politique
Faut-il aussi rappeler que, juridiquement, ce dernier n’a pas le droit de créer un parti politique, puisqu’il est déchu de ses droits civiques et politiques, mais la justice l’a quand même autorisé à en porter un sur les fonts baptismaux. Au nom de la réconciliation. C’est toujours, au nom de la réconciliation que Blé Goudé est à la tête d’un parti politique alors qu’il est également déchu de ses droits civiques et politiques. Et puis, qu’on se dise la vérité, parlant de cette réconciliation, en réalité, les Ivoiriens n’ont aucun problème entre eux. Ce sont plutôt les politiciens qui se détestent cordialement, ce qui déteint sur le climat social et fait croire que plus rien ne va dans le pays. Alors, encore une fois, de quelle réconciliation parle Vincent Toh Bi Irié ?
Et comme si cela ne suffisait pas, il a dénoncé un climat de peur et d’injustice, estimant que certains citoyens vivent dans l’angoisse permanente de perdre leur liberté pour une simple opinion exprimée. « Voulez-vous produire un peuple de couards ? Accepteriez-vous qu’un pouvoir après vous vous traite comme vous nous traitez ? » a-t-il questionné, en appelant le RHDP à se souvenir des années de lutte et des souffrances endurées avant son accession au pouvoir. C’est à croire que l’ancien préfet ne sait pas de quoi il parle. Un climat de peur et d’injustice ? A quel niveau ? A-t-il déjà fait un tour sur les réseaux sociaux où le président Alassane Ouattara est brocardé à longueur de journée ?
A-t-il vécu sous le défunt régime de la Refondation ?
Du reste, sait-il ce que c’est que la peur ? A-t-il vécu sous le défunt régime de la Refondation ? Au temps des « Jeunes patriotes » qui faisaient la pluie et le beau temps, sans oublier les « escadrons de la mort » qui tuaient en toute impunité tous ceux qui ne caressaient pas le pouvoir d’alors dans le sens du poil ? Que non ! Il s'était mis à l'abri dans le confort douillet d'une ONG internationale en Afrique du Sud, abandonnant le peuple à son triste sort. La peur, c’était en ce temps-là. Pas maintenant où chacun est libre de critiquer le régime RHDP et les gouvernant sans risquer sa vie. Aussi, faut-il noter que tous ceux qui sont interpellés ou arrêtés le sont pour les actes ou propos subversifs qu’ils tiennent et non pour les critiques qu’ils émettent. A l’évidence, il y a un distinguo à faire entre critiquer et appeler à descendre dans la rue ou inciter à la haine. Vincent Toh Bi Irié le sait-il ?
En tout état de cause, il est tout de même surprenant que Vincent Toh Bi Irié qui se trouve être l’un des « happy few » du pouvoir RHDP, qui a servi au sommet de l'Etat, après avoir bénéficié d'un "ascenseur special" pour se retrouver préfet hors-grade, soit aujourd'hui celui-là même qui lui porte le glaive de la mauvaise foi sans la moindre aménité. En effet, il était encore jeune sous-préfet affecté à Tiémé dans le Denguélé, lorsqu’il a démissionné de l’administration, parce que s'y sentant plus à l'étranger que dans son pays. Et de guerre lasse de son exil doré, il entama de courtiser feu le Premier ministre Hamed Bakayoko, alors ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, qui finit par l’appeler à ses côtés pour en faire un conseiller, puis directeur de cabinet, après qu'il eût reussi à ejecter cet autre grand serviteur de l'Etat qu'est Bamba Check Daniel. Tout le corps préfectoral en fût ému a l'époque et l'a fait savoir au ministre d'Etat. S’il a démissionné derechef après le décès du Golden Boy, à l'avènement du ministre Sidiki Diakité, il sait pourquoi. Mais cela n’a absolument rien à voir avec la gouvernance Ouattara. Au demeurant, en temps opportun, nous ouvrirons le livre noir des frasques de Vincent Toh Bi durant son passage au ministère de l'Intérieur.
Ambroise TIETIE