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Interview exclusive/Tiburce Koffi casse la baraque: "Je ne pardonnerai jamais ce que le PDCI m'a fait"

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Tiburce Koffi dit tout sans langue de bois. Ph DR.
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Lauréat du grand prix Bernard B. Dadié pour la littérature 2022, Tiburce Koffi s’est ouvert à L’Avenir à la faveur de la 13e édition du Salon international du livre d’Abidjan (SILA). Sans langue de bois, il dit tout sur le Bureau ivoirien du droit d’auteur (BURIDA), sa récente adhésion au parti au pouvoir, ses rapports avec Bédié, Gbagbo, Ouattara, Soro et Blé Goudé. Ci-dessous le volet politique de cette interview-vérité.

Tiburce Koffi a cette chance d’avoir milité au sein de plusieurs partis politiques dont le PDCI, l’USD, le FPI . Aujourd’hui vous êtes au RHDP. Quels sont vos rapports avec le Président Alassane Ouattara?

Je n’ai jamais été au PDCI et si vous continuez à le dire, je risque de vous gifler. (Il s’énerve et menace de faire arrêter l’interview). Ne m’insultez pas ! Moi j’ai combattu Houphouët-Boigny et j’ai même fait de la prison sous son règne. Quand vous ne connaissez pas la vie des gens, ne racontez pas n’importe quoi ! J’ai souffert du PDCI-RDA et je ne lui pardonnerai jamais de m’avoir infligé cette souffrance. J’ai été dur sous Henri Konan Bédié et j’ai même prédit sa chute. J’ai toujours été anti-PDCI et c’est connu.

Il fut un moment aussi où vous aviez fait l’apologie de Guillaume Soro…

 J’ai fait son apologie et alors ?

« J’aime la personne Gbagbo Laurent mais je n’ai pas aimé le chef de l’État qu’il était »

Aujourd’hui, c’est l’apologie d’Alassane Ouattara que vous faites…

Vous m’avez une fois entendu dire du mal de Guillaume Soro ? Guillaume Soro est mon ami, mon petit frère et il m’appelle Maître et grand frère. Ce n’est pas parce qu’il a aujourd’hui des problèmes avec Alassane Ouattara que je vais nier ce fait. Je ne suis pas du tout en palabres avec Guillaume Soro. Moi j’ai mené bataille pour Alassane Ouattara de 2010 à 2011, quel Ivoirien ne m’a pas vu ? Après tout cela s’il arrive au pouvoir qu’il me fait appel, quoi de plus normal ? Je vous rappelle aussi que je suis le président-fondateur du Mouvement pour le néo-Houphouëtisme (MNH). Que le président d’un tel mouvement rejoigne le RHDP, où est l’incompatibilité ? C’est d’ailleurs la chose la plus normale. Ce mouvement, je l’ai créé en juillet 2007 et c’est pour son compte que j’ai mené campagne pour Alassane Ouattara.

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J’ai combattu Gbagbo. Je l’ai rejoint quand il était arrivé au pouvoir parce que c’est un compagnon de la gauche. Mais Gbagbo m’a déçu. J’ai rompu donc avec lui en lui écrivant officiellement. J’ai même écrit un livre dans lequel j’ai dit pourquoi je l’ai combattu. Je n’ai toutefois jamais été un militant du FPI. Laurent était un camarade. J’aime la personne Gbagbo Laurent mais je n’ai pas aimé le Chef de l’Etat qu’il était.

Vous l’aimez toujours ?

Mais bien sûr ! L’homme Gbagbo et moi, on n’a aucun problème mais c’est le Chef de l’Etat qu’il était que je n’ai pas aimé parce que je n’étais pas d’accord avec ses choix. Le seul parti dans lequel j’ai milité, c’est l’USD de mon maître Bernard Zadi Zaourou. Je n’ai jamais pris la carte d’un autre parti politique.

 « J’adhère pleinement au RHDP »

La carte du RHDP, allez-vous la prendre ?

Je vais prendre une carte du RHDP bientôt. Je suis en retard et je pense que j’aurai dû prendre depuis ma carte de militant. J’adhère pleinement au RHDP. Qu’un néo-houphouëtiste rejoigne le Rassemblement des Houphouëtistes est une chose normale. J’ai trop mis de temps à prendre ma carte du RHDP.

Vous aviez combattu Houphouët-Boigny comme le disiez tantôt, qu’est-ce qui explique que vous soutenez un parti politique qui prône l’houphouëtisme ?

Enfin, une belle question ! Dans l’un de mes ouvrages j’ai expliqué les raisons de ma rupture avec ce qu’on a appelé la gauche ivoirienne. Je fais partie des étudiants des années 70 qui avions été recrutés par les enseignants contestataires ou révolutionnaires, les gens de la gauche comme Bernard Zadi Zaourou, Niamkey Koffi, Barthélémy Kotchi, Francis Wodié. Ils nous formaient aux contestations pour mener le combat. C’est d’ailleurs Bernard Zadi Zaourou qui m’a présenté à Laurent Gbagbo en 1979. J’ai donc été politiquement et idéologiquement éduqué par la gauche ivoirienne. On a donné ce qu’on pouvait à cette gauche et la FESCI (Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire) est le résultat des enseignements de la gauche ivoirienne. Tous ces jeunes qui descendaient dans les rues et qui scandaient ‘’Houphouët, voleur’’, c’est nous qui leur avions appris ces paroles.

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C’est tout le travail de sabotage de l’édifice PDCI que nous avions fait quand nous étions dans les classes. A cette époque, on était tous attachés à des hommes politiques qui nous pilotaient. Dans mon cas, j’étais piloté par Bernard Zadi Zaourou. Après la mort d’Houphouët-Boigny et que plus tard la gauche accède au pouvoir, quels sont ces grands que vous avez vus dans ce pouvoir ? Je peux répondre personne car ni Gbagbo ni Wodié ni Niamkey Koffi n’étaient là. C’était un mouvement de droite qui était au pouvoir. Ils ont trahi le mouvement de la gauche. J’ai vu aussi comment la gauche a échoué de manière lamentable. Personne n’a pu malheureusement atteindre les performances d’Houphouët-Boigny mais c’est Alassane Ouattara seul qui l’a atteint. Pour dire que notre génération n’a rien apporté à la Côte d’Ivoire mais a plutôt fait chuter le pays.

 « Gbagbo aurait dû liquider tous les acteurs de la rébellion. Une rébellion est faite pour être mâtée »

Pour vous, Gbagbo aurait dû liquider les acteurs de la rébellion ?

Oui, Gbagbo aurait dû liquider tous les acteurs de la rébellion. Une rébellion est faite pour être mâtée. Lorsque tu ne peux pas mâter une rébellion, tu es nul et ne mérites pas de diriger la Côte d’Ivoire. C’est un acte de haute trahison de la Côte d’Ivoire. Face au désastre de la gauche, j’ai perdu toutes mes espérances d’homme de gauche, c’est fini. Celui qui a pu faire de moi ce que je suis s’appelle Houphouët-Boigny et sous son règne l’école était gratuite, j’ai connu de belles choses. C’est tout cela qui m’a convaincu à devenir Houphouëtiste d’où la création de mon mouvement.

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Je ne suis pas un Houphouëtiste comme les autres mais un Houphouëtiste critique. Et c’est en tant que néo-Houphouëtiste que je me dois de soutenir le combat d’Alassane Ouattara. D’ailleurs, il n’y a même pas de véritables hommes de gauche ici. J’ai soutenu Gbagbo Laurent qui est un homme de gauche mais en dix années de pouvoir, il n’est jamais parti à Cuba, il n’a jamais su qui était Fidel Castro. Il ne m’avait jamais envoyé en Chine, en Union soviétique encore moins en Allemagne de l’Est mais il partait en France là où il y a la droite. En France, ce sont pourtant des socialistes caviars. Quand j’ai connu tout cela, j’ai désormais le droit de dire que mon modèle, c’est Félix Houphouët-Boigny.

Mais pourquoi s’être opposé à Henri Konan Bédié qui était le digne héritier et successeur d’Houphouët-Boigny ?

Bédié et moi, on ne peut pas être d’accord. Je n’ai jamais été d’accord avec Bédié, ses choix sont mauvais. Un homme normal ne peut pas dire que je te donne un mandat et après tu me fais la passe. Cela n’existe nulle part. J’assume mes propos. Je n’ai peur de rien à mon âge, j’ai tout fait et maintenant je veux jouir.  (Il éclate de rire).

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Que répondez-vous à ceux qui disent que, comme Laurent Dona Fologo, vous accrochez vos habits là où le soleil brille ?

Fologo, lui, quittait ses patrons quand ceux-ci perdaient le pouvoir. Moi je quitte mes patrons quand ils sont au pouvoir. C’est là toute la différence entre lui et moi. J’étais le Conseiller de Gbagbo qu’il aimait le plus, on mangeait ensemble. Il était au pouvoir et avait de l’argent mais je l’ai quitté pendant qu’il était au pouvoir. Cela dit, quand Fologo dit que c’est au soleil qu’il faut sécher son linge, c’est intelligent car qui voudrait sécher son linge sous la pluie ?

Et dans votre cas, actuellement, où faites-vous sécher votre linge ?

Au soleil, comme un homme intelligent. Peut-être que vous me diriez que je suis allé au RHDP pour manger et boire ? Connaissez-vous quelqu’un qui adhère à un parti politique pour endurer des supplices ? Je ne vois pas quelqu’un qui prend une carte de militant d’un parti politique pour endurer des misères. Moi j’ai 68 ans, j’ai formé des cadres dans ce pays, j’ai mené des combats pour un chef de parti politique qui est au pouvoir, j’ai tout à fait le droit de demander ma part de ce combat.

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Je le revendique ! D’ailleurs le poste de président du comité de gestion et de restructuration du BURIDA ne me convient pas, c’est même de la foutaise qu’on me donne en me nommant au BURIDA. Je mérite quatre fois mieux que le BURIDA !

Seriez-vous en train de revendiquer un poste ministériel ?

Mais pourquoi forcément un poste ministériel ? D’ailleurs même si c’est un poste ministériel, vous pensez que Tiburce Koffi ne mérite pas d’être ministre dans ce pays ? De vous à moi, je ne le mérite pas ? Vous pensez que je vais dire que je suis au RHDP pour les beaux yeux de quelqu’un ? Je suis allé au RHDP pour manger, pour boire et j’ai ce droit-là. Je me suis battu pour un chef qui est arrivé au pouvoir, je veux ma part, écrivez-le !

 « Le RDHP sera au pouvoir jusqu’en 2030 »

Quelle est votre analyse sur les élections municipales et régionales à venir ?

Nous allons gagner. Le RHDP va gagner les élections municipales et régionales. Alassane Ouattara va également gagner l’élection présidentielle de 2025. Le RDHP sera au pouvoir jusqu’en 2030, écrivez-le !

« Je suis avec Alassane Ouattara et je mènerai campagne pour lui »

Vous pensez que le président Alassane Ouattara pourra être au pouvoir jusqu’en 2030 ?

Chaque mandat prend dix ans, vous lui avez déjà donné cinq ans. C’est au début qu’il fallait s’opposer. Il fera le 2e mandat de la IIe République et j’écrirai l’article qu’il faut le moment venu. On va prendre le pouvoir et on sera là jusqu’en 2030. Je suis avec Alassane Ouattara et je mènerai campagne pour lui. D’ailleurs, je demande aux ivoiriens de le suivre car il n’y a personne qui soit mieux que lui. Je ne vois d’ailleurs personne qui est à sa hauteur.

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Laurent Gbagbo, qui ambitionne de se présenter en 2025, n’est-il pas un candidat sérieux à craindre ?

C’est que vous n’avez pas d’ambition ! Gbagbo qui est fatigué qui ne peut même pas gérer son foyer, c’est la Côte d’Ivoire qu’il va diriger ?

« Charles Blé Goudé n’est pas encore prêt pour diriger un pays » 

Et Charles Blé Goudé ?

Il n’est pas encore prêt pour diriger un pays. Il a certes des compétences mais peut-être que c’est dans dix ans qu’il pourra. J’avais déjà écrit dans un livre que cette génération de la FESCI avec Guillaume Soro, Doumbia Major, Martial Ahipeaud et Blé Goudé va parvenir au pouvoir. Après la gestion de Ouattara, c’est eux qui vont prendre le pouvoir. Ce ne sont pas les Thiam, que les gens ne se trompent pas. Ceux-là méritent de prendre le pouvoir parce qu’ils se sont battus pour ce pays.

Vous croyez vraiment que l’après Ouattara sera assuré par Guillaume Soro ?

Après Ouattara, oui, Guillaume Soro pourra prendre le pouvoir mais pas pendant que Ouattara est là.

Vous qui êtes ami à Guillaume Soro, avez-tenté une conciliation entre lui le président Alassane Ouattara?

Qui vous a dit que je ne fais rien ? Vous pensez que je suis obligé de dire tout ce que je fais sur la voie publique ?

Que retenir de Tiburce Koffi, un homme qui a de grandes affinités avec des Chefs d’Etat de son pays ?

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Je n’ai pas suivi Houphouët-Boigny, je n’ai pas suivi Bédié encore moins Robert Guéï. J’ai certes suivi Gbagbo mais il m’a déçu et je suis parti. Ouattara, je l’admets, je l’ai suivi mais sur cinq Chefs d’Etat, j’en ai suivi deux. Ce n’est pas donc une habitude pour moi de suivre des Chefs d’Etat. Alassane était l’ami de Gbagbo, ils ont rompu. Pareil pour Bédié et Alassane, qui ont aussi rompu. Donc on peut nous aussi rompre avec des personnalités. Je suis un itinérant comme le titre de mon dernier ouvrage. Ma vie est faite de parcours et de chemins multiples. Je suis musicien spécialiste du Jazz, je suis auteur dramatique, poète, romancier, essayiste, metteur en scène, homme de théâtre, j’ai fait de la politique, je suis journaliste, critique littéraire, homme de médias. J’ai tout fait dans la vie, pourquoi voulez-vous que je suive une seule route ? Si aujourd’hui je suis avec toi que tu me déçois, je pars.

Lorsqu’on a 68 ans, on ne cherche plus qu’à sauver ses vieux jours, n’est-ce pas ?

La question n’est pas là. Pourquoi voulez-vous que je reste dans un endroit qui ne me convient pas ? D’ailleurs, les Ivoiriens disent qu’on ne dure pas ‘’mauvais rêve’’. Si ça ne va pas, je m’en vais.

 

Philip KLA

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