
Dès l’aube, la circulation y est devenue un véritable chemin de croix : embouteillages monstres, accès restreints, un véritable parcours du combattant… La raison de cette paralysie ? Une audience très attendue, opposant Valérie Yapo à Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, au Tribunal de Première Instance du Plateau.
Aux alentours de la Cité des Affaires, le ballet incessant des klaxons couvrait presque les consignes criées par les policiers, déployés en grand nombre à tous les carrefours stratégiques. Les rues, habituellement grouillantes de cadres pressés et de livreurs téméraires, affichaient un visage inhabituellement figé. Aucun véhicule ne pénétrait sans justification claire. En tout cas, pas au cours de la matinée.
Un périmètre sous haute surveillance
Au centre de ce branlebas sécuritaire, le palais de Justice du Plateau. C’est ici que le juge du Tribunal de Première Instance doit donner le verdict dans l’affaire dame Valérie Yapo, ancienne déléguée PDCIRDA d’Akoupé, qui conteste la légalité de l’élection de Tidjane Thiam à la tête du parti septuagénaire. Un procès hautement sensible, à fort potentiel de mobilisation, que les autorités ivoiriennes ne pouvaient se permettre de prendre à la légère. Dès 7h30, des barrages filtrants, ont été érigés autour du palais. Le dispositif, impressionnant, a été renforcé par des unités visibles et mobiles aux abords de véhicules.
Une audience tendue, mais calme
L’audience en elle-même, a débuté vers 9h, pour ne durer à peine une trentaine de minutes. Peu de monde à l’intérieur du tribunal, malgré les craintes initiales d’un afflux de militants ou de curieux. Chaque partie a présenté ses arguments par écrit au tribunal. Celle de Valérie Yapo a plaidé pour l’intégration de nouveaux éléments au dossier, estimant que ceux-ci pourraient influer significativement sur la décision finale. Idem pour les avocats du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) qui ont demandé l’ouverture de nouveaux débats, en ajoutant des documents à la procédure. Résultat, l’affaire se prolonge : des plaidoiries doivent se tenir la prochaine. Cette fois, ce sera un débat oral. Le juge, visiblement soucieux de la complexité du dossier et du contexte politique qu’il alimente, a pris la décision de renvoyer le verdict au jeudi 15 mai 2025. Une manière d’apaiser les tensions, tout en se donnant le temps d’analyser les pièces versées.
Un meeting interdit, une tension contenue
rêtait pas au tribunal. Le PDCI-RDA avait prévu de tenir, ce même jour, un meeting à sa permanence du Plateau. Un événement annoncé en grande pompe et censé mobiliser les militants autour de leur président, Tidjane Thiam, dont la légitimité est aujourd’hui contestée. Mais à la veille du rassemblement, les organisateurs ont été stoppé net. Une note signée du Commissaire Divisionnaire-Major, Yéo Kollo Roger, leur a été adressée. Dans ce courrier officiel, la Police nationale interdit purement et simplement le meeting pour des raisons de sécurité.
« Il ne sera matériellement ni sécuritairement possible de garantir un accès libre et sécurisé à vos militants », explique la note. Et pour cause : la proximité entre la permanence et le tribunal rendait la cohabitation des deux événements impossible, selon les forces de l’ordre. Ce jeudi, donc, aucun tambour, aucune banderole aux couleurs du parti. La permanence est restée muette, surveillée de loin par des policiers en faction. Une ambiance pesante, presque irréelle, contrastant avec celle de la Maison du parti à Cocody, où les militants du vieux parti étaient massés pour exiger la réintégration de Tidjane Thiam sur la liste électorale.
Un dossier à forte charge symbolique
Au-delà de la simple querelle juridique, ce procès soulève des enjeux majeurs pour le PDCI-RDA. Valérie Yapo ne conteste pas seulement l’élection de Tidjane Thiam ; elle remet en question toutes les décisions et nominations qu’il a prises depuis son arrivée à la tête du parti, et surtout, sa mise à l’écart de l’organe décisionnel. Autrement dit, si sa requête aboutit, c’est toute l’architecture actuelle de la direction du PDCI-RDA qui pourrait être remise en cause.
Une hypothèse que redoutent les cadres du parti, déjà engagés dans une préparation active pour les futures échéances électorales. Pour beaucoup, ce procès devient un test grandeur nature pour la cohésion interne du parti, mais aussi pour la capacité de la justice ivoirienne à arbitrer un contentieux hautement politique en toute impartialité. En attendant le délibéré du 15 mai prochain, le Plateau a retrouvé son agitation habituelle en fin de matinée. Toutefois, les embouteillages ont persisté jusque dans l’après-midi. Les commerçants, les usagers de la route et les fonctionnaires pressés de rejoindre leurs postes, garderont sans doute longtemps le souvenir de ce jeudi 8 mai 2025, un jour où politique et justice ont, une fois de plus, dicté le tempo dans la cité des Affaires.
Manuel ZAKO