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Opinion

Chronique : La politique ivoirienne ou la technique de la terre brûlée

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La politique ivoirienne a sa logique que la logique elle-même ignore. Entre alliance naturelle et alliance contre-nature, les partis politiques naviguent au gré des intérêts. Les Etats n’ont pas d’amis, mais des intérêts. Cette citation peut parfaitement s’appliquer à la politique ivoirienne. Les partis n’ont pas d’amis, mais ils ont des intérêts. Des intérêts généralement différents et divergents. 

Des alliances naturelles et des alliances contre nature…

En effet, depuis 1995, on assiste à des alliances entre les trois principaux partis politiques. D’abord l’alliance entre le FPI et le RDR a accouché le Front Républicain en 1995 pour combattre le PDCI de Henri Konan Bédié au pouvoir. En 2005, le RDR et le PDCI ont uni leurs forces dans l’alliance RHDP, en vue de chasser du pouvoir le FPI de Laurent Gbagbo.

Et rebelotte en 2020, avec la naissance du CNT contre le 3è mandat du RDR de Alassane Ouattara. Enfin, le Front Commun, fondé par le PPA-CI et le PDCI avait pour mission de dégager le RHDP du pouvoir et contrer le 4è mandat considéré comme un « mandat de trop ». 

La politique ivoirienne a la peau dure…

Pour les politologues, le marigot ivoirien est profondément dangereux pour celui qui veut changer la donne avec un coup de baguette magique. Le néo politicien Tidjane Thiam l’a appris à ces dépens. Lui qui voulait faire la politique autrement, a fini par se rendre à l’évidence : sans jeu d’alliance avec l’un des grands (PPA-CI ou RHDP), impossible de conquérir le pouvoir d’Etat. Encore faut-il que le jeu soit transparent, égal pour chacun et sincère.

Une sinécure sans doute, car tous les appareils du pouvoir (exécutif, législatif, judiciaire et médiatique) sont infectés de militants encagoulés de tout bord politique. Chacun veut être juge et partie. En tout cas, personne n’est neutre. Mais on peut faire preuve de bonne foi. 

La fin justifie les moyens…

Plus question d’idéologie politique. La fin justifie les moyens, dit Machiavel. Le socialisme, le libéralisme, le communisme etc. sont en effet des vieux et lointains souvenirs. La nouvelle génération ne sait même pas de quoi il s’agit réellement. Elle est désormais habituée à une autre forme de politique : le tribalisme. Une organisation sociale où l'on valorise son propre groupe d'appartenance au détriment des autres. 

Le rattrapage ethnique….

Depuis son ascension au pouvoir en 2011, le RHDP est accusé à tort ou à raison de pratiquer cette politique nauséabonde. A telle enseigne que des intellectuels ainsi que des hommes politiques ont appelé ouvertement au grand remplacement. Le pouvoir, disent-ils, doit revenir aux gens du Sud, après des années de domination des gens du Nord. Il n’en fallait pas plus pour voir les réseaux sociaux s’enflammer. La boite de pandore étant ouverte, le repli identitaire refait surface. Pour les élections législatives, des internautes ont demandé à chaque Ivoirien de candidater dans son village natal. 

Le repli identitaire….

Autrement dit, Abidjan doit revenir aux Ebriés. Dabou aux Adioukroux. Ou encore Bouaké aux Baoulés, Korhogo aux Senoufos ainsi de suite. Si chaque Ivoirien doit retourner dans sa région natale, on ne parlera plus alors de Nation. On serait dans un Etat fédéral ou les régions sont des Etats fédérés et gérés par l’ethnie dominante. Récemment, un homme politique de l’opposition a dénoncé le choix des candidats basé sur l’ethnie. Une véritable régression à l’état primitif combattu par le Père de la Nation Ivoirienne Feu Félix Houphouët Boigny. Lui, le Baoulé, qui fut le premier député de Korhogo, en pays Senoufo…. 

En définitive, il appartient à nos partis politiques (PPA-CI, PDCI, RHDP, FPI etc.) de laisser un héritage durable à la Côte d’Ivoire pour éviter un saut dans l’inconnu. La guerre ethnique est la plus dangereuse et la plus meurtrière des conflits dans le monde. L’histoire est têtue…

Kanaté Kassoum