
Le jeudi 19 juin 2025, à l’occasion d’une visioconférence solennelle, Tidjane Thiam n’a pas mâché ses mots : « Président Laurent Gbagbo, merci d’avoir pris la direction de ce front commun ». Une déclaration à la fois limpide et lourde de sousentendus, tant elle résonne comme l’acte de décès de la CAP-CI, pourtant, présenté en mars dernier, comme le creuset du renouveau démocratique ivoirien. Il faut dire que cette coalition, née à l’initiative de Simone Ehivet Gbagbo, rassemblait de vieux compagnons de lutte, devenus aujourd’hui des rivaux amers du fondateur du PPA-CI : Simone ellemême, mais aussi Charles Blé Goudé et Pascal Affi N’Guessan. En clair, tout ce que Laurent Gbagbo s’est efforcé de tenir à bonne distance, ces dernières années. La CAP-CI avait néanmoins tenté de peser dans le débat politique, en exigeant notamment une nouvelle révision de la liste électorale et la recomposition de la Commission électorale indépendante.
Mais sans le poids lourd du PDCI-RDA, cette coalition risque de se résumer à une addition de sigles sans envergure. Ironie de l’histoire. Alors que la CAP-CI prétendait incarner une opposition unie, c’est le chef du plus grand parti d’opposition, le PDCI-RDA, qui en signe aujourd’hui, la mise en sommeil, préférant une alliance stratégique avec celui que ses alliés considéraient hier encore, comme infréquentable. À ce rythme, il ne restera bientôt plus à la CAP-CI que le soin d’organiser un colloque sur « l’échec des coalitions oppositionnelles en Afrique de l’Ouest ». Ce retournement révèle, une fois encore, la fluidité presque artistique des alliances politiques à la veille d’une élection majeure. L’unité, lorsqu’elle n’est pas fondée sur une vision commune, mais sur des ressentiments partagés, finit souvent par se briser sur le récif des ambitions personnelles. Le PDCI-RDA n’a pas encore officiellement annoncé son retrait de la CAP-CI. Peut-être attendil un moment plus propice pour acter ce divorce de fait. Peut-être espère-t-il jouer sur deux tableaux. Mais à Abidjan, tout le monde a compris : le grand parti a choisi de s’installer à la table des “grands”, laissant aux « menus fretins », le soin de se débrouiller avec les restes de l’unité. La réaction de la CAP-CI ne s’est pas encore fait entendre. Mais une chose est sûre : la recomposition de l’opposition est en marche… et elle n’attend personne.
Yacouba DOUMBIA