
Le Directeur des Affaires Civiles et Pénales (DACP) se dit être « interpellé sur cette question d’actualité ». Raison pour laquelle, il lui « est apparu opportun et nécessaire d’apporter un éclairage sur la problématique à travers la thématique : Attribution et perte de la nationalité ivoirienne d’origine : Quelles réalités ? ». L’actualité ivoirienne est marquée par des débats passionnés sur la nationalité, suite à l’ordonnance n°001 du 22 avril 2025 rendue par la présidente du Tribunal de première instance d’Abidjan dans un contentieux électoral. Cette décision a relancé les interrogations sur les conditions d’attribution et de perte de la nationalité ivoirienne d’origine notamment celle du président du parti démocratique de Côte d’Ivoire, Cheick Tidjane Thiam. En tant que directeur de cette structure chargée de l’application du Code de la nationalité (décret n°2021-451 du 08 septembre 2021), Kouamé Augustin a tenu à éclairer l’opinion sur cette question cruciale.
Pour l’homme de droit, la nationalité est le lien juridique unissant un individu à un État, créant des droits (protection) et des obligations (allégeance, respect des lois). En Côte d’Ivoire, la nationalité d’origine est attribuée par filiation (droit du sang), selon l’article 6 du Code de la nationalité (loi n°61- 415 du 14 décembre 1961) : « Est Ivoirien d’origine, l’enfant né de père et/ou de mère ivoiriens. » Dans le cas de M. Thiam, ses avocats ont plaidé sa binationalité franco-ivoirienne par filiation, mais n’ont pas pu prouver que son père était français (pièces insuffisantes : (acte de naissance non authentifié, absence de certificat de nationalité française). L’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère entraîne la perte automatique de la nationalité ivoirienne, sans besoin d’un décret. Alors que dans l’affaire Thiam, il a été naturalisé français en 1987 (décret publié au Journal officiel français).
Dès lors, il perd sa nationalité ivoirienne conformément à l’article 48. Expliquant la plaidoirie de la défense lors du procès pour présenter la preuve de la nationalité du père de M. Thiam, Kouamé Augustin confie que « le conseil de Tidjane Thiam, Maître Dadjé Rodrigue verse aux débats une feuille volante non authentifiée portant l’inscription, au feutre, de la mention Etat civil européen ( ECE 1962) à laquelle est annexée une copie presque illisible de l’acte de naissance n°394 de Monsieur Thiam Cheick Tidjane, dressé sur le 102e feuillet du registre de naissance». « De l’analyse des énonciations de cet acte de naissance, il ne ressort nullement que le père du détenteur, Monsieur Amadou Thiam, né à Dakar au Sénégal le 05 aout 1923, Directeur de radio, est de nationalité française », poursuit-il.
« La loi ne procède pas d’une interprétation opportuniste »
Il explique que la nationalité française peut se prouver de plusieurs façons, selon ta situation. Soit par la possession d'un document officiel (carte nationale d'identité ou passeport français valide), un acte de naissance français, certificat de nationalité française (CNF), par jugement, par filiation ou naissance en France. Dans le cas d’espèce, M. Thiam a perdu la nationalité ivoirienne d’origine, non par décision de l’autorité publique (art 48 al 2, art. 52 CN), mais par l’effet de la loi elle-même. Selon l’article 52 du code de la nationalité « l’ivoirien qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut d’office, s’il a également la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret, avoir perdu la qualité d’ivoirien ». La perte de la nationalité ivoirienne par l’effet de la loi est illustrée par l’article 48 al 1 du Code de la nationalité qui dispose : « Perd la nationalité ivoirienne, l’ivoirien qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité ».
« Cette juste application de la loi ne procède pas d’une interprétation opportuniste ou circonstancielle », confirme le juriste. Selon lui, il n’était pas nécessaire pour le juge d’attendre un quelconque contentieux de la nationalité du cadre du PDCI car « la preuve contraire a été offerte par le décret de naturalisation de M. THIAM publié au journal officiel de la République française du 1er mars 1987 ». Il soutient que le certificat ne donne pas la nationalité mais il prouve que son détenteur l'a déjà par filiation, par adoption, par mariage, par déclaration ou par naturalisation etc. Depuis le 24 février 1987, Monsieur Thiam, pour avoir volontairement acquis la nationalité française, suite à sa naturalisation, et ce, alors qu’il était majeur, a automatiquement perdu, par l’effet de l’article 48 du code de la nationalité ivoirienne, la nationalité ivoirienne. Il l’a récupérée automatiquement en renonçant à la nationalité française (2025). Cette affaire illustre les réalités juridiques de la nationalité ivoirienne, souvent méconnues du public. Elle rappelle que la nationalité d’origine, liée à la filiation, ne s’efface pas définitivement, même en cas d’acquisition d’une autre nationalité.
Joël DALLY