Édito

Opposition ivoirienne : le chant du cygne et le temps des regrets

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Il ne reste plus que quelques jours et les Ivoiriens seront appelés aux urnes pour choisir un parmi les cinq candidats qui ont été retenus par le Conseil constitutionnel pour diriger leur pays pour les cinq prochaines années. Ceux qui depuis plus d’une année clament urbi et orbi que cette élection ne se fera pas sans eux et que le chef de l’Etat actuel Alassane Ouattara ne sera pas aussi candidat sont en train de faire l’amer constat qu’ils sont totalement passés à côté de la plaque.

Non seulement l’élection présidentielle aura bel et bien lieu et à bonne date, mais elle aura lieu sans ces opposants et surtout avec la candidature redoutée du président Alassane Ouattara qui part largement avec la faveur des pronostics. Passé le temps des remises en cause et des introspections, cette frange de l’opposition dirigée par le PDCI RDA, le PPA-CI et le FPI veut tenter un baroud d’honneur le samedi 4 octobre prochain avec une marche pour réclamer encore et encore une participation des candidats de l’opposition à cette élection. Selon le communiqué relayé abondement sur les réseaux, cette marche du Front commun est organisée afin « d’instaurer un dialogue politique national comme condition pour des élections apaisées ». Le thème de cette marche « pour la paix, il n’est pas encore tard » en dit long sur la posture du Front commun qui était pourtant vent debout contre le scrutin présidentiel, il y a juste quelques semaines.

Si ce n’est pas une capitulation avant la lettre, ce n’est pas loin de l’être. Contrairement à ses habitudes dans ce contexte pré-électoral, le Front commun de l’opposition semble avoir mis assez d’eau dans son vin. Non seulement, ils ont laissé tomber deux aspects importants de leur narratif : « barrer la route au quatrième mandat anti constitutionnel de Ouattara » ; « Les élections auront lieu et Ouattara ne sera pas candidat », mais ils surfent désormais sur l’argumentaire de la paix en lieu et place des menaces et des mises en garde. Cela n’est pas anodin parce qu’à la vérité, Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam et Affi N’Guessan savent que les carottes sont cuites pour eux.

La convocation de cette marche, si elle est autorisée par les autorités compétentes, sonne comme le chant du cygne qui désigne la dernière œuvre, la dernière action ou la dernière manifestation bruyante d’une personne avant sa fin, son retrait ou sa mort. Ici, le Front commun sait qu’il n’a plus de leviers en interne et sur le plan diplomatique sur lesquels s’appuyer pour empêcher ou obtenir le report de l’élection présidentielle afin d’espérer ouvrir un hypothétique dialogue politique.

Le Front commun de l'opposition a été rattrapé par son refus hérétique et pathologique d'un plan B

Après la réussite somme toute relative de la marche du 9 août 2025, le Front commun veut à nouveau tenter l’expérience avant l’ouverture de la campagne, pour simplement marquer son existence. Mais ici encore, beaucoup d’eau a coulé sous le pont après le 9 août 2025. Non seulement Charles Blé Goudé qui était l’architecte de la mobilisation de cette marche a rompu les amarres avec le Front commun, mais cette opposition s’est beaucoup fissurée. Au niveau du PPA-CI, beaucoup de militants favorables à Ahoua Don Mello ont décidé de s’inscrire dans le processus électoral avec leur candidat et de tourner le dos à l’absolutisme politique et au culte de la personnalité. Idem pour le PDCI RDA où une bonne frange de militants a décidé de s’engager avec Jen Louis Billon.

Au-delà de la symbolique du chant du cygne, cette autre marche de l’opposition est l’expression du temps des regrets. Comme le titre éponyme du roman inachevé de Marcel Pagnol, publié à titre posthume en 1977 qui relate la vie d’un vieil homme en proie aux remords, à la solitude et à la conscience de sa fin prochaine, l’opposition est dans une logique de regrets du fait de ses mauvais choix stratégiques. Aujourd’hui, des acteurs comme Bredoumy Soumaïla, Dia Houphouët, Koné Katinan qui avaient le vent en poupe ont curieusement disparu des écrans radars. Ce n’est plus la même verve d’avant et la logique d’empêcher coûte que coûte Ouattara d’être candidat. Le Front commun a été rattrapé par son refus hérétique et pathologique d’avoir un plan B. Ils connaissent très bien Alassane Ouattara, pour certain depuis même l’opposition, et ils savent que c’est quelqu’un qui ne cède pas au chantage, surtout en politique.

Ils s’y sont essayés malgré tout et le résultat est là. L’objectif de toute formation politique étant la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir, un parti politique sérieux ne peut pas bâtir toute sa stratégie autour de la non-candidature d’un autre acteur politique. Surtout que cela ne repose sur rien. Aujourd’hui, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo se rendent compte qu’ils ont vendu du vent à leurs militants et ont été pris au piège de leur arrogance politique et de leur refus d’un plan B. Non seulement dans quelques jours l’élection présidentielle aura lieu sans eux et avec Ouattara, mais ils devront encore pendant longtemps méditer sur une nouvelle approche pour espérer relancer leurs partis politiques respectifs parce que le temps n’attend pas et le mercato politique est très dynamique en Côte d’Ivoire.