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Opinion

Parrainages électoraux : ce que dit vraiment la loi et les cas Gbagbo et Affi , au-delà des polémiques

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L’examen du parrainage électoral n’est pas une manœuvre d’exclusion ( ph : dr)
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L’instauration du parrainage citoyen obligatoire pour les candidats à la présidentielle à partir de l’élection présidentielle de 2020, continue de susciter débats , frustrations et suspicions.

Présenté comme un outil de crédibilisation de la compétition électorale, le parrainage est aujourd’hui au centre de polémiques suite aux dernières délibérations du Conseil constitutionnel, en date du lundi 8 septembre 2025. Ces polémiques sont alimentées par les candidats recalés et par leurs partisans. Accusations de « confiscation de candidatures », dénonciations de « parrainages volés », procès intentés au Conseil constitutionnel : tout y passe , alors que le Conseil constitutionnel , et même la CEI également indexée, ne participent pas aux débats. Que disent réellement la loi et les procédures ?

Trois niveaux de collecte, deux méthodes possibles

La collecte des parrainages s’organise en réseau hiérarchisé : un collecteur central coordonne l’ensemble, relayé par des collecteurs régionaux, eux-mêmes épaulés par des délégués au niveau local. Tous sont enregistrés auprès de la CEI, formés et tenus responsables en cas de fraude, ou d’anomalies.

Deux méthodes coexistent :

• Biométrique : grâce à 100 terminaux électroniques fournis à chaque candidat, les parrainages sont vérifiés en temps réel. Un électeur est identifié en moins de 40 secondes : inscription effective, appartenance à la circonscription, absence de double parrainage. Les données sont transmises directement au serveur central. C’est le système le plus fiable, qui élimine d’emblée les doublons et les faux numéros.

• Manuel (Excel) : utilisé en cas de panne ou de réseau défaillant. Les collecteurs saisissent les informations dans un fichier à déposer sur clé USB. Cette méthode, plus souple, est aussi plus vulnérable aux erreurs et aux manipulations. 

CEI et Conseil constitutionnel : le double filtre

Une fois les données consolidées, la CEI transmet les dossiers au Conseil constitutionnel. Ce dernier active un Comité technique d’appui (CTA), qui vérifie minutieusement la conformité des parrainages.

Les conditions sont strictes :

• Parrainages validés dans au moins 17 régions.

• Atteindre 1 % du corps électoral dans chaque région validée.

• Atteindre ou dépasser le cas échéant le seuil global exigé.

Sans ces critères, la candidature tombe d’elle-même.

Article 54 : seul le doublon est remplaçable

C’est ici que les polémiques prennent racine. Plusieurs candidats recalés reprochent au Conseil constitutionnel de ne leur avoir pas accordé les 48 heures de délai pour remplacer les parrainages invalidés. Or, l’article 54 du Code électoral est sans équivoque : seuls les doublons sont susceptibles d’être corrigés. Autrement dit, lorsqu’un électeur soutient deux candidats, chacun est notifié et dispose de 48 heures pour remplacer les doublons manquants. Mais pour toutes les autres irrégularités — fausses identités, numéros inexistants, usurpations, parrainages de la diaspora ou simples erreurs — il n’existe aucun recours. Ces parrainages sont purement et simplement éliminés, et invalidés sans recours possible. Les manipulations consistent donc à faire croire que le Conseil aurait dû permettre le remplacement de milliers de parrainages frauduleux ou erronés. Faux. La loi ferme la porte à ces pratiques.

Les erreurs des candidats : diaspora et faux numéros

L’examen des arguments du conflit constitutionnel sur les dossiers rejetés met en lumière des fautes récurrentes : 

• Recours massif à la méthode Excel : source d’erreurs, de doublons non détectés et de falsifications.

• Fraudes caractérisées : insertion de milliers de fausses identités, parfois copiées directement sur les listes électorales.

• Confusion sur la diaspora : certains candidats ont sollicité des électeurs ivoiriens résidant à l’étranger, pensant leurs parrainages valides. Or, la diaspora n’est pas une circonscription autorisée.

• Formation insuffisante des collecteurs : registres mal remplis, pièces d’identité non vérifiées.

Un exemple illustre le problème : un candidat présenté avec 216 doublons et plus de 11 000 fausses identités. Même si la loi lui avait permis de combler les doublons, le déficit restait abyssal et insurmontable, en 48 heures.

Le cas spécifique d’Affi N’Guessan 

Le rapport relatif au parrainage de Pascal Affi N’Guessan révèle un déficit de conformité aux exigences légales. Le document indique qu’aucune région n’a été validée. Sur l’ensemble des parrainages collectés, les chiffres bruts révèlent : 40 910 parrainages collectés, parmi lesquels 16 136 ont été validés et 24 774 invalidés. La proportion d’invalides est majoritaire, traduisant un déséquilibre entre les collectes et les parrainages retenus. Ces invalidations, qu’elles soient liées à des doublons, à des erreurs d’identification ou à d’autres causes techniques, amputent le nombre final de parrainages exploitables. Les chiffres mettent en évidence que, malgré une collecte numérique relativement importante, le taux d’acceptation demeure insuffisant pour satisfaire aux critères légaux.

Les parrainages du président Laurent Gbagbo 

Pour le président Laurent Gbagbo, 9 régions ont été validées, Ce qui reste inférieur au seuil de 17 régions requis par le Code électoral pour valider une candidature. En ce qui concerne les parrainages chiffrés, le rapport indique que 7 038 parrainages sont répertoriés sous la catégorie « électeurs inconnus », intégralement invalidés. Ces données figurent au début du tableau et expliquent le rejet des parrainages associés. Pour les autres régions, malgré des collectes parfois élevées (notamment dans le District Autonome d’Abidjan et dans d’autres zones comme le Cavally ou le Béré), les résultats consolidés du fichier montrent que les totaux n’ont pas été enregistrés comme exploitables dans la synthèse générale. Le calcul global donne donc 0 parrainage validé et 0 collecté en valeur finale, car les invalidations ou incohérences dominent l’ensemble des dépôts. Ce constat met en évidence l’écart entre les collectes brutes régionales et les chiffres retenus au plan national. En résumé, le rapport chiffre 9 régions validées mais aucun parrainage total validé, les collectes initiales ayant été neutralisées par un nombre élevé d’invalidations.

Mauvais procès fait au Conseil constitutionnel ? 

Accuser le Conseil constitutionnel d’avoir restreint les droits des candidats relève d’une lecture biaisée. Le CC ne fait qu’appliquer la loi. Son rôle n’est pas de sauver des candidatures plombées par des irrégularités massives, mais de garantir que ceux qui se présentent répondent réellement aux critères exigés. Les accusations de « parrainages volés » ou de « 50 000 signatures disparues » ne résistent pas à l’examen : chaque dépôt fait l’objet d’un accusé de réception signé par le représentant du candidat. Les contestations publiques relèvent plus de la stratégie politique que de la réalité juridique.

Pour une transparence renforcée

Même si la procédure est claire, elle peut gagner à être mieux expliquée et rendue plus transparente. Plusieurs pistes sont avancées :

1. Généraliser le biométrique pour limiter les fraudes ou erreurs liées aux fichiers Excel.

2. Délivrer aux candidats un relevé détaillé des motifs d’invalidation, afin d’éviter les procès d’intention.

3. Mieux former les collecteurs et responsabiliser ceux qui introduisent de faux parrainages.

4. Sensibiliser les électeurs sur le caractère unique et personnel du parrainage.

5. Renforcer les audits indépendants pour couper court aux accusations partisanes.

Conclusion : un filtre nécessaire, mais exigeant

L’examen du parrainage électoral n’est pas une manœuvre d’exclusion. Ce n’est pas non un caprice institutionnel. C’est un filtre destiné à renforcer la qualité de la compétition présidentielle. Il suppose rigueur et probité de la part des candidats et de leurs équipes.

Seuls les doublons peuvent être remplacés. Les fraudes, fausses identités et parrainages irréguliers ne bénéficient d’aucun rattrapage. Accuser le Conseil constitutionnel de partialité, c’est ignorer le texte et travestir la réalité.

Le vrai enjeu désormais est de renforcer la transparence et de donner aux citoyens, comme aux candidats, les preuves tangibles que le processus est équitable. Car c’est de cette confiance que dépend, en grande partie, la sérénité du scrutin présidentiel.

Par Oupoh Laurent

Analyste politique