Politique

Pendant la période électorale : Pas d'immunité pour les ex-chefs d'Etat et les ex-ministres

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La loi est dure, mais c'est la loi ( ph : dr )
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À l’approche de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, un rappel juridique s’impose : aucun acteur politique, fut-il ancien président de la République, ancien chef ou président d'institution national et ancien membre du gouvernement, n’est à l’abri de poursuites judiciaires en cas d’infractions commises durant le processus électoral.

En 2005, l’ex-président Laurent Gbagbo a promulgué la loi n°2005-201 du 16 juin 2005 portant statut des anciens chefs d’État, anciens chefs ou présidents d’institutions et anciens membres de gouvernement. Ce texte visait à encadrer les avantages, privilèges, immunités, poursuites ou arrestations des anciens anciens présidents de la République, anciens chefs ou présidents d'institutions nationales et anciens membres du gouvernement.

Ainsi, au titre de l'immunité, l'article 1er de la loi dispose que « l'ancien président de la République ne bénéficie d'aucune immunité de juridiction postérieurement à l'exercice de son mandat ». Il précise toutefois que « les poursuites ou arrestations de l'ancien président de la République sont soumises à une procédure spéciale, notamment l'autorisation de l'Assemblée nationale à la majorité des 2/3 des membres siégeant ».

L'article 7 de ladite loi précise qu’ « aucune poursuite ne peut être engagée contre un ancien chef de l’État par la procédure de flagrant délit, sauf en cas d’atteinte à la sûreté de l’État ». Les dispositions similaires s'appliquent aux anciens chefs ou présidents d'institutions et aux anciens membres du gouvernement.

L'objectif visé par les dignitaires du FPI en 2005

Ce texte qui entendait, de prime abord, assurer une certaine protection pénale à des serviteurs de l'Etat, visait en réalité à prémunir les dignitaires de l'ancien parti au pouvoir (le FPI, Ndlr) contre des poursuites en cas d’échec éventuel.

Cependant, à l'approche de la présidentielle de 2005, puis de 2010, des dispositions ont été prévues pour permettre de poursuivre l'ancien président feu Henri Konan Bédié et l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara en cas de troubles éventuels. La volonté de l'ancien régime du FPI de réprimer sévèrement les dirigeants de l'opposition, notamment Konan Bédié et Alassane Ouattara, l'a conduit à introduire, contre toute attente, dans les dispositions diverses et finales de cette loi un article 54 qui stipule que « les mesures spéciales instituées en matière de poursuite ou d'arrestation d'un ancien président de la République, d'un ancien chef ou président d'institution ou d'un ancien membre du gouvernement pour les faits criminels ou délictuels par lui commis ne prospèrent pas pour les poursuites des infractions perpétrées lors des campagnes électorales ou à l'occasion des élections.

Les poursuites de ces infractions sont régies par les dispositions du code électoral, du code pénal et du code de procédure pénale ». Cela veut dire que « les immunités et protections spéciales ne s’appliquent pas aux infractions commises durant les campagnes électorales ou à l’occasion des élections ».

C'est l'article 54 qui a permis de juger Gbagbo 

Cet article devrait être utilisé après les élections et en cas de violence contre les responsables de l'opposition d'alors. Malheureusement, le camp de l'ancien président Laurent Gbagbo a perdu le pouvoir et c'est cet article (54) qui a permis son arrestation et celles de certains dignitaires pendant la crise post-électorale.

L'article 54, faut-il le souligner, fait disparaître toute immunité juridictionnelle en présence de faits criminels ou délictuels commis pendant les campagnes électorales ou à l'occasion des élections. Il convient également de rappeler que ce sont les partisans de Laurent Gbagbo regroupés au sein de différentes Ong et partis politiques qui ont œuvré pour l’inscription dans le code électoral du 1er aout 2000 de l'article 4 « frappant d'indignité toutes personnes condamnées pour des faits criminels ou délictueux ». Cette indignité, soulignons-le, les prive de leur inscription sur la liste électorale.

Le violences pré et post-électorales ont fait beaucoup de dégâts en Côte d’Ivoire depuis 1995. Elles ont atteint leur paroxysme en 2010 surtout et en 2020. Les violences du boycott actif de 2020 ont donné lieu à des procédures judiciaires toujours en cours car aucun jugement n'est encore intervenu. Le décès de Henri Konan Bédié, acteur clé du Conseil national de transition (CNT), a éteint l'action publique à son égard uniquement et non à l’égard des autres acteurs.

Quid des autres acteurs du CNT ?

Quid des autres acteurs du CNT tel que Affi n’guessan?

Les procédures les concernant se poursuivent. Celles-ci suivent leur cours et l’on a pu récemment assister à l’interpellation du président de la JPDCI rurale qui avait joué un rôle actif dans la crise de 2020.

Les dispositions de la loi 2005-201 du 16 juin 2005 ainsi que l'article 4 du code électoral sont donc un moyen réel de purger la classe politique ivoirienne des hommes politiques violents qui, par des mots d'ordre, endeuillent régulièrement la Côte d’Ivoire. À l'approche des élections du 25 octobre 2025, tous les hommes politiques doivent savoir qu'un arsenal juridique existe pour les empêcher définitivement de nuire en les privant de toute participation au jeu électoral qui est la substance même de la démocratie et de l’action politique.

L'amnistie ne doit plus bénéficier aux acteurs politiques violents

Visiblement, l'amnistie prise par le président Alassane Ouattara le 6 aout 2018 a permis de réinsérer dans le jeu politique un grand nombre de politiciens qui n'ont pas encore compris le sens de cet acte de clémence qui vise à favoriser la réconciliation nationale. Il en est ainsi de plusieurs cadres du PPA-CI qui, aujourd’hui, font le dos rond, alors qu’ils auraient dû se voir appliquer l’article 4 du code électoral et mis hors du débat politique. Aucun homme politique ne doit être au-dessus de la loi.

L'amnistie initiée par des hommes politiques pour d'autres hommes politiques doit cesser afin de mettre définitivement fin au cycle de la violence que connaît la Côte d’Ivoire à la faveur des élections depuis 1995 marqué par le premier boycott actif de l'histoire de la Côte d’Ivoire. 

Il faut rappeler que le boycott actif est un cocktail composé d'actes terroristes, d’homicides, de violences et d'atteinte à l'autorité de l'Etat qui sont pour la plupart des infractions criminelles. La perpétration de ces actes de violence doit permettre de sortir du jeu électoral, partant du jeu politique, les politiciens violents.

La mise en garde du ministre d'Etat, Kouassi Kobenan Adjoumani, lors de la dernière conférence de presse du RHDP doit être perçue comme un conseil à certains acteurs afin qu'ils ne franchissent pas la ligne rouge. La loi est dure, mais c'est la loi. Et comme l'a indiqué un artiste en vogue, "amagninrin, y a pas pitié dedans". Les acteurs politiques doivent se le tenir pour dit.

Yacouba DOUMBIA